Économie

Un été meurtrier pour les illusions économiques

Fini les discours sur la reprise qui s’accélérerait et la courbe du chômage qui serait en train de s’inverser. Investissement, consommation, exportation, dépense publique, l'économie française n'a plus aucun moteur qui fonctionne.

Susana Santiago Montoya expulsée de son appartement madrilène en juillet. REUTERS/Susana Vera
Susana Santiago Montoya expulsée de son appartement madrilène en juillet. REUTERS/Susana Vera

Temps de lecture: 4 minutes

L’économie française fait du sur-place, même le Premier ministre Manuel Valls le reconnait, le chômage continue d’augmenter à un rythme à peine ralenti. Rien n’a donc changé en ce début d’été, à ceci près qu’on a pris conscience de la gravité de la situation au plus haut niveau de l’Etat. Fini les discours sur la reprise qui s’accélérerait et la courbe du chômage qui serait en train de s’inverser. Les propos sont nettement plus mesurés et la politique menée commence à s’infléchir. Il est temps.

François Hollande a cru pouvoir naviguer au mieux entre les écueils, mais il a surestimé les performances du navire dont il est devenu le capitaine en mai 2012 et sous-estimé la force des vents contraire. A priori, ses choix pouvaient se justifier. Quand il est arrivé au pouvoir, la situation commençait tout juste à se calmer dans la zone euro.

Avec des investisseurs financiers qui  continuaient de surveiller de très près la situation financière des Etats européens et avec des doutes persistants sur la capacité de la France à redresser ses comptes, il était impératif de chercher en priorité à réduire le déficit des administrations publiques, quitte à augmenter fortement les prélèvements obligatoires: les hausses d’impôt ne sont jamais populaires et elles pèsent sur l’activité, mais elles sont efficaces car elles permettent d’augmenter rapidement les recettes. 

Une fois la France bien remise sur les rails budgétaires, il serait possible de faire une pause fiscale, voire d’amorcer une baisse des taux d’imposition qui, par un hasard fort heureux, pourrait vraiment s’affirmer à l’orée de 2017, année électorale.

Pendant cette période de forte pression fiscale, la croissance reposerait pour l’essentiel sur la demande extérieure. Quant à la demande intérieure, elle serait en partie préservée par le maintien de la dépense publique à un niveau relativement élevé ; le redressement des comptes reposant pour l’essentiel  sur la hausse des recettes, il serait possible de simplement stabiliser le montant des dépenses de l’Etat et des autres entités publiques, sans avoir à procéder à des coupes claires.

Excès d’optimisme

Ce schéma était discutable, mais il n’était pas absurde. Après tout, au début du quinquennat, beaucoup, y compris dans l’opposition, pensaient que François Hollande allait profiter du rétablissement progressif de l’économie mondiale et qu’il avait des chances non négligeables de réussir. Mais la suite des événements a montré que ce scénario péchait par un excès d’optimisme.

La croissance mondiale a déçu et le commerce mondial s’est révélé peu dynamique. Les grands émergents ont montré des signes de ralentissement sérieux; c’est notamment le cas de la Chine, dont les achats de biens d’équipement profitent d’abord, de toute façon, à l’Allemagne. Aux Etats-Unis, la presse salue maintenant le fort rebond du deuxième trimestre, mais cela ne doit pas faire oublier que la croissance américaine reste modeste (2,3 % en 2012, 2,2 % en 2013) et l’accélération attendue en 2014 ne se produira pas: le chiffre de l’année sera sans doute inférieur à celui des deux années précédentes, quelque part entre 1,7 %, selon la dernière prévision du FMI, et 2%. 

On notera d’ailleurs que ce chiffre de 2% est actuellement celui qui est retenu par les économistes comme le haut de la fourchette des estimations de la croissance potentielle des Etats-Unis.

En Europe, la situation n’est guère plus guère brillante. L’Allemagne va bien, l’Espagne et le Grèce donnent des signes d’amélioration, mais l’activité reste globalement peu soutenue, avec une hausse de 1,1 % du PIB de la zone euro selon les dernières prévisions du FMI. Le Royaume-Uni pavoise avec un taux de croissance qui pourrait dépasser 3,2 % cette année, mais cela ne doit pas faire oublier que son PIB vient seulement de retrouver son niveau d’avant la crise de 2008.

Rien ne marche comme prévu

Dans ce contexte peu porteur, le manque de compétitivité de l’économie française s’est fait durement ressentir. Et la demande intérieure est faible, qu’il s’agisse de la consommation ou de l’investissement des entreprises, avec de surcroît des mises en chantier de logements au plus bas depuis quinze ans. 

L’Insee estime que la croissance du PIB ne devrait pas dépasser 0,7 % cette année, au-dessous de l’objectif officiel de 1%; le FMI partage ce pronostic et n’attend plus une amélioration significative du marché de l’emploi avant 2016. Quant au chef de l’Etat, il dénonce les excès de langage du président du Medef à propos de la situation  «catastrophique» de la France, mais admet publiquement que le changement  tarde à venir.

A partir de ce constat, que faut-il faire? Le ministre de l’Economie, s’il continue à parler haut d’audace, d’idées nouvelles, de mobilisation générale, voire de révolution, se montre sur le fond très réaliste: «Nous devons nous désintoxiquer de la dépense publique» . Et les efforts réalisés en matière de dépenses publiques devraient permettre, selon une règle de répartition des trois tiers, à abaisser le déficit public, à réduire le poids des prélèvements obligatoires pesant sur les entreprises et celui pesant sur  les ménages.

Difficile équation budgétaire

Ce programme, qui parait effectivement adapté aux circonstances, suppose toutefois qu’un accord puisse être trouvé au niveau européen, car il est clair que la France aura le plus grand mal à respecter ses engagements en matière de déficits. Et si en plus elle veut commencer dès maintenant à réduire le poids des impôts, l’objectif d’un déficit public ramené à 3 % du PIB s’éloigne encore davantage.

Cela dit, la question ne se pose pas en termes d’un face à face entre Paris et Bruxelles ou Paris et Berlin, qui défend le strict respect des règles. La question se pose au niveau de la zone euro considérée dans son ensemble. Le FMI, par exemple, insiste sur la nécessité de trouver «le juste équilibre entre la maîtrise de l’évolution de la dette publique et le soutien de la demande» et prévient: «les décideurs devraient éviter de couper dans les dépenses si la croissance déçoit les attentes».

Une partie importante se joue donc en ce moment avec  la mise en place de la Commission présidée par Jean-Claude Juncker. Mais une autre partie du travail de redressement de l’activité doit se jouer ici, en France, ne serait-ce que pour s’attaquer enfin au problème du logement. Sur ce point, du temps a été perdu, il est urgent d’aller vite maintenant. Cela devrait être un des thèmes majeurs de la rentrée.

Déjà on perçoit quelques signes d’un aménagement de la loi Alur. Cécile Duflot n’avait pas forcément tort de vouloir remettre de l’ordre dans le secteur, mais ses priorités étaient discutables: quand on veut relancer une activité, il vaut mieux ne pas commencer par se mettre toutes les professions concernées à dos.

cover
-
/
cover

Liste de lecture