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Les Arabes israéliens doivent-ils choisir «un camp»?

Les manifestations récentes d'arabes israéliens contre l'intervention militaire à Gaza, montrent que la cohabitation devient de plus en plus compliquée au sein de l'Etat juif.

Des policiers israéliens arrêtent un arabe israélien lors d'une manifestation à Haifa, le 19 juillet 2014. REUTERS/Ammar Awad
Des policiers israéliens arrêtent un arabe israélien lors d'une manifestation à Haifa, le 19 juillet 2014. REUTERS/Ammar Awad

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Les événements de Gaza ont réveillé à nouveau le problème de la double appartenance de la population arabe d’Israël —21% de la population de l’Etat. A Jaffa, le 21 juillet, une manifestation contre l'action militaire de Tsahal dans la bande de Gaza a entrainé un affrontement entre Arabes et des jeunes juifs de la droite nationale. La police avait pourtant demandé aux militants d'extrême droite de rester à l'écart. Cette manifestation est la dernière en date d’une série de rassemblements qui se sont multipliées, dans les villes de Jérusalem, Haïfa, Tirah et Kufr Manda.

L’apparition systématique de drapeaux palestiniens dans les manifestations arabes crée un malaise qui met en évidence le difficile positionnement de cette minorité (qui comprend des Arabes Musulmans aussi des Chrétiens). Le statut des Arabes israéliens a toujours été controversé. Bien qu’ils disposent de tous les droits civiques et sociaux, ils se distinguent de leurs concitoyens juifs par leur exemption du service militaire. Ce qui leur interdit d’accéder ensuite à certains postes sensibles.

Les fils et petits-fils des 156.000 Palestiniens qui étaient restés en 1948 à l’intérieur des frontières d’Israël, représentent aujourd’hui une communauté de 1,66 million, soit 21% de la population du pays. Ils restent éclatés entre le soutien affectif aux Palestiniens et leur volonté pragmatique et irréductible de rester en Israël.

En manifestant leur solidarité avec leurs concitoyens de Galilée, de Cisjordanie et de Gaza, ils étonnent toujours les Israéliens car la population arabe, constituée de citoyens israéliens, est assimilée tout en se considérant souvent pas suffisamment considérée par l’État: «Nous sommes des Israéliens, nous nous sentons israéliens, nous parlons souvent un excellent hébreu, nous sommes diplômés de l'université, mais nous sommes toujours considérés comme des citoyens de seconde zone».

Exclusion économique et financière

Mais la mauvaise humeur arabe de Jaffa a une autre origine. L’exode de 1948 avait entrainé l’abandon de l’ancienne ville qui est restée longtemps en ruines. La municipalité a donc décidé de redonner vie aux vieux quartiers en rénovant les vieilles bâtisses arabes abandonnées. Les Arabes se sentent exclus, pour des raisons financières, de ce projet de rénovation qui les amène à déserter progressivement des habitations sans confort et trop usées qui sont ensuite rénovées et réoccupées par des Juifs.

La seconde intifada de 2000 a agi comme un catalyseur pour les jeunes arabes de Jaffa, attisée par le mouvement islamiste local. «L’opération Plomb durci», l'intervention militaire israélienne dans la bande de Gaza en 2008-2009, a élargi le fossé qui s’est creusé entre la population juive, majoritairement favorable à l’action de Tsahal, et la population arabe qui manifestait sa solidarité en précisant qu’elle avait de la famille dans la bande de Gaza. Plusieurs milliers d'Arabes israéliens s’étaient alors répandus dans la ville de Nazareth pour réclamer la levée du blocus de Gaza.

Arborant des drapeaux palestiniens ou verts aux couleurs de l'islam, les manifestants avaient appelé à la constitution d'un gouvernement «d'union nationale palestinien», comprenant des représentants du mouvement islamiste Hamas et du parti rival Fatah, du président Mahmoud Abbas. La manifestation était organisée par le «mouvement islamique» en Israël et deux formations représentées à la Knesset (le Parlement israélien): le Rassemblement national démocratique Balad et la Liste unifiée arabe.

Logique de séparation

Avigdor Lieberman, le très à droite ministre des Affaires étrangères, avait alors exigé que les Arabes israéliens définissent leur choix. Selon lui, ils pouvaient rester Israéliens et faire preuve de loyauté envers ses institutions et son gouvernement, ou alors devenir Palestiniens et déménager vers les territoires de Cisjordanie

Lieberman avait proposé des solutions pour se «débarrasser» des Arabes: échange territorial avec adjonction de villes israéliennes, comme Oum El-Fahm, à la Cisjordanie et division de Jérusalem pour offrir la partie arabe de l’Est, hors Lieux Saints, à un  nouvel état palestinien.

Les manifestations actuelles risquent de mettre un terme à toute illusion de cohabitation à long terme entre Juifs et Arabes. Si l'on suit la stratégie de la droite nationale qui refuse la création de deux Etats, Israël intégrerait tous les Palestiniens, après annexion de la Cisjordanie, dans le cadre d'un seul Etat juif qui risque de perdre à terme son identité et une partie de sa sécurité.

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