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Les parodies d'Hitler dans «La Chute» sont une bonne nouvelle pour l'Histoire

«Sim Heil: der Untersim», la première occurrence connue du meme autour de «La Chute», en 2006.
«Sim Heil: der Untersim», la première occurrence connue du meme autour de «La Chute», en 2006.

Temps de lecture: 2 minutes - Repéré sur The Los Angeles Review of Books

Il y a quasiment dix ans, en septembre 2004, sortait en Allemagne le film La Chute, de Oliver Hirschbiegel. Même si vous ne l'avez jamais vu, vous en avez forcément regardé une scène, celle où Hitler (incarné par Bruno Ganz) explose de colère dans son bunker en apprenant que la bataille de Berlin est perdue: car depuis 2006, elle a en effet fait l'objet de nombreux détournements sur YouTube, en faisant un des memes les plus connus au monde.

Des problèmes de la nouvelle version de Flight Simulator (la première occurrence connue du meme) aux évènements récents comme le crash du vol MH17 ou la victoire de l'Allemagne en Coupe du monde, le Führer s'est insurgé contre beaucoup de choses depuis près d'une décennie. Mais que nous dit ce meme de la façon dont nous le voyons en tant que personnage historique? C'est ce que s'est demandé le journaliste et collaborateur de Slate.com Ron Rosenbaum dans la postface inédite de la nouvelle version de son ouvrage Explaining Hitler: The Search for the Origins of His Evil, que reproduit la Los Angeles Review of Books.

Il y livre une analyse de «ce qui pourrait bien être l’image la plus reproduite de "Adolf Hitler" dans le monde entier», celle qui, «pour le pire et le meilleur, a le plus ressuscité le dictateur allemand au XXIe siècle»:

«Le démoniaque réduit à l’état de trivial. Mais le génie de ces parodies, c’est qu’elles trivialisent cette trivialisation, car leur effet dépend du fait qu’Hitler occupe encore une place éminente dans la hiérarchie du mal. Et, d’une façon particulière mais efficace, elles replacent le "vrai Hitler" au-dessus de ce que peut capturer la pop culture ou la satire en ligne.»

Le phénomène web autour de La Chute montrerait donc en creux à quel point Hitler reste un personnage historique difficile à simplifier:

«Ces parodies sur YouTube durent depuis des décennies en temps Internet. Le fait qu’elles soient si vivaces est peut-être moins un exemple de la façon dont notre culture peut "digérer" Adolf Hitler que de la façon dont elle ne le peut pas.

 

Le simple fait que nous essayons de le contenir dans une caricature, et une caricature de cette caricature, démontre un désir de nous distancer de la possibilité de faire face au "vrai" Hitler, en le capturant dans son état le plus caricaturable, le moins normal. Le moins comme nous.»

Ce désir d'éviter le «vrai» Hitler est-il une mauvaise chose? Pas selon Rosenbaum, pour qui, au contraire, «le fait qu’Hitler résiste encore à un "traitement", au fait d’être transformé en l'exemple simpliste d’un système, qu’il soit psychologique, sociologique, idéologique ou épidémiologique» est une bonne nouvelle. En somme, il vaut mieux qu'il reste un personnage avec ses mystères et son aura maléfique, qui donnera aux historiens envie de s'en emparer et d'enquêter –quitte au passage, à ce qu'il devienne un objet parodique de la pop culture–, plutôt que devenir un homme qu'on prétendrait expliquer facilement par une seule «clef».

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