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Dans la peau d'un gardien de but

Si ce Mondial 2014 restera dans les annales comme l’un des plus beaux de l’histoire du football, ce ne sont cependant ni les techniciens virtuoses, ni les flamboyants attaquants qui ont le plus marqué les esprits, mais bien les gardiens de but, avec leurs arrêts spectaculaires voire miraculeux. On s'est mis à leur place.

Le gardien de but costaricien Keilor Navas effectue un arrêt face contre la Grèce le 29 juin 2014 à Recife, REUTERS/Tony Gentile
Le gardien de but costaricien Keilor Navas effectue un arrêt face contre la Grèce le 29 juin 2014 à Recife, REUTERS/Tony Gentile

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7 mètres 32 de largeur sur 2 mètres 44 de hauteur: telles sont les dimensions de l’espace qu’en tant que gardien de but, vous vous devez de protéger. Vu d’ici, tout paraît immense: les tribunes, le terrain, la surface de réparation, les joueurs…

Pour mener à bien votre mission, vous pouvez utiliser toutes les parties de votre corps: les mains, les pieds, la tête, les genoux, les fesses, le ventre, les dents s’il le faut… Tous les moyens (ou presque) sont envisageables. On attend d’un gardien de but qu’il ne prenne surtout aucun risque, qu’il soit sobre et efficace.

Jamais un entraineur ne vous dira, à vous le portier: «Vas-y, régale nous, épate la galerie, sois créatif.» Rares d’ailleurs sont les goals qui, à l’instar de René Higuita et son fameux coup du scorpion, ont osé briller par leur fantaisie.

Dans la mesure où vos interventions seront généralement brèves et ultra rapides –car le ballon arrive toujours très vite, très fort–, vous devez être ultra concentré. La moindre faute d’inattention se paie: le pauvre portier russe, Igor Akinfeev, se souviendra longtemps de sa microseconde d’absence au cours du match qui a opposé la Russie à la Corée.

La sortie dans les pieds

Certes, vous faites partie d’un collectif, mais le gardien de but, solitaire par définition, se doit de cultiver une force de caractère extraordinaire et une détermination proches de celles des champions de tennis ou des coureurs de 100 mètres. Ces deux qualités, mêlées à une bonne dose de folie, sont les ressorts indispensables pour vous pousser à sortir dans les pieds de cet attaquant massif lancé à toute allure vers votre but.

La technique, ici, est de jaillir le plus rapidement possible et de choisir le moment idéal pour se coucher et opposer son corps tout entier au passage du ballon. Rassurez-vous, les attaquants sont souvent des gens courtois, et ils sauteront au dernier moment pour vous éviter.

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Il faut tout de même admettre que cet exercice n’est pas sans risque. Le 5 septembre 1931, John Thomson, jeune gardien du Celtic de Glasgow, percute très violemment le genou de Sam English, attaquant des Glasgow Rangers. Transporté à l’hôpital, ce jeune homme de 22 ans décédera quelques heures plus tard.

Plus récemment, le 17 mai dernier, Steve Mandanda, le portier de l’OM, a heurté lors d’une sortie le genou d’un joueur guingampais. La  fissure de la première vertèbre cervicale et l’entorse cervicale qui en résultèrent l’ont empêché de participer à la phase finale de cette Coupe du monde 2014.

L’art de bien plonger

Moins dangereux (à moins que vous ne rencontriez un des poteaux sur votre passage), le plongeon est un des savoir-faire propre aux gardiens de but. Qu’il soit à ras de terre ou dans les airs, il nécessite que vous soyez souple, rapide, doté d’une bonne détente et toujours aussi fou pour oser aller vous interposer face à ce ballon qui arrive en sifflant, parce qu’il a atteint une vitesse insensée, tant la frappe du joueur adverse a été forte et lourde.

Si, si, il va falloir y aller, parce que si vous laissez passer ce ballon-là, votre équipe, votre entraineur, le public vous mettront au ban. L’idéal serait de le bloquer mais vous imaginez bien qu’à la vitesse à laquelle arrive ce boulet de canon, il est probable qu’il vous échappe.

De plus, tandis que vous vous détendez dans les airs, les mots de l’entraîneur vous reviennent: «Fais sobre et efficace». Alors, d’une main ferme et tendue, vous déviez d’une claquette l’objet volant en corner sous les applaudissements du public et les félicitations de vos coéquipiers.

Parfois le ballon arrive si vite, si fort, que vous n’avez que le temps de le repousser. A ce moment là, alors que vous avez tout donné pour vous détendre et aller chercher ce ballon qui prenait le chemin de la lucarne, vous devez  vous relever à nouveau dans un temps record pour être en mesure de stopper ce tir que s’apprête à décocher l’attaquant en face de vous. Au cours de cette coupe du monde, Guillermo Ochoa (Mexique), Tim Howard (USA), Keylor Navas, Raïs M’Bolhi (Algérie), pour ne citer qu’eux, se sont révélés extraordinaires dans cet exercice.

Les sorties aériennes

Rien ne rassurera plus vos coéquipiers, lors d’un corner par exemple, que de constater que vous êtes magistral dans vos sorties aériennes. Seulement, là encore, si à la télé cet exercice semble plutôt aisé, maintenant que vous êtes sur le terrain dans la peau d’un goal, vous allez vous rendre compte de l’incroyable complexité que constitue l’acte de capter un ballon dans les airs.

D’abord, il y a tous ces joueurs qui viennent se placer dans vos six mètres et vous mettent la pression pour que vous ne puissiez pas sortir. Leur rêve: catapulter la balle de la tête dans votre but avant même que vous ayez eu le temps de bouger.

Les plus grands d’entre eux sont présents, il y a une nuée de têtes, de bras et de pieds. Là-bas, au poteau de corner, un gars dont la particularité est de savoir donner un effet courbe à la trajectoire du ballon. Cet effet peut être fuyant ou rentrant.

Dans les deux cas, la balle arrive très vite, sa trajectoire est incertaine et vous devez avoir suffisamment d’intuition et de concentration pour sentir l’endroit exact où elle va se poser. A ce moment précis, il vous faut vous frayer un chemin parmi tous ces colosses (vos défenseurs et les joueurs adverses) pour enfin parvenir à vous emparer du ballon.

Au départ, vous aurez le sentiment que des fusées volent au dessus de votre tête mais vous finirez par vous habituer. Enfin, il faut l’espérer…

Le placement

Parmi les qualités nécessaires pour être un bon gardien, rien ne vous sera plus utile que la capacité à toujours être placé au bon endroit. Vous ferez l’économie de quelques plongeons et pourrez grâce à vos reflexes détourner le ballon plus aisément. Certes, c’est moins joli qu’une superbe envolée mais tout aussi efficace. Et rappelez-vous, une nouvelle fois, les mots de votre entraîneur: «Fais sobre et efficace».

Des qualités physiques exceptionnelles

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Enfin, et ce n’est pas la moindre des choses, vous devez, en tant que gardien, entretenir votre musculature. Alors non! Pas ces gros pectoraux fabriqués de manière factice dans les salles de sport ou encore ces bras énormes que l’on voit de plus en plus souvent arpenter les rues et les plages…

Non, des muscles utiles, fins, discrets et souples. Il vous faut des abdos en béton armé, des cuisses et des mollets capables de tolérer une explosivité de tous les instants, des bras en acier trempé, des mains de fer…

Si en plus vous avez l’agilité d’un félin, le compas dans l’œil et l’intelligence d’un philosophe, vous êtes bâti pour être un grand gardien. Des caractéristiques qui ne sont pas sans nous rappeler l’un des meilleurs portiers de l’histoire du football français: Bernard Lama.

Il n’est pas sûr que cette expérience vous ait donné envie de devenir gardien de but, mais peut-être vous aura-t-elle permis d’apprécier plus finement l’incroyable travail de ces joueurs hors du commun.

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