Culture

Jack White et ses drôles de dames

Le prêtre du blues garage américain multiplie les muses autant que les guitares. Machistador ou homme à femmes?

Jack White aux Grammy Awards 2013. REUTERS/Mike Blake.
Jack White aux Grammy Awards 2013. REUTERS/Mike Blake.

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Fin juin, Jack White se produisait deux soirs de suite à l’Olympia. Le premier n’a pas fait l’unanimité –trop d’influences country peuvent tuer le blues le plus rocailleux. Le deuxième, lui, s’est révélé ultra fédérateur. Un lot généreux de reprises (Bob Dylan, Robert Johnson, Dick Dale et même Police), des morceaux cultes des White Stripes ou des Raconteurs, ses «tubes» solo.

Alors que sa dernière tournée, en 2012, alternait entre deux groupes de scène, l’un féminin, l’autre masculin, l’actuelle ne compte qu’une formation, avec une seule fille dans ses rangs. Mais lorsqu’il s’approche d’elle pour chanter sur quelques titres, la température monte aussitôt d’un cran… Si Jack White empile les casquettes (compositeur, chanteur, guitariste, batteur, pianiste, producteur, directeur de label, leader des White Stripes, des Raconteurs, de Dead Weather), on aurait tort d’omettre l’une des cordes les plus solides à son arc: son rapport aux femmes.

En 2012, un article de The Atlantic pointait «le problème de Jack White avec les femmes». Depuis, la question est régulièrement posée par la presse américaine: serait-il misogyne? Si l’on prend au pied de la lettre des morceaux qui soulignent l’inconstance, l’inconsistance et la superficialité supposées de la gent féminine, oui («She said she loves her daddy
/But only when he's got bills to pay» ou «It's not enough that I love you
/ There's all these things I have to prove to you/ 
You use the sun to erase the past/ 
But you think it only raises for you», sur le dernier album). Ce qui n'est pas une première dans le monde à dominante masculine du rock: Dylan lui-même avait été accusé de misogynie, notamment après son divorce avec son épouse Sara.

Sans faire valoir son CV sentimental (il sort d’une séparation houleuse avec Karen Elson), White s’est défendu de tout machisme: d’abord, il ne s’agit que de chansons et non pas de lui. Mouais. Ensuite, il a «travaillé avec plus de femmes que n’importe qui d’autre», assénait-il à Rolling Stone en mai dernier. Ici, il marque un point.

Doté d’un penchant pour les combats de coqs avec les hommes, White a jadis été jugé responsable de coups et blessures sur Jason Stollsteimer, un musicien de Nashville, et ne manque pas d’injurier les Black Keys, qu’il considère comme des pâles imitateurs dégénérés et obsédés par l’argent. Les femmes, elles, sont ses plus fidèles alliées, et pas seulement dans un but de séduction: ses penchants de Pygmalion lui permettent de les façonner à sa guise, mais aussi comme elles le désirent, elles. Inventaire (non exhaustif: on aurait pu ajouter des productions pour des groupes de filles comme First Aid Kit ou les Black Belles ou son duo avec Alicia Keys sur la BO du James Bond Quantum of Solace) de quelques-unes qui ont participé, involontairement ou non, au mythe White.

1.Teresa GillisLa mère sacrée

Catholique fervente, Madame Gillis a eu dix enfants. Le petit dernier, John Anthony, a vécu pleinement son complexe d’Œdipe au point de s’imaginer, adolescent, rentrer dans les ordres. Après s’être consacrée à l’éducation de ses enfants, Teresa a longtemps été bénévole pour l’archidiocèse de Detroit et d'une morale irréprochable aux yeux des membres de sa famille.

Encore aujourd’hui, White n’aime pas retourner à Detroit mais ne manque aucune occasion de la voir, vantant sans cesse son énergie et sa ténacité. Et pour cause: à 83 ans, elle seule peut lui ordonner d’aller au lit quand il a les traits fatigués. Et elle n’a même pas eu besoin de passer derrière le micro des studios Third Man Records pour avoir son mot à dire.

2.Meg WhiteL'ex-alter ego

Meg White, en 2002. Via Wikimédia Commons.

C’est en 1994, dans un coffee shop de Detroit, que Megan Martha White rencontre son futur époux. Il choisira de prendre son nom à leur mariage deux ans plus tard et le gardera à vie malgré leur divorce, prononcé en 2000.

En 1997 naissent les White Stripes. Meg impressionne le public en tapant comme une brute sur sa caisse claire, lui en impose avec son jeu de guitar hero possédé. Ensemble, ils réinventent le son garage blues et imposent des codes forts d’identité visuelle. Lorsque le succès commence à se manifester avec White Blood Cells (2001), personne ne sait vraiment s’il s’agit d'un frère et d'une sœur, d'un mari et d'une femme, de cousins ou de simples amis, ce qui ne fera qu’apporter une touche de mystère de plus à l’édifice du groupe.

En réalité, Meg et Jack restent proches mais la timidité maladive de la première démotive le second. Il est animé par une soif de réussir qui manque à Meg, misanthrope assumée: trop taciturne, pas assez sûre d’elle, elle le déstabilise sans le vouloir.

Lorsqu’elle se remarie avec le fils de Patti Smith, la cérémonie se déroule dans l’immense demeure de Jack White à Nashville, dans la joie et la bonne humeur. Aux dernières nouvelles, ils ne se voient que très rarement.

3.Renée ZellwegerLe tremplin people

Il y a eu un avant et un après Renée Z. Encore auréolée de la gloire de Bridget Jones mais déjà passablement névrosée, l’actrice américaine s’entiche du musicien en 2002 sur le tournage de Cold Mountain d’Anthony Minghella, où la moitié des White Stripes tient un petit rôle. Pour lui, elle squatte les cafés bobos de Detroit, découvre la vie en tour bus et apprend par cœur ses leçons d’histoire musicale.

Rien à faire, White est avant tout bouleversé par sa guitare. En 2004, ils se quittent bons amis. Entre temps, le visage blafard du rockeur est apparu dans les tabloïds, le rendant presque familier à la ménagère de plus de 50 ans. Et Seven Nation Army, le tube d’Elephant (2003), a déjà commencé, stades de football aidant, le processus qui mènera à sa transformation en «po-popo-po-po-po-po» international.

4.Karen ElsonL'ex-femme de sa vie

Quand, en 2005, la réalisatrice Floria Sigismondi suggère que le top model Karen Elson figure dans le clip de Blue Orchid, elle ne s’imagine pas le coup de foudre qui s’ensuivra. En juin de la même année, le couple se marie selon des rites chamaniques sur le fleuve amazonien.

The Ghost Who Walks de Karen Elson (2010)

La Belle des catwalks et de la Bête de scène auront deux enfants ensemble, Scarlett et Henry. Ayant repéré sa voix profonde et une certaine aptitude à la guitare sèche, White produit son album folk The Ghost Who Walks (2010), l’un des rares disques de mannequins à tenir la route.

S’il n’a pas été très chaleureux pendant l’enregistrement de l’album, Elson ne cache pas l’immense influence de son Pygmalion, qui lui a permis de se libérer de son étiquette de porte-manteau de luxe. Depuis, comme par hasard, sa côte de mannequin a explosé.

Mais malgré le capital sympathie d’une fête de séparation (si, si) organisée en grande pompe en 2011, l’ex-couple ne tarde pas à se déchirer et, en juillet 2013, Elson affirmera devant le juge avoir peur de White. Quelques mois plus tard, elle jure que tout ceci est derrière eux. Lui se venge dans les textes de son dernier album en date, Lazaretto, où il se présente en Don Juan capable de choisir (ou pas) celle avec qui il passera la nuit.

5.Loretta Lynn et Wanda JacksonLes grandes dames de la country

Van Lear Rose de Loretta Lynn (2004)

En 2003, les White Stripes sont devenus un groupe phare de la nouvelle scène rock anglo-saxonne et Jack White est sollicité par dame Lynn, star country de 72 ans, pour réaliser son nouvel album. Paru en 2004, Van Lear Rose réussit l’exploit de déringardiser Loretta Lynn aux yeux des néophytes de la country music tout en respectant les attentes des fans de longue date. Outre le fait qu’elle le confirme aussi bon producteur que songwriter, cette collaboration permet également à Jack White de se rapprocher de la scène musicale de Nashville, où il s’installe en 2006.

Quelques années plus tard, c’est à Wanda Jackson de faire appel à lui pour orchestrer son disque de come-back, le bien nommé The Party Ain’t Over (2011). Ici encore, il la joue fine en remontant aux sources de la chanteuse et lui fait interpréter un album bien senti de rockabilly tendance blues et soul. Reconnaissante, Wanda ne se fera pas prier pour reprendre un titre des White Stripes, In The Cold, Cold Night, sur la compilation Rockin’ Legends Pay Tribute To Jack White, parue en 2013. À quand Tina Turner?

6.Alison MosshartLa muse charnelle

Jack White et Alison Mosshart chantent Love Interruption à Dublin, en juin 2014.

Les rumeurs disent qu’Alison Mosshart serait à l’origine du divorce de White et Elson. Il est vrai que la tension sexuelle a toujours été palpable pendant les concerts de The Dead Weather, groupe créé en 2009 par Jack White et la chanteuse des Kills. On connaît les bonnes habitudes de miss Mosshart, dont la flamme scénique est souvent nourrie par une relation ambiguë avec ses partenaires...

Tous deux ont d’excellentes raisons d’entretenir une relation musicale –et plus si affinités. Excentrique, expansive, ostensiblement sexy, elle est tout ce que les ex de Jack White n’étaient pas et lui apporte ce petit grain de folie dont il a besoin. Control freak et guitar hero avéré (même s'il joue avant tout de la batterie chez Dead Weather) il a sans doute plus de poigne qu’un Jamie Hince un peu trop british dandy. La dernière fois qu’ils ont chanté ensemble, c’était à Dublin, là encore à la fin du mois de juin. Et c’était indéniablement hot…

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