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Bill Clinton n'était pas un «simple citoyen» en Corée du Nord

L'ancien président s'est rendu à Pyongyang à la demande de la Maison-Blanche, personne n'est dupe.

Temps de lecture: 3 minutes

Bill Clinton, ancien président des Etats Unis, est rentré de Corée du Nord le 5 août, après avoir fait libérer deux journalistes américains. Clinton a insisté sur le fait qu'il voyageait en tant que «citoyen privé», empruntant un avion mis à disposition par des donateurs politiques et sans le moindre représentant du gouvernement. Si Bill Clinton peut aller visiter la Corée du Nord, est-ce que cela signifie que je peux aussi le faire?

Oui. Si vous vous sentez l'âme aventureuse, et désirez visiter la belle Pyongyang, le Secrétariat d'Etat américain vous recommende d'obtenir un visa en passant par le représentant de la Corée du Nord auprès de l'ONU. Mais il reste beaucoup plus facile de voyager avec un tour opérateur certifié, tel qu' Asia Pacific Travel (seule compagnie américaine officiellement autorisée par le gouvernement Nord-Coréen) ou la compagnie britannique Koryo Tours. (Si vous y allez sans tour opérateur, il vous faudra trouver un organisme —disons, une université par exemple— qui vous hébergera).

Tout ce que vous avez à faire est de soumettre une copie de votre passeport, deux photos, et un formulaire pour un visa coréen. Le tour opérateur fournit ces documents à la Compagnie de Voyage Internationale Coréenne— agence gouvernementale chargée d'examiner les candidatures. (Le traitement du dossier prend environ un mois.) Votre demande peut être rejetée pour n'importe quelle raison, mais la seule raison qui vous bannirait automatiquement l'accès serait de cocher la case «journaliste» pour décrire votre profession. Même si vous êtes accepté, vous ne pouvez rester que cinq jours lors de la période annuelle du Festival Arirang, ou «jeux de masse», qui se tient cette année en août et septembre. Les Occidentaux non-américains peuvent se rendre dans le pays toute l'année, et généralement rester jusqu'à 10 jours lors du festival, mais autrement, les mêmes règles sont applicables.

Les voyageurs se rendant en Corée du Nord doivent s'attendre à une surveillance permanente. Dès votre arrivée à l'aéroport, un guide touristique officiel, dépêché par le gouvernement, vient à votre rencontre, et restera avec vous durant tout le séjour.

Les douaniers peuvent vous confisquer tout ce qu'ils considèrent comme de nature pornographique, ou tous éléments religieux qui pourraient être utilisés pour tenter de convertir les locaux. Il vous faut laisser votre téléphone portable à l'aéroport, et c'est le guide qui garde votre passeport. A partir de là, vous êtes conduit directement à votre hôtel, le plus souvent le Koryo ou le Potanggang, connu comme les seuls de Corée du Nord qui reçoivent CNN.

Les visites sont régentées avec rigueur et comprennent toujours le même circuit d'attractions touristiques, de la Juche Tower, qui commémore l'anniversaire de Kim Il-Sung, au Musée d'Histoire Centrale, qui présente une histoire du pays pour le moins originale, à des musées qui hébergent tous les présents faits à Kim Il-Sung et Kim Jong-il par les dignitaires étrangers, au fil des ans. Les voyages se déroulant pendant le festival Arirang incluent des représentations élaborées, dans le style des jeux olympiques de Pékin, comprenant musique, danse, et tifos à la coréenne. (Voir des photos ici.)

S'éloigner seul est strictement interdit. Il en va de même pour ce qui est de parler à des Nord-Coréens. Si vous tentez de parler à des habitants, ils sont censés vous dénoncer auprès des autorités. S'ils ne le font pas, quelqu'un d'autre pourrait les dénoncer. On déconseille fortement aux voyageurs de critiquer ouvertement le régime. Et si vous prenez des photos, notamment d'immeubles militaires ou personnels, votre appareil ou sa pellicule pourraient être confisqués. Il n'y a pas d'ambassade américaine vers laquelle se tourner en cas d'urgence; mais l'ambassade Suédoise à Pyongyang fournit des services consulaires élémentaires aux citoyens américains.

Bonus Explainer

L'arrêt Logan, promulgué en 1799 et mis à jour en 1994, interdit à tous de négocier avec des nations étrangères au nom du gouvernement des Etats-Unis, «sans l'autorité des Etats Unis». Le président Clinton a-t-il donc enfreint la loi? Peu probable. D'une part, Clinton ne menait pas une réelle négociation. Quels que soient les accords qui ont été passés pour permettre le transfert des deux journalistes, ils ont eu lieu bien avant que Clinton ne pose le pied à Pyongyang. Le rôle de Clinton était simplement de les récupérer. Et alors que Clinton prétendait voyager en tant que citoyen indépendant, il le fit à la demande de la Maison-Blanche. Quant à savoir si cela relève de l'«autorité des Etats-Unis, ou s'il aurait aussi fallu l'approbation du Congrès, ce n'est pas précisé dans le texte de la Déclaration.

Christopher Beam

Traduit par Charlotte Pudlowski

Image de une: Reuters Bill Clinton et Kim-Jong-Il, à Pyongyang. 4 août 2009.

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