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Peut-on être noir, Américain, et soutenir le Ghana sans être accusé d'antipatriotisme?

Les noirs américains aiment revendiquer leur connexion avec l’Afrique et se sentent solidaire des Africains. Comme les Américains d’origine italienne, irlandaise ou comme les Français d’origine étrangère soutiennent plusieurs équipes.

Supporters des Etats-Unis lors du match contre le Ghana sur la plage de Copacabana à Rio de Janeiro.  REUTERS/Pilar Olivares
Supporters des Etats-Unis lors du match contre le Ghana sur la plage de Copacabana à Rio de Janeiro. REUTERS/Pilar Olivares

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Les noirs américains préfèrent-ils l’équipe de foot des Etats-Unis ou les équipes africaines? Est-ce problématique s’ils préfèrent les équipes africaines? Dans un article intitulé «la vie compliquée des fans afro-américains de la Coupe du monde», la blogueuse Cherae Robinson revient sur cette question de l’identité et du rapport à la nation.

Pendant le match Ghana-Etats-Unis dans un bar de Brooklyn, Robinson raconte que les noirs américains présents dans la salle criaient de joie à la fois pour les buts américains, et pour celui marqué par les Black Stars.

Sur le site The Root, un lecteur demandait récemment: «Lors de Ghana-Etats-Unis, j’étais plutôt pour le Ghana et j’ai été accusé d’antipatriotisme sur Twitter. Je suis noir, et je voulais que l’équipe africaine gagne! Est-ce un problème?»

Non, lui a répondu la chroniqueuse Jenée Desmond-Harris, en soulignant que ce phénomène de double loyauté n’est pas unique aux Afro-Américains. De nombreux Américains d’origine italienne, irlandaise ou mexicaine soutiennent plusieurs équipes. Comme les Français d’origine algérienne qui ont célébré jeudi leur qualification pour les huitièmes de finale, des centaines de fans d’origine mexicaine ont bloqué plusieurs rues de Los Angeles après avoir gagné contre la Croatie dimanche dernier.

Les supporters de foot américains sont en général très patriotiques, et notamment reconnaissables à leurs hurlements USA USA USA! Or étant donné l’histoire du pays –marquée par l’esclavage et la ségrégation– le patriotisme ne va pas de soi pour les Afro-Américains.

«Dans la communauté noire, qui a un rapport compliqué à la notion de fierté nationale, il est difficilement concevable de courir avec un drapeau américain en criant “goal”», écrit Cherae Robinson.

Les noirs américains aiment revendiquer leur connexion avec l’Afrique et se sentent solidaire des Africains, explique Greg Carr, un spécialiste de l’histoire afro-américaine interviewé par The Root.

Ils ont tendance à s’intéresser aux athlètes noirs, quelle que soit leur nationalité. Carr cite l’exemple de la patineuse française Surya Bonaly, très appréciée dans la communauté noire américaine (elle était récemment interviewée par le magazine The Root). Quant à Serena Williams, elle avait porté un habit aux couleurs de l’équipe du Cameroun pendant la Coupe du monde de 2002.

Ce rapport compliqué des noirs américains à leur équipe nationale s’explique aussi par l’histoire du foot aux Etats-Unis, qui a été dès le départ un sport de blancs, introduit par des immigrés irlandais, écossais et allemands au XIXe siècle. C’est ensuite devenu une activité sportive pour enfants des banlieues aisées, à l’époque où les blancs ont fui les centres urbains pour se réfugier dans les banlieues.

Contrairement au reste du monde, le foot aux Etats-Unis n’est pas du tout un sport des classes populaires. Il y a d’un côté le terrain de basket grillagé du ghetto urbain, et de l’autre, l’image de la «soccer mom», la mère au foyer des classes moyennes et supérieures qui va chercher ses enfants au club de foot.

Mais depuis quelques années, des clubs s’implantent dans les quartiers urbains pour tenter d’attirer des jeunes aux profils plus divers. Et le fait de pouvoir s’enthousiasmer pour plus d’une équipe –Ghana, Cameroun Mexique, Equateur et Etats-Unis– peut être d’autant plus motivant.

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