Sports / Santé

Les footballeurs doivent-ils porter des casques pour se protéger des commotions cérébrales?

Les Américains s'inquiètent, bien plus que les Européens, pour le cerveau des sportifs.

Alvaro Pereira au sol après avoir été touché à la tête par le genoux de Raheem Sterling lors d'Uruguay-Angleterre le 19 juin 2014 à Sao Paulo, REUTERS/Damir Sagolj
Alvaro Pereira au sol après avoir été touché à la tête par le genoux de Raheem Sterling lors d'Uruguay-Angleterre le 19 juin 2014 à Sao Paulo, REUTERS/Damir Sagolj

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Alors que le football continue de se développer aux Etats-Unis à l'ombre des grands sports majeurs du pays (football américain, basket, baseball), les médias et les chercheurs américains s'intéressent de plus en plus à un sujet qui reste relativement peu évoqué ce côté-ci de l'Atlantique: la dangerosité potentielle des têtes pour le cerveau des joueurs.

Dès 2011, nous évoquions ici-même les résultats d'une étude de Michael Lipton, directeur du Gruss Magnetic Resonance Research Center à l’université de Yeshiva à New York, qui a analysé les images cérébrales de 32 footballeurs amateurs et a trouvé des ressemblances avec les patients souffrant de commotions cérébrales. Une autre étude a montré que le nombre de commotions cérébrales et de blessures à la tête au football était comparable à ceux du football américain ou du rugby, deux sports habituellement jugés plus dangereux pour les joueurs.

Début 2014, le sujet a pris une nouvelle importance à la suite d'un article du New York Times relatant le premier cas prouvé d'encéphalopathie traumatique chronique, ou ETC, une maladie neurodégénérative, chez un footballeur semi-professionnel.

«Nous ne pouvons pas être certains que la pratique des têtes est à l'origine de cette affection dans le cas présent, déclarait Ann McKee, la neuropathologiste de l'université de Boston qui a examiné le cerveau de Grange, au journaliste du New York Times. Mais il faut constater qu'il faisait fréquemment des têtes, or il a développé cette maladie. Je ne suis pas certaine de pouvoir m'avancer plus que cela.»

Malgré les nombreux travaux sur le sujet, on ne connaît pas encore bien les risques neurologiques liés à la répétition des têtes au football. En attendant, de plus en plus de voix s'élèvent pour que de plus grandes précautions soient prises.

Le journaliste Stefan Fatsis défendait en début d'année dans un article paru sur Slate.com (et traduit ici) l'idée d'interdire les têtes aux jeunes enfants qui pratiquent ce sport. Selon les spécialistes auxquels il a parlé, une tête mal effectuée génère une force plus importante sur le cerveau, et «la plupart des enfants pré-pubères ne sont pas capables de mettre en œuvre les préparations nécessaires à réceptionner le ballon avec la tête; ils ne sont tout simplement pas assez forts ou pas assez conscients ou pas assez coordonnés».

Mais le problème ne concerne pas seulement l'acte de taper le ballon avec la tête lui-même. Jenna McLaughling écrit sur le site Mother Jones à la suite de la spectaculaire image du défenseur uruguayen Alvaro Pereira recevant un violent coup de genoux involontaire sur la tempe lors du match contre l'Angleterre:

 «Ce n'est pas de la balle que les joueurs de football devraient avoir peur, de mais tout le reste. Les collisions joueur contre joueur, joueur contre sol et joueur contre poteau de but sont les plus grands dangers selon Robert Cantu, un professeur de l'université de Boston qui a travaillé sur le sujet.»

Le récent cas de Pereira, qui a perdu connaissance mais a insisté pour revenir sur le terrain contre l'avis du médecin de son équipe, montre combien la Fifa ne prend pas encore la question très au sérieux. Le joueur est resté allongé et immobile sur le terrain pendant une minute.

Le protocole de la Fifa en matière de commotion cérébrale est clair: les joueurs victimes d'un choc violent à la tête doivent être examinés sur le champ pour déceler une liste de symptômes comme la perte de connaissance, un joueur qui reste immobile au sol ou la perte d'équilibre. «Tout joueur ayant potentiellement subi une commotion cérébrale doit être IMMÉDIATEMENT RETIRÉ DU TERRAIN et ne doit pas y retourner sans être examiné médicalement», peut-on lire sur la brochure consacrée au sujet (les majuscules sont de la Fifa).

Petr Cech, en 2008. REUTERS/Christian Hartmann

FIFPro, le syndicat international des joueurs, n'a pas tardé à accuser dans un communiqué la Fifa de ne pas avoir protégé Pereira en ne l'obligeant pas à quitter le match.

L'organisation demande notamment à la fédération internationale de modifier les règles du jeu pour qu'un joueur souffrant potentiellement d'une commotion cérébrale puisse être remplacé temporairement pendant qu'un diagnostic est effectué, et pour pouvoir forcer si besoin un joueur à arrêter de jouer, même contre son avis. FIFPro demande aussi à ce que les examens des potentielles commotions cérébrales ne soient pas effectués seulement par le médecin de l'équipe, pour plus d'indépendance dans la décision de laisser ou non un joueur reprendre le match.

Jenna McLaughling  de Mother Jones évoque une autre solution potentielle au problème qui ne plaira sans doute pas à Cristiano Ronaldo, Paul Pogba et aux nombreux autres joueurs qui arborent des coiffures «originales»: faire porter des casques aux joueurs à la manière de Petr Cech, le gardien de Chelsea qui a dû se faire opérer après un choc à la tête en 2006. Mais il y a peu de chances de voir la Fifa rendre ceux-ci obligatoires dans un futur proche. 

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