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Pourquoi Miroslav Klose n’est pas forcément le «meilleur» buteur de l’histoire de la Coupe du monde

L'attaquant allemand a dépassé Ronaldo avec 16 buts en phase finale. Mais est-il le plus efficace? Le plus décisif?

Miroslav Klose inscrit son seizième but en phase finale de Coupe du monde face au Brésil, le 8 juillet 2014 à Belo Horizonte. REUTERS/Leonhard Foeger.
Miroslav Klose inscrit son seizième but en phase finale de Coupe du monde face au Brésil, le 8 juillet 2014 à Belo Horizonte. REUTERS/Leonhard Foeger.

Temps de lecture: 5 minutes

En doublant la mise à la 23e minute de l'incroyable demi-finale allemande contre le Brésil, mardi 8 juillet à Fortaleza (7-1), l'Allemand Miroslav Klose est entré dans l'histoire de la Coupe du monde en dépassant le Brésilien Ronaldo en tête du classement des meilleurs buteurs de l'histoire de la compétition, avec 16 buts. Il l'avait rejoint le 21 juin en égalisant contre le Ghana en match de poule.

1. Klöse: 16 buts

2. Ronaldo: 15 buts

3. Müller: 14 buts

4. Fontaine: 13 buts

5. Pelé: 12 buts

De 1930 à 1954, le record global de buts en Coupe du monde sur une ou plusieurs éditions était de 8, niveau successivement atteint par l’Argentin Stabile, les Brésiliens Leonidas et Ademir et l’Uruguayen Miguez. En 1954, le Hongrois Kocsis le porta d’un coup à 11 buts avant que le Français Just Fontaine ne hausse la marque à 13 buts en 1958.

Il faudra ensuite attendre 1974 pour que l'Allemand Gerd Müller porte le record à 14 buts (10 en 1970, 4 en 1974) puis 2006 pour que Ronaldo y ajoute une unité (4 en 1998, 8 en 2002, 3 en 2006). Un score que Klose a donc égalé cette année avant de le dépasser (5 en 2002, 5 en 2006, 4 en 2010, 2 en 2014).

Sauf que selon les critères retenus et dans l'esprit des «connaisseurs», le joueur de la Mannschaft n’occupe pas forcément la première place –ni même la seconde! Voici donc divers classements qui permettent d'étalonner sa performance face à quatre autres fantastiques buteurs qui ont marqué l'histoire de la compétition.

1.L'efficacitéFontaine intouchable, Klose distancé

1. Fontaine: un but toutes les 42 minutes

2. Müller: un but toutes les 88 minutes

3. Pelé: un but toutes les 105 minutes

4. Ronaldo: un but toutes les 108 minutes

5. Klose: un but toutes les 109 minutes

Si l'on tient compte du nombre de matchs joués et de la durée jouée dans chacun (les remplacements ont été introduits en 1970, et les attaquants sont depuis souvent remplacés en fin de match par leur sélectionneur), c'est très logiquement Fontaine qui domine: 13 buts en seulement six matches, c'est une moyenne de plus d'un but par mi-temps! Gerd Müller le suit de loin, avec une moyenne qui dépasse un but par match.

En dernière position, Klose arrive quelques minutes derrière Pelé (qui a lui joué la majorité de sa carrière à une époque où il n'y avait pas de remplacements, ce qui l'a empêché de sortir lors de matchs où il était physiquement agressé, comme lors de la Coupe du monde 1966) et Ronaldo (qui a joué à une époque comparable à la sienne).

2.La longévitéQuatre à la suite pour Pelé et Klose

1. Pelé et Klose: buteurs lors de quatre Coupes du monde

3. Ronaldo: buteur lors de trois Coupes du monde

4. Müller: buteur lors de deux Coupes du monde

5. Fontaine: buteur lors d'une Coupe du monde

Ils sont les seuls à avoir réalisé cet exploit avec un autre Allemand, Uwe Seeler: Pelé (1958-1970) et Klose (2002-2014) sont les seuls à avoir scoré lors de quatre Coupes du monde consécutives. Ronaldo aussi a participé à quatre Coupes du monde, mais sans disputer une seule minute lors de la première qu'il a disputée (et gagnée), à même pas 18 ans, en 1994. Müller et Fontaine ont eux marqué lors des seuls tournois qu'ils ont joués.

3.Les buts hors penaltysKlose prend la tête

1. Klose: 16 buts

2. Ronaldo: 14 buts

3. Müller et Fontaine: 13 buts

5. Pelé: 12 buts

Ce critère est souvent utilisé par les spécialistes pour départager deux buteurs à égalité, les buts inscrits sur penaltys étant supposés plus «faciles». Ici, il enlève peu de buts à nos cinq goleadors, mais accroît l'avance de Klose puisque Ronaldo a inscrit un penalty en 1998 contre le Chili –le Brésilien aurait d'ailleurs pu ajouter quelques unités à son total car, en 2002, ce sont Ronaldinho et Rivaldo qui se chargeaient de l'exercice.

Dans la même optique, Fontaine ne tirait pas les penaltys en équipe de France (c'est Kopa qui s'en chargeait) et Müller pas systématiquement en équipe de RFA –il en a réussi un en 1970 mais Hoeness en a raté un contre la Pologne en 1974 avant que Breitner ne transforme celui accordé lors de la finale.

4.L'importance des butsKlose, l'homme du break

Qu'est-ce qu'un but «important»? L'évaluer est un exercice compliqué. Pour tenter de le faire, nous avons examiné le scénario de chaque match tel qu'il s'est développé et divisé les buts en trois catégories: ceux qui changent le résultat (égalisation, prise d'avantage au score), ceux qui permettent de faire le break (deux buts d'avance) et ceux qui creusent encore davantage l'écart (trois buts d'avance ou plus).[1]

Par exemple, en 2002, les trois buts inscrits par Klose lors de l'écrasante victoire allemande contre l'Arabie Saoudite (8-0) entrent dans les trois catégories: le premier, qui permet à l'Allemagne de mener 1-0, est très important; le second, celui du 2-0, déjà un peu moins important; le troisième, celui du 5-0, beaucoup moins important.

Ce critère permet de faire émerger deux classements successifs. D'abord, celui des buts qui changent le résultat, où Klose est devancé par Müller et Ronaldo.

1. Müller, Ronaldo: 8 buts

3. Klose: 7 buts

4. Fontaine: 6 buts

5. Pelé: 5 buts

Ensuite, celui des buts qui changent le résultat cumulés aux buts qui offrent le break.

1. Klose: 14 buts

2. Müller, Ronaldo: 11 buts

4. Fontaine: 10 buts

5. Pelé: 9 buts

D'un classement à l'autre le statut de Klose change, le faisant passer de la troisième à la première place. Comme si l'attaquant allemand était par excellence celui des buts du break, ceux qui permettent à l'équipe qui mène au score de prendre ses aises alors qu'elle était encore dans une situation serrée. Son dernier but en date, contre le Brésil, rentre d'ailleurs dans cette catégorie puisque c'est celui du 2-0...

5.Les buts en match à élimination directeKlose à la traîne

Il y a deux Coupes du monde très différentes, celle des matchs de poule et celle des rencontres à élimination directe –certaines équipes flambent lors de la première et s'effondrent ensuite dès le premier obstacle, d'autres démarrent au ralenti et franchissent tous les obstacles... Cela vaut pour les joueurs.

1. Ronaldo: 8 buts

2. Fontaine et Pelé: 7 buts

4. Müller, Klose: 5 buts

Il faut relativiser ici la bonne position de Just Fontaine, auteur de quatre buts lors du match pour la troisième place contre la RFA, qui n'a pas le même statut que les autres matchs à élimination directe, puisque c'est le seul qui ne rapproche pas de la victoire finale... Pareil pour la position médiocre de Müller, dont une des deux Coupes du monde, celle de 1974, se jouait avec deux phases de poule et un seul match à élimination directe, la finale –son but contre la Pologne en 1974 (1-0) est en réalité quasi-équivalent à un but en demi-finale.

Force est de constater ici que Klose est ici à la traîne, avec seulement cinq buts: l'égalisation en quart de finale en 2006 contre l'Argentine, un but en huitième contre l'Angleterre en 2010 (4-1) puis deux en quart, encore contre l'Argentine (4-0) et un cette année en demi-finale contre le Brésil. Représentant d'une Allemagne souvent séduisante mais perdante à la fin, il aura dimanche pour la première fois l'opportunité, comme Pelé, Müller et Ronaldo, de marquer en finale.

Quelle conclusion tirer de ce banc d'essai? Au risque de sombrer dans le «Tout le monde a gagné» style L'École des fans, disons qu'il vient souligner le statut de chaque joueur dans l'histoire du football. Fontaine ressort sur le caractère unique de son exploit (difficile d'imaginer pour l'instant son record de buts sur un tournoi être battu); Müller sur son efficacité renouvelée; Ronaldo et Pelé, sur leur capacité à briller au firmament sur plusieurs tournois (le second nommé reste un des quatre seuls joueurs à avoir marqué lors de deux finales différentes). Klose, pour l'instant, se distingue surtout par sa longévité, qui le voit encore frapper à 36 ans.

1 — Curieusement (ou pas, considérant le statut de leurs sélections), aucun des cinq buteurs concernés n'a marqué en Coupe du monde de but de «réduction du score». Retourner à l'article

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