Temps de lecture: 2 minutes - Repéré sur The Independent
Une mise à jour de cet article, à lire en fin de texte, a été ajoutée le 10 juin 2014 à 10h55.
C’est une date dans l’histoire de l’informatique et même de la technologie et de la science. Pour la première fois, un programme informatique a été capable de tromper des chercheurs en se faisant passer pour un garçon de 13 ans appelé Eugène Goostman. En réussissant cela, un ordinateur a été capable de passer le fameux test d’Alan Turing conçu en 1950 pour mesurer la capacité d’une machine «à penser». Le test consiste à tromper au moins 30% de juges humains en 5 minutes à travers des échanges de textes. Jusqu’à aujourd’hui aucune machine n’avait jamais passé le test.
Eugène Goostman a été créé par une équipe d’informaticiens russes et a passé un test organisé par l’Université anglaise de Reading. Il a obtenu 33%. «Notre principale idée était qu’il puisse affirmer qu’il connaissait tout, mais son âge rendait parfaitement vraisemblable le fait qu’il ne connaissait pas tout», explique Vladimir Veselov, un des créateurs du programme. «Nous avons passé beaucoup de temps à développer un personnage avec une personnalité plausible», ajoute-t-il.
«Avoir un ordinateur qui peut tromper un humain et l’amener à penser que quelqu’un ou même quelque chose est une personne dans laquelle nous avons confiance et un signal d’alarme sur la cyber criminalité», déclare au quotidien The Independent Kevin Warwick, professeur de l’Université de Reading. «Le test de Turing est un outil essentiel pour combattre cette menace», ajoute-t-il.
Le test a été organisé samedi 7 juin par la Royal Society et mettait en compétition 5 programmes. Les juges comprenaient notamment Lord Sharkey qui a mené avec succès la campagne pour la réhabilitation et le pardon d'Alan Turing qui lui a été finalement accordé l’an dernier à titre posthume.
Ce mathématicien britannique mort il y a 60 ans en 1954 est considéré comme le père de l’informatique. Célébré chaque année depuis 1966, avec une récompense portant son nom, qui correspond au prix Nobel de l’Informatique, il avait été persécuté du fait de son homosexualité, humilié et poussé au suicide.
Il faisait pourtant partie des héros de l’ombre de la seconde guerre mondiale. Selon les historiens, ses travaux ont tout simplement permis de réduire d’environ deux ans la capacité de résistance du régime nazi. Aidé par les recherches de scientifiques polonais, il avait notamment réussi à percer les formules de cryptage de la machine de cryptage Enigma utilisée par l’armée allemande pour ses communications secrètes.
Alan Turing a créé en 1950 le test qui porte son nom parce qu’il est particulièrement difficile de définir ce qu'est la pensée encore plus provenant d’une machine. Ce qui importe dans ce test est la capacité d’une machine à imiter et reproduire le schéma de pensée d’un humain ce qui est devenu un des objectifs de l’intelligence artificielle.
Mise à jour du 10 juin à 10h55
Après la nouvelle de la réussite par un ordinateur du test de Turing, que nous relatons dans cet article daté du 9 juin 2014, le site spécialisé Tech Dirt vient jouer les trouble-fête, remettant l’information en perspective et accusant les médias tech d’avoir un poil survendu l’affaire.
Selon lui, certaines affirmations de ces médias ont été largement exagérées.
En résumé:
1.Le test de Turing: une distraction pour les spécialistes d'intelligence artificielle
L'ordinateur qui a imité un garçon de 13 ans n’est pas un super-ordinateur doué d’intelligence artificelle, ni même un ordinateur mais un logiciel: un «chatbot» ou agent conversationnel, programme de conversation qui imite l’humain (dont plusieurs modèles ont déjà revendiqué avoir réussi le test –test du reste subjectif puisqu’il dépend de la personnalité des juges humains amenés à évaluer le robot).
Pour le site IO9, il s’agit de «simulation sophistiquée de conversation grâce à des scripts» préétablis, pas d’intelligence à proprement parler.
L’auteur du billet sur Tech Dirt estime d’ailleurs avec snobisme que le test de Turing n’est considéré que comme une «distraction sans objet» par les spécialistes d’intelligence artificielle.
2.Le professeur à l'origine du test est un habitué des coups médiatiques
La deuxième réserve se rapporte à la personnalité du chercheur qui a fait réaliser le test: Kevin Warwick est tristement célèbre auprès de ses confrères pour ses annonces «ridicules» dans la presse, comme lorsqu’il a affirmé être le premier cyborg en 2000 alors qu’il s’était fait implanter un micro-processeur dans le bras. Il existe même un site recensant ces affirmations sensationnalistes pour s’en moquer.