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Le plan d’économies présenté par Manuel Valls le 16 avril passe mal dans la majorité. Le gel du point d’indice des fonctionnaires et des prestations sociales est d’autant plus mal accepté que les élus socialistes sont encore sous le choc des élections municipales. Sans remette en cause la philosophie générale du plan du Premier ministre, des députés essaient d’obtenir quelques aménagements sur des points particulièrement sensibles; le gouvernement ne pourra ignorer ces contre-propositions.
Michel Barnier, commissaire européen au marché intérieur et aux services, membre de l’UMP, appelle les députés socialistes à «laisser de côté un peu l’idéologie» dans cette affaire, sous prétexte qu’il s’agit simplement de «bonne gestion». Il a raison sur un point: la France ne peut continuer à vivre au-dessus de ses moyens et doit impérativement réduire ses déficits. Mais il a tort d’affirmer que cette politique «n’est pas de gauche ou de droite»: c’est précisément ce genre de discours que les députés socialiste (et leurs électeurs) ne veulent pas entendre.
S’ils ont des états d’âme face au plan Valls, c’est justement parce qu’ils estiment que les mesures qui leur proposées ne sont guère compatibles avec leurs options politiques.
Un plan que François Fillon aurait pu proposer
Si l’on regarde de près les propositions faites par Manuel Valls (PDF), on constate en effet que chacune d’entre elles aurait pu figurer dans un plan élaboré par François Fillon. Certes, le Premier ministre peut mettre en avant le fait que les plus faibles et les plus démunis sont épargnés, dans la mesure où le minimum vieillesse, le RSA, l’allocation de solidarité spécifique et l’allocation adulte handicapé ne sont pas concernés par le gel des prestations. Mais il fort probable qu’un gouvernement de droite aurait agi de même.
Par ailleurs, ainsi que Manuel Valls l’a rappelé, ces mesures ne visent pas seulement à réduire le déficit, mais aussi à financer le pacte de responsabilité et de solidarité, donc, en clair, les baisses de prélèvements obligatoires sur les entreprises.
Demander aux fonctionnaires et aux retraités de faire un effort pour assainir les finances publiques, c’est déjà s’exposer à des rudes critiques. Mais leur demander de le faire aussi pour aider les entreprises, c’est encore plus compliqué. Il est certain que beaucoup d’électeurs de gauche ne sont pas préparés à accepter ce discours. Leurs élus doivent en tenir compte. Et l’allègement annoncé des cotisations salariales l’année prochaine pour les salariés autour du Smic ne peut suffire à dissiper le malaise.
Des contre-propositions utiles
Dans ces conditions, le gouvernement devrait se montrer satisfait de l’intervention de quelques députés réunis autour de Karine Berger pour proposer plusieurs aménagements. Selon les différents scénarios proposés au Premier ministre le 22 avril, il s’agit de réduire le rythme de baisse des prélèvements pesant sur les entreprises, de réduire le montant de certaines aides fiscales (comme le crédit impôt recherche), ou de renforcer la lutte contre la fraude fiscale de ces mêmes entreprises.
En contrepartie, il pourrait être possible de se montrer un peu moins sévère sur les salaires des fonctionnaires ou les prestations sociales.
A leur sortie de Matignon, les députés PS ont affirmé qu’ils avaient été entendus et que le dialogue allait se poursuivre. C’est une bonne chose. Cela ne remet pas en cause le nécessaire assainissement des finances publiques et cela redonne un peu de vie au dialogue entre l’exécutif et le pouvoir législatif, qui a paru de façon inquiétante laissé à l’écart au moment de la préparation du plan.
Il reste évidemment à savoir où sera placé exactement le curseur. Mais, sur un plan de 50 milliards, déplacer quelques milliards pour obtenir une meilleure adhésion du parlement et, au-delà, de l’opinion publique ne parait pas être une mission impossible. On verra le 29 avril lors du débat à l’Assemblée si les amendements acceptés par Manuel Valls ont été jugés suffisants.
Il ne fait pas de doute que, de toute façon, le plan sera adopté: le contraire serait suicidaire pour la majorité. La véritable question est de savoir avec combien de voix.
Le PS doit travailler plus pour apporter des idées neuves
Plus fondamentalement, cet épisode amène toutefois à se poser des questions sur ce que peut être aujourd’hui une politique économique de gauche dans un monde où les marchandises et les capitaux circulent librement. Quelles sont les marges de manœuvre du gouvernement, sur quels points une majorité socialiste pourrait-elle se démarquer d’une majorité de droite et montrer que l’Etat UMPS cher à Marine Le Pen n’est pas une fatalité?
Les deux premières années de l’actuel quinquennat n’ont pas apporté de réponses très nettes à ces questions, c’est le moins que l’on puisse dire. François Hollande et son nouveau Premier ministre ont trois ans pour montrer qu’ils peuvent faire autre chose que subir les événements. Et le nouveau premier secrétaire du PS Jean-Christophe Cambadélis doit faire la preuve que son parti peut apporter des idées neuves, après un long, très long silence.
Gérard Horny