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Le vice-président américain Joe Biden assure le service après vente. A la suite de la visite de Barack Obama à Moscou, au début du mois, il est allé à Kiev et à Tbilissi, mercredi 22 et jeudi 23 juillet, rassurer les Ukrainiens et les Géorgiens. Son message: le réchauffement des relations russo-américaines ne se fera pas au détriment des Etats postsoviétiques qui ont réalisé leur «révolution de couleur».
Les Ukrainiens et les Géorgiens ne sont pas les seuls à être inquiets. Les Européens de l'Est, qui ont été pendant des décennies sous le joug soviétique, se demandent aussi si Washington ne risque pas de les sacrifier sur l'autel d'une nouvelle «détente». Des anciens chefs d'Etat, comme le Tchèque Vaclav Havel, les Polonais Lech Walesa et Aleksander Kwasniewski, le Lituanien Valdas Adamkus ou la Lettone Vaira Vike-Freiberga, et des intellectuels est-européens, viennent de signer une lettre ouverte à Barack Obama, dans laquelle ils s'inquiètent du possible désintérêt de la nouvelle administration à l'égard d'une région que les Etats-Unis ont contribué à libérer en 1989.
Aucun Ukrainien, aucun Géorgien, n'a signé cette lettre qui regroupe uniquement des citoyens de pays ayant adhéré à l'Union européenne. Mais la «guerre du gaz» entre Moscou et Kiev, et plus encore la guerre en Géorgie, en août 2008, qui a permis à la Russie de quasiment annexer deux régions géorgiennes sous couvert d'une indépendance fictive, ont accru les inquiétudes des anciens sujets de l'empire soviétique.
Les discours de Joe Biden à Kiev et à Tbilissi étaient attendus avec d'autant plus d'attention. Le vice-président a été très clair. Aux Ukrainiens, il a assuré que s'ils le voulaient - ce qui n'est pas évident au vu des sondages, les Etats-Unis soutiendraient leur candidature à l'Otan: «Nous ne reconnaissons à personne le droit de dicter à un autre pays à quelle alliance il devrait appartenir», a-t-il dit. Aux Géorgiens, auxquels il avait rendu visite au lendemain de la guerre d'août 2008, avant d'être désigné par Barack Obama comme son colistier, il a promis que «l'Amérique était à leurs côtés». Washington pourrait participer à la mission européenne de surveillance de la ligne de démarcation avec les provinces sécessionnistes.
Il a toutefois assorti ces garanties de quelques avertissements. A Kiev comme à Tbilissi, les acteurs politiques doivent respecter les règles de la démocratie, cesser les batailles de clans et respecter les libertés fondamentales, y compris les droits de l'opposition. Devant le président géorgien Mikheïl Saakachvili, il a mis en garde contre une nouvelle aventure militaire. Le meilleur espoir pour récupérer les territoires perdus, a-t-il dit en substance, est de créer une Géorgie libre et prospère, qui attirera les populations des régions séparatistes d'Ossétie du sud et d'Abkhazie, plus sûrement qu'une Russie incapable de se réformer. Joe Biden a pris l'exemple de la chute du mur de Berlin pour illustrer son propos. Mais il a répété que les Etats-Unis, et leurs alliés, ne reconnaîtrait pas l'indépendance de ces deux régions.
Il semble qu'il y ait ainsi une sorte de division du travail entre Barack Obama et son vice-président. Le chef de la Maison Blanche s'occupe des dossiers qui touchent aux grands problèmes internationaux: l'Iran, la prolifération des armes de destruction massive, le terrorisme, l'Afghanistan, le Proche-Orient... Sur beaucoup de ces sujets, il a besoin de l'aide, en tous cas de la neutralité bienveillante, de la Russie. Il a marqué quelques points. Moscou a joué le jeu en autorisant les Américains à utiliser son espace aérien pour acheminer des armes et des troupes vers l'Afghanistan. En revanche, concernant l'Iran, le Kremlin parait plus réticent à accroître les pressions pour que le régime de Téhéran suspende son programme nucléaire.
Joe Biden s'occupe des dossiers périphériques, des «petits» alliés des Etats-Unis. Ils étaient privilégiés dans «l'agenda pour la démocratie» de l'ancien président George W. Bush. Sans leur donner la priorité, il ne faut pas les négliger, afin d'éviter deux écueils: qu'ils se mettent en travers des grands desseins de politique étrangère de la nouvelle administration ou qu'ils en soient les victimes.
A lire les commentaires de la presse américaine, le débat entre morale et réalisme, qui a animé les deux mandats de George W. Bush, n'est pas près de se terminer.
Daniel Vernet
Image de une: Joe Biden devant des réfugiés ossètes et abkhazes, le 23 juin, à Tbilissi. REUTERS/David Mdzinarishvili