Sports

Contador, l'OL, Sampras et tous les ennuyeux du stade

Le sport a besoin de champions charismatiques pour faire vibrer.

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Alberto Contador a - très certainement - remporté le deuxième Tour de France de sa carrière. Peut-on dire que l'on s'en fiche un peu? Cette Grande Boucle 2009 aura traîné sa misère et son ennui depuis le départ de Monaco, comme si le contre-la-montre par équipe de Montpellier, dès la quatrième étape, en avait scellé l'issue en avalisant la trop forte domination de la formation Astana et de ses deux leaders, Alberto Contador et Lance Armstrong. Personne, parmi les spécialistes, n'a de surcroît jamais vraiment cru qu'Armstrong pourrait terrasser Contador, de 11 ans son cadet.

Contador est un champion, mais qui nous indiffère, contrairement à Armstrong qui nous intrigue ou nous irrite. Armstrong a de la personnalité, Contador en est totalement dépourvu, à l'image de ses compatriotes, Carlos Sastre, vainqueur du Tour de France en 2008, ou de Miguel Indurain qui s'est imposé cinq années de suite, de 1993 à 1997, sans susciter chez nous le début du commencement de la moindre émotion.

Poids médiatique

C'est le mystère du charisme, cet art de pouvoir électriser les foules, que le courant soit positif ou négatif. Par sa présence physique. Par ses actes. Par ses paroles. Armstrong a tout cela à la fois. Il nous fait la gueule. Sa vie est un roman qui va bientôt inspirer Hollywood. Et il aime jouer avec les journalistes et ne s'en est pas privé lors de ce Tour de France pour tenter de déstabiliser son jeune rival en laissant clairement entendre «qu'il y avait des problèmes» au sein d'Astana et que c'était donc la guerre.

Alors que Contador, derrière son timide sourire, s'est contenté de nous servir, jour après jour, une tisane bien tiède qui se répandait à longueur de colonnes pour nous faire avaler que tout allait bien. «Il est clair qu'avec des écarts encore plus significatifs, je pourrais dormir encore plus tranquille», disait le Maillot Jaune, avec aplomb, à quelques jours de l'arrivée. Lance Armstrong et Alberto Contador ne jouent décidément pas dans la même catégorie de poids médiatique.

Devenu spectacle à part entière, le sport a, aujourd'hui, horreur de l'ennui. Il réclame de bons scénarios et de bons acteurs pour nous tenir en haleine. Et les personnages à la trop pâle figure n'y sont pas les bienvenus. Le problème est que la parole des uns et des autres est de plus en plus contrôlée par les entourages des champions qui se défient de la moindre vaguelette journalistique, comme Laure Manaudou qui ne dit mot sans l'aval de son incontournable conseiller. Les bonnets de nuit prolifèrent donc de nos jours - ce qui explique peut-être qu'aujourd'hui, le sport est devenu nettement moins vendeur.

Les mous du genou lyonnais

Ils sont même légions dans les rangs du sport-roi, le football, où les questions glissent la plupart du temps sur la surface lisse des réponses. Etre reporter dans le milieu du foot est devenu, semble-t-il, un vrai sacerdoce. Raymond Domenech aime, par exemple, endormir ses auditoires par des dégagements mous du genou ou d'anesthésiantes périphrases. Quant aux Bleus, version 2009, ils nous feraient bayer aux corneilles, ballon au pied, mais surtout micro en main. Et surtout quand il est tenu par Karim Benzema, censé incarner la relève de Zinedine Zidane, et dont le sourire est aussi rare que les victoires de son ancien club, l'Olympique Lyonnais, en demi-finale de la Ligue des Champions. Zidane n'était pas non plus -loin de là - un grand communicant, mais au moins lui arrivait-il de perdre carrément la tête, comme lors de France-Arabie Saoudite à la Coupe du Monde 1998 ou, bien sûr, à l'occasion de la finale 2006. Le charisme, c'est aussi ça: être imprévisible jusqu'au bout.

Puisqu'on l'a cité, l'Olympique Lyonnais, voilà bien l'exemple d'un club qui ne nous a jamais fait vibrer ou intéressé, contrairement à l'Olympique de Marseille ou au Paris Saint-Germain traversés régulièrement par quelques crises de nature à aiguiser notre appétit. A Lyon, la communication est monopolisée par son président, Jean-Michel Aulas, qui n'a pas franchement la tête de l'emploi pour capter notre attention. Pour se vendre auprès du public, Max Guazzini, le président du Stade Français, le club de rugby de la Capitale, a bien compris qu'il était important de savoir se dévoiler un peu ou de carrément se mettre à nu. Son calendrier, les Dieux du Stade, s'est écoulé par dizaines de milliers et le Stade Français est devenu le club le plus identifié de l'Hexagone avec ses maillots roses. Perpignan et Clermont-Ferrand, finalistes du dernier championnat de France et qui ne nous «disent» strictement rien, n'ont qu'à aller se rhabiller.

Spock pour se protéger

Aux Etats-Unis, tout le monde est, par exemple, d'accord pour affirmer que l'équipe de basket des San Antonio Spurs, dans laquelle évolue Tony Parker, est la plus ennuyeuse de la NBA, même si on lui reconnaît son efficacité (trois titres entre 2003 et 2007). Rien à voir avec les Lakers de Los Angeles, le cinq majeur le plus clinquant de la ligue, avec Kobe Bryant qui a eu le bon goût médiatique d'avoir quelques problèmes avec la justice. Alors que les Spurs semblent plombés par la personnalité de leur meilleur joueur, Tim Duncan, aussi triste qu'un jour sans fin. Surnommé Spock dans les rangs universitaires en raison de son inexpressivité, Duncan a expliqué que toutes les obligations auxquelles il devait s'astreindre, notamment face à la presse, lui pesaient et qu'elles étaient la raison de son incurable mélancolie et de ses propos éternellement mesurés.

Tim Duncan s'est souvent vu affubler du sobriquet de «Pete Sampras du basket», ce qui n'est évidemment pas très gentil pour l'ancien n°1 mondial du tennis qui n'a jamais vraiment décollé sur le plan de la popularité en dépit de ses 14 titres du Grand Chelem. Son jeu était fulgurant, contrairement à son discours trop policé et attendu. Il était plus fort que son rival, André Agassi, mais il n'y avait rien à faire. Malgré ses hauts et ses bas, le divin chauve le dominait largement dans les tribunes où l'on n'a jamais oublié ses shorts en jeans portés en 1988 tandis que Pete Sampras a toujours été l'apôtre de l'ultra classicisme. Roger Federer, avec ces crises de larmes et son multilinguisme, a évité l'écueil de l'ennui auquel Rafael Nadal, dont le jeu est loin d'être le plus affriolant, a tendance à se heurter lors de conférences de presse pendant lesquelles il «clichetonne» à tout va.

Montés sur pneus lisses

C'est, on l'a dit, la pente naturelle des stars d'aujourd'hui qui se protègent derrière des barricades de mots creux. Tiger Woods n'est pas le dernier à sortir le parapluie pour protéger ses (énormes) intérêts, mais il est sauvé sur les parcours par l'aura qu'il dégage. Stewart Cink, vainqueur du British Open le 19 juillet, nous a, en revanche, franchement cassé la baraque en dominant Tom Watson sur le fil et en accompagnant son triomphe de platitudes qui juraient avec les dunes de Turnberry.

Sous leur casque, les pilotes de Formule 1 ne nous offrent, eux, pas grand-chose à voir. Devant la presse, ils ne nous donnent pas non plus grand-chose à entendre. Lewis Hamilton est lénifiant, ce qui lui a valu de la part de Nikki Lauda, l'ancien champion du monde autrichien, le compliment suivant: «tout est ennuyeux chez lui sauf sa petite amie». Quant à Jenson Button, à la fin de chaque course, il n'accorde pas plus de cinq minutes aux médias qui ne sont pas britanniques. Si bien qu'il nous est complètement étranger, et donc indifférent, malgré sa place de leader de l'actuel championnat du monde.

Voilà une faute de goût que ne commet pas Lance Armstrong qui, on l'a dit, «secoue» sa communication comme son guidon au point d'être notamment devenu l'un des plus gros utilisateurs de Twitter, dont il use et abuse pour faire passer ses messages et, souvent, déverser son fiel. Bonne nouvelle: l'Américain a annoncé qu'il courra encore le Tour de France en 2010. Décidément, ce Lance Armstrong ne nous ennuiera jamais...

Yannick Cochennec

(Photo: Des spectateurs s'endorment à Wimbledon, REUTERS/Alessia Pierdomenico)

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