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Berlusconi, le président qui aimait (trop) les femmes

Après trois mois de scandales, Silvio Berlusconi a fait une première confession.

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«Je ne suis pas un saint», a dit mercredi Silvio Berlusconi à l'issue de trois mois inoubliables pour la démocratie italienne. Trois mois au cours desquels l'implication du premier ministre dans plusieurs enquêtes pour corruption et mafia, les questions politiques que pose au système constitutionnel son omniprésence (dans les affaires et les médias), et les conflits d'intérêt, ont laissé la place à la comédie, voire au vaudeville érotique.

D'abord il y a eu Noemi Letizia, la jeune femme que le premier ministre du gouvernement italien a rejoint le jour de son dix-huitième anniversaire. Elle dînait avec sa famille dans un restaurant de Casoria dans la banlieue de Naples, quand —effet surprise— Silvio Berlusconi est arrivé chargé de son cadeau. Les hôtes de la fête ont découvert la familiarité étonnante avec laquelle le premier ministre italien agissait, vis-à-vis de la jeune-fille et de sa famille. Noemi appelait Berlusconi «Papi», sa mère et son père —qui avait été impliqué dans un procès pour corruption en tant que fonctionnaire de la Mairie de Naples— le fréquentaient apparemment de façon habituelle, ils avaient même son portable, un privilège dont les journalistes du Palazzo Chigi ne jouissent pas.

L'affaire a beaucoup gêné Berlusconi et son entourage pour quelques jours. Tout le monde pensait que la blonde Noemi pouvait être une fille clandestine du premier ministre. On a même découvert que la grand-mère de Noemi avait travaillé sur les grands bateaux de croisière où, les mêmes années, Berlusconi gagnait son pain en poussant des chansons de cabaret... Questionné par tout le monde, en particulier par le journal «la Repubblica» (centre gauche) qui depuis a déclenché une véritable campagne, Berlusconi n'a jamais expliqué exactement la nature de ses rapports avec cette étrange famille issue d'un milieu proche de la Camorra napolitaine. Depuis, la «Repubblica» repose inlassablement chaque jour ses dix questions auxquelles le premier ministre italien n'a jamais répondu.

Villa Certosa: le Disneyland pour adultes

Mais l'affaire Letizia ne s'est pas arrêtée là. L'histoire de la petite napolitaine blonde a permis de découvrir l'usage que Silvio Berlusconi faisait de sa pharaonique villa «la Certosa» en Sardaigne, sur la Côte Esmeralda. Un ensemble d'édifices éparpillés dans une domaine unique de nature et d'infrastructures humaines: à côté de sa collection des plus beaux cactus du monde se dressent un théâtre, un amphithéâtre, un faux volcan, des pizzerias... une sorte de Disneyland pour adultes créé pour accueillir et étonner ses hôtes étrangers, en particulier les chefs d'états. A Villa Certosa George W. Bush, Vladimir Poutine et sa famille, ont séjourné en villégiature. Comme tant d'autres. Dont, dernièrement, le premier ministre tchèque Topolanek, photographié dans le plus simple appareil au bord d'une piscine où l'entouraient de sculpturales créatures à peine plus vêtues que lui. Mais Villa Certosa était surtout le lieu du plaisir privilégié par le chef du gouvernement italien. Noemi Letizia n'y était qu'une invitée habituelle parmi des dizaines d'autres filles, pour la plupart des actrices aspirantes ou simplement des figurantes dans quelques-unes des émissions des télévisions du chef. Des «veline», ni actrices, ni chanteuses, ni danseuses... juste de belles filles prêtes à tout pour un morceau de gloire télévisuelle, ou même le lit de Silvio Berlusconi.

L'écho de l'affaire Letizia ne s'était pas encore estompé que le «Corriere della Sera» en publia une nouvelle, au moyen d'une ébouriffante interview. Cette fois, c'était l'une de ces femmes qui parlait directement à la presse. Patrizia d'Addario de Bari, «escorte» de profession: prostituée. Et la révélation était vraiment de taille. Patrizia a raconté une nuit d'amour avec le premier ministre italien. Mais pas une nuit ordinaire, oh non: la nuit de l'élection de Barack Obama à la maison blanche. À l'ambassade des Etats Unis à Rome, Silvio Berlusconi était l'invité le plus attendu pour l'election party, mais Monsieur le premier ministre avait grand à faire à Palazzo Grazioli, sa demeure romaine, mi siège du président du Conseil, mi résidence privée.

Enregistrement audio

Le récit de Patrizia, enrôlée par un certain Tarantini, un brasseur d'affaire dans le domaine de la santé privée, tombé dans le collimateur du Parquet de Bari pour marché d'influence dans l'assignation des travaux publics, a été vraiment digne d'un vaudeville.. Un nouveau pan de la vie romaine du premier ministre—pan nocturne— s'est dévoilé: des fêtes en continu suivaient ses activités au gouvernement. À la fin de la journée, Tarantini et d'autres, ramenaient au président du Conseil italien des femmes rabattues de toutes parts. A Palazzo Grazioli il y avait toujours de la musique, un buffet à disposition, et surtout la nuit s'achevait souvent dans le grand lit que Silvio Berlusconi avait nommé le «lit de Poutine». Bien que personne ne connaisse l'explication de ce «détail».

Le fait est que cette Patrizia avait l'habitude d'enregistrer ses rencontres professionnels. Du coup, on n'ignore presque plus rien des façons du Silvio tombeur de femmes: jamais de préservatif, de mystérieuses piqûres pour améliorer ses prestations, etc... dans le dictaphone de Patrizia, qui a été consigné aux juges de l'enquête, il y a tout.

Comment Berlusconi a-t-il réagi? Par le silence. Tandis que ses collaborateurs choisissaient la ligne de l'agressivité à l'égard de ceux qui ont exploité l'affaire politiquement: d'abord le quotidien «la Repubblica» qui a fait de l'histoire son must éditorial (mais tous les journaux ont consacré des pages et des pages au sujet), mais aussi des adversaires politiques, les dirigeants du centre gauche. Et envers les rares membres de la hiérarchie ecclésiastique qui se sont émus de la conduite morale de l'homme. Certes, les révélations étaient plus qu'embarrassantes. Mais il faut dire que Berlusconi s'est toujours aligné avec le Vatican dans tous les choix politiques qu'il a dû opérer en matière d'ordre moral et des questions touchant à la famille. Un ami, donc...

Rédemption?

Le cauchemar était le sommet du G8 dont l'Italie assurait la présidence cette année. Berlusconi, ainsi affaibli, pouvait-il gérer les rencontres avec les chefs des États les plus influents du monde? Le rendez-vous de l'Aquila —la ville frappée par le tremblement de terre il y quelques mois— fut étrange, voire médiatique. Berlusconi, qui donne le meilleur de lui-même en homme de spectacle, diminué dans l'image et éteint dans l'esprit, a pourtant géré le sommet très professionnellement. Personne n'est en mesure de donner une véritable appréciation sur l'efficacité des mesures prises. Mais l'objectif était ailleurs. Il a surmonté les pièges d'un rendez-vous où des centaines de journalistes et de caméras étaient prêts à surprendre la plus petite des gaffes. Il n'en a faite aucune.

Voilà où nous en sommes à présent. À la première confession. Celle que le Vatican a considéré comme le premier pas d'un homme qui se relève sur la vie correcte du bon pasteur: «je ne suis pas un saint». Faute de mieux, c'est-à-dire jusqu'à ce que l'opposition de centre gauche soit en mesure de battre le Cavaliere, l'Italie semble prête à pardonner et même à envier —un peu— les performances sexuelles de son patron.

Cesare Martinetti

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Image de une: Souriant à la télévision,janvier 2006, à Rome. REUTERS/Max Rossi

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