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GRIPPE A(H1N1): à quand le diagnostic par téléphone?

Faire de la médecine générale le premier rempart face à la grippe A n'est pas forcément une bonne idée...

Temps de lecture: 4 minutes

Fièvre et courbatures; fatigue et troubles respiratoires; discrets parfums de mélancolie? C'est fini: ne plus jamais appeler le 15 mais, désormais, son médecin traitant! En France, depuis le 23 juillet, ce sont les médecins libéraux, et tout particulièrement les généralistes ainsi que les pédiatres qui sont en première ligne. Ce sont bien eux, et non leurs confrères hospitaliers, qui vont désormais prendre en charge les malades grippés dont l'état n'inspirera pas d'inquiétudes particulières. Le système «SAMU-centre 15» ne s'intéressera plus quant à lui qu'aux cas graves et aux enfants de moins d'un an.

Monter en première ligne?

Déjà les généralistes s'inquiètent de la surcharge de travail qui les attend. On les interroge et ils s'expriment dans de nombreux médias; ils disent leurs tracas, redoutent que tous les plans soient vite dépassés, imaginent des phénomènes de panique, ajoutent aux craintes diffuses qui émergent dans l'opinion. Il fallait assister ce matin aux réactions collectives provoquées par une crise d'éternuements itératifs chez l'un des clients d'une calme agence tourangelle d'un opérateur téléphonique pour prendre la mesure d'une émotion qui gagne les Français et devrait encore augmenter. La peur de la contagion, la peur de l'autre; un grand classique de toutes les épidémies. Et la porte grande ouverte aux phénomènes de paniques collectives.

Ce n'est pas le seul changement dans le dispositif de guerre antivirale. A compter du 23 juillet les pharmaciens d'officine distribueront (gratuitement mais uniquement sur prescription médicale) les masques «antiprojection» (également qualifiés de «chirurgicaux» ou d'«altruistes») destinés aux personnes malades afin qu'elles ne contaminent pas leurs proches. Les pharmacies délivreront aussi, exclusivement sur prescription médicale, les antiviraux, qui seront remboursés par la Sécurité sociale. Et autre innovation de taille: l'heure n'est plus au «tout-Tamiflu».

«La prescription des antiviraux n'est plus systématique, explique Bachelot. Elle se fait au cas par cas, selon l'analyse du médecin traitant sur l'état du patient et les facteurs de risque. Je voudrais faire passer un message: la prescription doit être réservée aux cas qui le nécessitent, afin de ne pas courir le risque de voir émerger des résistances. Il n'est pas nécessaire de les prendre de manière préventive, même lorsqu'on se rend dans une zone où circule le virus.»

Et la ministre de la santé, solennelle: «Je demande aux médecins de ne pas faire de prescription de précaution, même pour eux-mêmes. Nous avons constitué un stock de 33 millions de traitements, suffisant pour être fournis immédiatement à tous les malades qui en auraient besoin. Il n'y a aucune raison de constituer des “armoires à pharmacie” personnelles de précaution. C'est au médecin de montrer l'exemple. Ils sont garants d'une prescription raisonnée des antiviraux et je sais pouvoir compter sur eux.»

Les consignes officielles étaient, depuis trois mois déjà, d'appeler le 15 et, le plus souvent, d'hospitaliser les malades. Pourquoi tant de précautions alors, souvent dénoncées par des responsables hospitalo-universitaires qui savent ce que grippe et corsetage des budgets hospitaliers veulent dire? La ministre de la santé s'en explique dans les colonnes du Quotidien du médecin. «Au début de l'épidémie, le choix d'une hospitalisation systématique des cas probables ou confirmés était nécessaire afin de ralentir la propagation du virus et de vérifier qu'il présentait bien des caractéristiques de non-virulence. Désormais, avec l'élargissement du dispositif de prise en charge lancé aujourd'hui, le médecin traitant est au cœur du dispositif. En cas de signes évocateurs de grippe, le patient devra directement le consulter, sans passer par le centre 15, qui doit être réservé aux urgences, ni par l'hôpital.»

Quoi de plus logique dira-t-on ? Voire! Si l'abandon du système «Samu-centre 15» est pleinement justifié, faire monter, comme on le fait aujourd'hui, les généralistes en première ligne pourrait vite se montrer rapidement contre-productif sinon désastreux au plus fort de la vague pandémique. Cela aura en effet pour conséquence immédiate de réunir dans les mêmes salles d'attente des médecins des personnes contagieuse et d'autre qui ne le seront pas mais qui le deviendront. Sauf à distribuer des masques à l'entrée des salles d'attente, comment faire pour que les cabinets médicaux ne soient pas, paradoxalement, des foyers de contagion?

Une solution existe

La solution est proposée aujourd'hui en Grande-Bretagne qui continue à payer un lourd tribut au A(H1N1) sans que les experts ne nous disent encore pourquoi. Mais elle ne semble pas avoir été examinée par les responsables sanitaires français. L'affaire est simple: pourquoi, en 2009, rester sur des schémas de prise en charge médicale qui datent d'avant le docteur Knock? Pourquoi, face à la multiplication annoncée des cas, des demandes de diagnostics et de traitements ne pas, tout simplement, innover.

Qui souhaiterait que les médecins généralistes, leurs collaborateurs et leurs lieux de travail deviennent le point de convergence, la cible, de toutes les personnes infectées? Pourquoi, face à une maladie dont les symptômes ne posent guère de difficultés diagnostiques en période pandémique ne pas mettre en place un système de diagnostic par téléphone ?

Certains spécialistes de santé publique vont plus loin. Si, comme on peut le redouter à court ou moyen terme les généralistes sont débordés, pourquoi ne pas demander, toujours par téléphone, à des infirmières entraînées de poser de bonnes questions. Et pourquoi ne pas les autoriser à commencer à porter un premier diagnostic de « grippe probable». Pour qui connaît les pesanteurs, parfois justifiées, du système médical français il s'agirait là d'un séisme de grande amplitude. Et ne parlons même pas de la perspective d'autoriser les infirmières à pouvoir prescrire des médicaments destinés à réduire l'intensité des symptômes grippaux... Pour autant rien n'interdit de songer à la mise en œuvre, le moment venu, d'un tel dispositif; un dispositif qui pourrait être complété par la livraison des médicaments au domicile du malade par un livreur masqué.

Il y a 500.000 infirmières et 60.000 généralistes. «J'ai confiance en la médecine de ville et j'ai besoin d'elle, a confié au Quotidien du médecin Roselyne Bachelot. J'ai rencontré des représentants des médecins et j'ai pu mesurer leur détermination à monter en première ligne et à prendre leurs responsabilités.» Ancienne pharmacienne, la ministre n'a pas songé aux infirmières.

Jean-Yves Nau

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Crédit photo: Reuters

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