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Le problème en Ukraine, c’est Poutine

L’obsession archaïque du pouvoir russe est de contrer l’occident où il le peut et de reconstituer autour de lui un glacis, comme il en existait un au temps de l’Union soviétique. Et pour cela, il faut écraser l'aspiration à la liberté en Ukraine.

Vladimir Poutine, en novembre 2013 à Séoul. REUTERS/Kim Hong-Ji
Vladimir Poutine, en novembre 2013 à Séoul. REUTERS/Kim Hong-Ji

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Imaginez que nous soyons, que vous soyez, un jour au pouvoir et que vous ayez comme mode de gouvernement de vous en prendre à votre propre population. Vers qui vous tourneriez-vous? Une seule réponse: il faut immédiatement faire appel à Vladimir Poutine! Voilà en effet un dirigeant qui n’hésite jamais, dès lors qu’il faut aider je ne sais quel régime ou dictature à malmener sa propre population. Vladimir Poutine est l’homme sans lequel Bachar el-Assad ne serait plus au pouvoir. Oui, Bachar el-Assad, celui qui prend prétexte d’une évacuation humanitaire à Homs pour arrêter, faire torturer et disparaître quelques quatre cents hommes valides qui accompagnaient leurs familles dans cette évacuation. Hier, les ayatollahs de Téhéran pouvaient aussi se prévaloir de l’appui du président Poutine. Et aujourd’hui, hélas, sa marionnette en place à Kiev, celui qui ne peut rien lui refuser, le président Ianoukovitch avec lequel Poutine s’était affiché à la tribune des Jeux olympiques de Sotchi.

L'occident toujours en retard, en Syrie comme en Ukraine

La séquence que nous venons de vivre représente un parfait mélange de cynisme et de cruauté. Sachant bien sûr que la stratégie est toujours la même: gagner par la terreur et épouvanter les opposants. En Ukraine donc, il y a un avant et un après Sotchi.

Avant, la Russie pouvait craindre un boycott en raison de la pression qu’elle exerçait sur l’Ukraine pour stopper tout accord significatif de ce pays avec l’Union européenne. Certes, ni Barack Obama ni François Hollande n’ont fait le déplacement de Sotchi. Mais, dans les jours précédents, Vladimir Poutine avait fait diversion en libérant son adversaire, l’ex-oligarque Khodorkovski, et les deux Pussy Riot qui croupissaient en prison.

Ce fut aussi en Ukraine le temps de la négociation entre gouvernement et opposition. Puis vinrent les Jeux et les médias mondiaux, exclusivement préoccupés de célébrer les exploits de leurs athlètes et naturellement plus aucun risque de boycott. C’est le moment qui fut choisi pour le bain de sang et l’offensive contre l’opposition ukrainienne.

Bien sûr, il n’aurait pas fallu attendre cette démonstration de force pour se convaincre qu’il eût été nécessaire de boycotter les Jeux de Sotchi. Quel sens donnons-nous à ces joutes sportives dédiées à la paix, organisées à la gloire de Poutine alors que des opposants, simplement coupables de vouloir s’ancrer en Europe, se font massacrer?

En fait, en Syrie comme en Ukraine, nous sommes coupables de réaction à retardement. Il y a deux ans, l’opposition syrienne, alors dominée par des forces démocratiques, était en passe de l’emporter. Les tergiversations américaines –l’obsession de Washington était alors de ne pas intervenir, au motif que le président devait être, et rester, celui du retrait d’Irak puis d’Afghanistan– ont laissé le champ libre aux armes russes et aux troupes iraniennes et du Hezbollah libanais qui ont eu tout loisir de consolider le régime de Bachar tandis que, dans le même temps, l’opposition était progressivement noyautée par des groupes djihadistes.

L’économie, talon d’Achille de Moscou

En Ukraine, il eût fallu réagir fortement dès lors que les intentions russes étaient clairement de priver ce pays de son indépendance. Réagir, cela aurait pu être boycotter les Jeux olympiques.

Aujourd’hui, que peut-on faire pour venir en aide aux Ukrainiens? La question n’est pas de se battre pour que ce pays intègre l’Union européenne, qu’il n’a pas nécessairement vocation à intégrer. Mais elle est d’éviter de laisser manœuvrer un pouvoir russe dont l’obsession est de reconstituer autour de lui un glacis, comme il en existait un au temps de l’Union soviétique.

Après la Biélorussie et l’Ukraine, la Géorgie et qui d’autre? Les Etats Baltes? Nul doute que Vladimir Poutine y songe déjà. Sur ce sujet, nous devrions davantage suivre les Polonais qui plaident depuis un certain temps déjà pour des sanctions fortes. Eux ont appris de l’Histoire quelques tristes leçons sur les menées des régimes autoritaires en Russie.

Or aujourd’hui, la Russie paradoxalement s’affaiblit. Son économie repose exclusivement sur l’exploitation du pétrole et du gaz. Il faut donc faire en sorte d’avoir moins besoin du gaz et du pétrole russe. Récemment le ministre russe des Finances a dû annuler une levée de fonds sur les marchés internationaux tant la défiance vis-à-vis du rouble et du pouvoir russe grandit. A quoi s’ajoutent des fuites de capitaux massives vers la Suisse ou d’autres paradis fiscaux. Le rouble a perdu 8% depuis le début de l'année face au dollar et à l'euro.

C’est donc là que le bât blesse. C’est là qu’il faudrait appuyer par des sanctions économiques et financières appropriées. Il n’est que temps! Nous le devons autant aux Ukrainiens qui se battent pour se rapprocher de nous qu’à nous-mêmes si nous voulons vivre à l’intérieur d’une Union européenne aux frontières sûres et reconnues.

Le parti français de l'apaisement se trompe, comme toujours

Alors il existe en France un parti de l’apaisement représenté notamment par Dominique de Villepin et Jean-Pierre Raffarin. Il se trompe, comme toujours, dans ce genre de situation. Il ne veut surtout pas voir que Vladimir Poutine ne comprend que les rapports de force et qu’il n’a de cesse de recréer une atmosphère de guerre froide pour se grandir et légitimer son pouvoir autoritaire.

Vladimir Poutine se pose en Iran, en Syrie et en Ukraine comme l’adversaire numéro un de l’occident. L’apaisement n’y changera rien, au contraire, il lui donnera encore plus de raisons de nous défier et de nous humilier par tous les moyens. Et ces moyens sont l’oppression et le massacre des populations syriennes et ukrainiennes...

Jean-Marie Colombani

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