France

François Hollande: c'est un cap, que dis-je...

Lors de sa conférence de presse, le chef de l'Etat a fourni un cap clair et une narration: il renonce à l’archi-typique politique de la gauche traditionnelle de l’accroissement des impôts et de la dépense publique.

A l'Elysée Palace, le 18 décembre 2013. REUTERS/Yoan Valat
A l'Elysée Palace, le 18 décembre 2013. REUTERS/Yoan Valat

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Un (trop) long détour de 18 mois et puis voilà: François Hollande a tracé lors de sa conférence de presse de ce mardi, une ligne claire (et bonne) pour sa politique d’ici à 2017. Baisse des dépenses et amélioration de la compétitivité des entreprises en sont les deux axes. Le président n’opère pas vraiment un tournant puisqu’il avait commencé avec le rapport Gallois mais il «accélère», surtout il s’affirme et (enfin) s’explique.  

«Je suis social-démocrate», «le principal problème de la France c’est la production», «je veux agir sur l’offre», «ce sont les entreprises qui créent les emplois durables»: le discours est simple et clair. Et François Hollande d’expliquer qu’être de gauche ce n’est pas accroître les déficits, la dette et la dépense publique mais c’est dépenser dans la justice, l’efficacité et c’est surtout créer des emplois.

Pas de tournant soit, mais cette fois le discours est sans ambiguïté: le Président socialiste français renonce à l’archi-typique politique de la gauche traditionnelle de l’accroissement des impôts et de la dépense publique, le fameux «tax and spend».

Et, pour «mettre la société française en mouvement», le Président donne (enfin) un cap «la France dans dix ans doit être forte, harmonieuse, exigeante avec le respect de la République, pleine de la vitalité de sa jeunesse et attachée à toutes ses libertés». Il l’a fait en voulant écarter le «pessimisme qui nous étreint», il veut donner «l’esprit de réussite au pays » et redonner « de la confiance». Bref «on va y arriver!».

Un cap droit et une narration positive: voilà le nouvel Hollande. L’ayant tant attendu depuis 18 mois, on ne peut que dire bravo. On regrettera les 18 mois depuis l’élection de 2012 d’augmentation d’impôts et de refus d’engager vraiment la baisse des dépenses publiques. La politique expliquée aujourd’hui n’est pas nouvelle: elle était contenue déjà dans le rapport  de 2008 de la Commission sur la «libération de la croissance» présidé par Jacques Attali (1) (2). La gauche l’avait dénoncé comme «ultra-libéral»… 

Retard idéologique des socialistes qui, du coup, précipite la conversion: «il n’y a pas de temps à perdre», a dit le Président qui a compris que ce qu’il avait entrepris ne parviendrait pas à relever le niveau de la croissance et in fine à «inverser la courbe du chômage». La France risquait d’être le wagon de queue de la reprise: il fallait  une politique de l’offre «amplifiée».

Est-ce trop tard? Ce nouveau discours va-t-il convaincre les entreprises à investir et embaucher? Est-ce, cette fois-ci, assez? Supprimer le financement par le travail des allocations familiales est, en tout cas, du bon sens, la revendication est ancienne. Cela force à trouver comment financer autrement ces 30-35 milliards d’euros qui ne pèseront plus sur les charges des entreprises. C’est à l’Etat que revient le financement de la politique familiale par des économies trouvées ailleurs. Où? On ne sait pas encore mais le montant est annoncé: 15 à 18 milliards à trouver tous les ans d’ici à 2017.

Sur les économies dans les dépenses sociales, le Président n’a pas été précis et a évoqué les abus, la surconsommation de médicaments et le parcours de soin. Mais cela pourrait suffire. Pour les collectivités locales, il a été un peu plus tranchant en allant jusqu’à dire que le nombre de régions est trop élevé en France. Il a évoqué les métropoles: si on comprend qu’il veut réorganiser le territoire en une douzaine de grandes métropoles, cette réforme serait révolutionnaire (et très intelligente). Et l’Etat? Rien de précis non plus sauf «une révision des missions de l’Etat» qui pourrait elle aussi aller loin.  

Pour inventer et contrôler cette nouvelle politique de rigueur et de compétitivité, seront créés deux Conseils et un observatoire: le Président aime les nouvelles instances. Il regarde du côté des pays de l’Europe du nord qui ont fait des réformes radicales de leur Etat-providence. 

Pour les entreprises, 35 milliards d’allègement de charges c’est, en gros, une nouvelle baisse de 8% du coût du travail, après les 6% du Crédit d’impôts (CICE). Le compte y est-il? Pas tout à fait suffisant pour redonner vraiment une avance de compétitivité aux entreprises françaises mais c’est un bon bout du chemin.

Reste à mettre en musique sans couac. Une «simplification» du gouvernement, un remaniement, reste nécessaire. Mais François Hollande a repris la main sur la politique économique et fiscale. Après l’accélération, il ne faudrait pas de ralentissement. 

Eric Le Boucher

(1) Jacques Attali est un des co-fondateurs de Slate.fr.

(2) Eric Le Boucher a été membre de cette commission, il est également un des co-fondateurs de Slate.fr.

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