France

A(H1N1): «Tout vaccinal» contre tsunami viral

La politique française de lutte contre la grippe: le «tout vaccinal» contre un possible «tsunami viral».

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Le modèle français de lutte contre une pandémie grippale est l'un des meilleurs au monde. C'est ce que ne cessent de dire les responsables gouvernementaux en charge de la gestion des crises sanitaires. Et ils le disent depuis qu'a été élaboré un plan national destiné initialement à lutter contre une hypothétique pandémie due au A(H5N1) de la grippe aviaire. La pandémie due au A(H1N1) est là et le plan va donc pouvoir démontrer son caractère opérationnel. Pour l'heure, dans l'attente du tsunami viral, l'urgence est à la pédagogie à très hautes doses.

Le gouvernement avait certes déjà annoncé à plusieurs reprises qu'il avait choisi d'acquérir suffisamment de doses vaccinales pour que chaque Français qui le souhaiterait puisse être protégé. Roselyne Bachelot, ministre de la Santé, l'a redit une nouvelle fois mercredi 15 juillet en annonçant, cette fois, la «commande ferme» de 94 millions de doses de vaccins et la «mobilisation des médecins libéraux» (du moins ceux qui ne seront pas en vacances) à compter du 23 juillet. Personne ne doit s'inquiéter: « La situation est très encadrée parce que nous sommes totalement mobilisés», a souligné Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur  à l'issue de la réunion de la Cellule Interministérielle de Crise (CIC).

94 millions de vaccins commandés

Mobilisation générale donc; et premiers descriptifs de ce qui attend la population française à l'automne. Les 94 millions de doses de vaccins (puisqu'il faudra deux doses administrées à trois semaines d'intervalle) ont été fermement commandées à trois multinationales  Sanofi-Pasteur, GlaxoSmithKline et Novartis pour un montant global de 1 milliard d'euros. Une «pré-réservation» pour 36 autres millions de doses a été faite tandis que des contacts se poursuivent avec la firme Baxter. Plusieurs inconnues demeurent. Ainsi les livraisons de vaccins devraient-elles s'échelonner entre le mois d'octobre et celui mois de janvier du moins si les rendements de production sont satisfaisants.

Comment faire au mieux dans ce contexte de pénurie annoncée? Le gouvernement  est en train d'affiner une stratégie dont les grandes lignes sont connues. Seront d'abord vaccinées en priorité les personnes qui sont «particulièrement exposées» au risque de contamination comme celles dont l'activité est socialement prioritaire: personnels de santé, de secours et de sécurité. La question ne semble pas tranchée de savoir si, chez elles, cette vaccination sera ou non obligatoire. Il faut encore définir quelles seront les personnes vaccinées dans un deuxième temps car considérées comme exposées à un risque particulier de souffrir plus que d'autres d'une infection par le A(H1N1). Car les caractéristiques de ce virus font que ces personnes ne sont pas les mêmes que lors des grippes saisonnières. Il s'agira a priori des personnes âgées de moins de 65 ans qui souffrent d'une affection de longue durée, les femmes enceintes, les jeunes de moins de 18 ans en incluant les enfants de moins de un an.

Pour ces derniers, la question reste toutefois ouverte puisque le vaccin ne devrait avoir une autorisation de mise sur le marché qu'à partir de 3 ans.

Centres de vaccination et médecine libérale

Grande nouveauté: le retour des dispensaires. Les vaccinations seront en effet pratiquées non pas au cabinet médical ou au domicile mais dans des «centres de vaccination». Elles seront aussi prises en charge par l'assurance maladie. Les médecins libéraux seront toutefois en première ligne puisque ce sont eux, et non leurs confrères hospitaliers, qui prendront en charge les malades dont l'état n'inspirera pas d'inquiétudes particulières. La CIC a décidé de confirmer la prise en charge des malades par le secteur ambulatoire, c'est-à-dire par la médecine libérale. «C'est une des mesures qui étaient prévues dans le plan de lutte contre la pandémie grippale», a précisé Brice Hortefeux.

Le système «SAMU-centre 15» ne prendra en charge que les cas graves et les enfants de moins d'un an. A compter  du 23 juillet, les pharmacies délivreront gratuitement (sur prescription médicale) des masques «anti-projections»  ainsi que du Tamiflu ou du Relenza qui seront pris en charge par l'assurance maladie.

Ainsi tout est en ordre. Chacun sera à sa place. Et on redira de nombreuses fois l'importance de respecter quelques règles simples d'hygiène comme le lavage des mains et, si nécessaire, le recours intensif du mouchoir-en-papier-à-usage-unique-qui-doit-ensuite-être-jeté-dans-une-poubelle. On redira aussi que les rassemblements collectifs sont des foyers potentiels de contagion et l'on commence à évoquer l'hypothèse de l'interdiction de certaines manifestations festives ou sportives.

Effets secondaires

Tout est en ordre. Chacun sera à sa place (bis). Mais plusieurs questions demeurent. A commencer par celle de savoir si la pédagogie développée par les pouvoirs publics quant à la vaccination modifiera les craintes grandissantes d'une fraction de la population contre les effets secondaires des vaccins au premier rang desquels celui contre l'hépatite virale B. La question a, fort subtilement, commencée à être abordée à la veille du 14 juillet par le Pr Didier Houssin,  délégué interministériel à la lutte contre la pandémie. Ce haut fonctionnaire, ancien chirurgien, a fait la démonstration que l'on pouvait faire la pédagogie de la complexité, exercice que Roselyne Bachelot ne semble guère goûter. «Il y aura sûrement des choix à faire parce que le vaccin n'arrivera que progressivement, a-t-il expliqué. Donc il y aura des gens à vacciner avant d'autres. Ce sera une décision politique importante qui ne sera probablement pas prise avant septembre quand on en saura plus sur l'épidémie et les vaccins, leur efficacité, leurs inconvénients.»

A quoi devons-nous encore nous attendre? «Au mois de septembre, il y aura des décisions très importantes qui seront prises sur ce qu'on attend des vaccins en termes d'efficacité et d'inconvénients, sur qui vacciner en premier et quand lancer la campagne de vaccination, a souligné le Pr Houssin. Ces  décisions seront prises par le gouvernement. Il faudra prendre à un moment donné ces décisions et expliquer les choses s'il y a un ordre de priorité, que chacun en comprenne les raisons.»

Efficacité et inconvénients

Et puis, plus important peut-être ces propos qu'il nous faudra bien reprendre le moment venu quand nous serons amenés à analyser la réalité de la gestion de cette crise sanitaire. Didier Housin: «Il faut aussi que les gens comprennent que le vaccin n'est pas un produit miracle, qu'il peut ne pas être efficace à 100% qu'il peut avoir des inconvénients.» On imagine que chacun de ces termes a été soupesé en très haut lieu sur  de précieux trébuchets. De fait ce discours marque bel et bien une nouvelle étape dans la pédagogie de la lutte contre une crise annoncée. Il ne s'agit plus de savoir si chaque Français pourra ou non se faire vacciner au plus vite contre le A(H1N1). Il s'agit de commencer, simplement,  à expliquer à chaque citoyen que la question de la protection individuelle est hautement plus problématique qu'on voudrait parfois le faire croire.

Et dans ce contexte du «tout-vaccinal», plusieurs  experts, comme le Pr Antoine Flahault, spécialiste de santé publique, militent d'ores et déjà pour la mise en place d'une évaluation du risque vaccinal Ils font valoir que si l'on vaccine en masse contre la grippe des personnes dans des tranches d'âges inhabituelles il est indispensable d'être en mesure  de pouvoir étudier la nature exacte des liens entre la vaccination et tous les événements de santé qui surviendront dans les semaines et les mois suivants. Un tel outil n'avait pas été mise en place lorsque l'on a lancé, au milieu des années 1990 une politique de vaccination de masse contre l'hépatite B, ce qui explique pour partie les rumeurs scientifiquement infondées, concernant ce vaccin.

Nous sommes à la mi-juillet. Il n'est peut être pas trop tard pour le mettre en place dès l'automne prochain quand les premiers lots arriveront dans les centres de vaccination.

Jean-Yves Nau

Image de une: Militaires mexicains en avril. REUTERS/Eliana Aponte.

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