Économie

La Californie est en quasi-faillite

Faute d'un accord entre Arnold Schwarzenegger et les démocrates, l'Etat le plus riche des Etats-Unis risque de faire faillite.

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«C'est pas un jeu de poules mouillées». Schwarzie tire sur son gros cigare à la Une du Financial Times. Le gouverneur de Californie, le Golden State, huitième puissance économique du monde, fait face à une crise financière digne de l'Amérique latine. L'Etat est endetté à hauteur de 26 milliards de dollars et Arnold Schwarzenegger n'a plus de budget. L'opposition démocrate refuse de voter les coupes qu'il propose dans les aides sociales depuis maintenant près de deux ans. Tout est bloqué.

Des handicapés en fauteuil roulant se relaient en permanence devant le Capitole de Sacramento, siège du gouverneur, pour protester: «no cut, no cut, no cut». Depuis vendredi soir 9 juillet, Bank of America, Wells Fargo et JP Morgan refusent d'honorer les billets dites IOU (I owe you) imprimés par l'Etat pour régler ses dettes à la place du cash. L'agence de notations Fitch a classé comme «pourries» (BBB) les obligations de la Californie.

Dans la tente de style bédouin, montée spécialement pour y fumer devant le Capitole, Schwarzie recrache la fumée de son  cigare. Il n'a plus de chéquier mais il reste cool. Il est gouverneur depuis 2003, il a été réélu en 2006, il en a vu d'autres. Il explique aux journalistes du FT qu'il veut modifier le système d'aides sociales pour supprimer les trop nombreux abus, puis après, après seulement, il présentera un nouveau budget (le terme légal était le 30 juin). Les démocrates veulent l'inverse: d'abord un nouveau budget et ensuite une réforme de l'Etat providence. Lui répond qu'à ces conditions, la «réforme» ne se fera jamais et le déficit continuera de se creuser.

La Californie, on l'ignore, est un Etat social. Elle offre une assistance santé ou scolaire à 1,3 million de personnes soit 30% des aides versées aux Etats-Unis pour seulement 12% de la population. Le gouverneur veut aligner son Etat sur les autres et économiser ainsi 1,5 milliard de dollars. Il accuse les démocrates de toujours repousser les mesures de rigueur. Il raconte que «cette semaine, il débattaient de la définition du miel, la semaine précédente il était question de la queue des vaches et celle encore d'avant d'une commission myrtilles, c'est ridicule!».

Terminator veut en finir. Les démocrates, il les connaît: certains de ses conseillers le sont, sa femme, Maria Shriver, de la famille des Kennedy, l'est aussi. Mais des compromis, il n'en veut plus.

La Californie souffre particulièrement de la crise, l'immobilier est en ruines, le taux de chômage est de 11,5%. Son déficit de 26 milliards de dollars représente environ 30% des recettes de l'Etat. Ce n'est pas si exceptionnel, on connaît le même niveau en France, mais les marges de manœuvres budgétaires sont très minces en Californie à cause d'un empilement de  législations contraignantes qui imposent une majorité des deux-tiers sur beaucoup de sujets, notamment sur les impôts.

Que l'Etat le plus riche des Etats-Unis soit en quasi-faillite inquiète au delà de ses frontières. La Californie est surveillée par les marchés financiers car elle est la pointe avancée d'une Amérique endettée. Pour en sortir, Arnold Schwarzenegger va devoir s'entendre, quoi qu'il en dise, avec son opposition. Mais pour faire quoi? Quel arbitrage faut-il entre couper dans les dépenses et augmenter les impôts? Quel arbitrage maintenant, en pleine récession? Et quel arbitrage ensuite, dès que la reprise sera là?

Faute d'accord politique, l'Etat pourrait faire faillite, comme l'Islande ou comme General Motors, ce qui aurait des répercussions considérables sur tous les marchés financiers. Washington va-t-il devoir se porter en garantie? Ce serait évidemment ouvrir la boîte de Pandore; de facto l'Etat fédéral se serait porté garant des dettes des Etats fédérés. La reprise, espérée pour la fin de l'été, serait freinée ou même remise en cause.

L'ancien acteur joue gros. Il sait qu'on ne peut pas parler vraiment de «faillite» pour un Etat américain mais si les banques n'honorent plus les IOU, des entreprises vont manquer d'argent, des étudiants ne pourront plus aller en fac et des handicapés seront sans ressources.

Eric Le Boucher

Image de une: Arnold Schwarzenegger en 2007. REUTERS/Max Whittaker
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