Politique / France

C'est toute la politique de François Hollande qui est sur pause

La pitoyable confusion sur la «pause fiscale» achève de discréditer la politique économique du Président. Les objectifs de déficit ne sont pas tenus et le découragement gagne les entreprises et les ménages.

François Hollande, le 6 septembre 2013 à Saint-Petersbourg pour le G20. REUTERS/Alexander Demianchuk
François Hollande, le 6 septembre 2013 à Saint-Petersbourg pour le G20. REUTERS/Alexander Demianchuk

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C'est fini. La pitoyable confusion sur la «pause fiscale» finit de vider tout le substrat idéologique du Parti socialiste. Les impôts, «c'est trop», a dit François Hollande. Comme ils apportaient l'essentiel du carburant d'un gouvernement qui ne sait qu'être redistributeur, c'est tout le quinquennat qui se met en mode pause.

Relisez la proposition numéro 9 du candidat Hollande.

La voici en entier:

«Le déficit public sera réduit à 3 % du PIB en 2013. Je rétablirai l'équilibre budgétaire en fin de mandat. Pour atteindre cet objectif, je reviendrai sur les cadeaux fiscaux et les multiples niches fiscales accordés depuis dix ans aux ménages les plus aisés et aux plus grosses entreprises. Cette réforme de justice permettra de dégager 29 milliards de recettes supplémentaires.»

C'est fait. La promesse numéro 9 a été tenue. Et même au-delà, puisque le président une fois élu a ponctionné la poche des ménages et les caisses des entreprises d'un total de 32 milliards d'euros. Le malheur est que ça n'a pas marché. Sur aucun plan. Le déficit se sera creusé à 4,1% du PIB cette année au lieu des 3% annoncés. En 2014, il reviendrait autour de 3,6%, selon le gouvernement mais il stagnerait à 4,2%, selon la Commission de Bruxelles.

Cette stagnation du déficit est la première des «pauses»: François Hollande a décidé, pour ne pas freiner ladite reprise, de le considérer comme un résultat, non un but. Ce choix n'est pas économiquement injustifiable au nom du réglage keynésien de la conjoncture. Mais il a pour conséquence de rendre le déficit totalement dépendant de la croissance. Si la reprise se confirme chez nos partenaires, le déficit pourra, avec retard, rentrer tant bien que mal dans les clous du chemin promis à Bruxelles. Sinon, et c'est le plus probable, il filera. Les dépenses sont vaguement tenues, les recettes seront ce qu'elles sont: le déficit sera la résultante de la soustraction.

La marge de la croissance française dépend de l'étranger. Le pourquoi se lit dans cette même proposition numéro 9.

La cause du déficit des comptes publics de la France, expliquait François Hollande, ce sont les «cadeaux aux riches». Aux riches entreprises (les grosses), aux riches ménages. Il suffit de les taxer et non seulement le déficit serait résorbé mais la justice sociale serait rétablie. Hélas, rien ne s'est passé comme cela.

L'an passé à la même époque, le gouvernement avait reçu le rapport Gallois, qui démontrait qu'il avait fait fausse route. En voulant punir les méchantes entreprises, il avait surtaxé le coût du travail et réduit les marges.

Deuxième pause: on arrête de surcharger le travail, on revient en arrière avec un crédit d'impôt, François Hollande devient «le président des entreprises». Aujourd'hui, en cette rentrée 2013, le même «ras-le-bol fiscal» touche, cette fois, les ménages. Le gouvernement a cru punir les riches, il a obtenu qu'ils partent du territoire par centaines, mais, surtout, la ponction a touché tout le monde, les classes moyennes jusqu'aux plus modestes des salariés. Voilà donc décrétée une autre «pause», la troisième.

Le diagnostic était faux

L'erreur de diagnostic va peser lourd. La surtaxe des entreprises va se traduire dans leurs chiffres d'investissement et d'embauche. Les plaintes du Medef ne sont pas à prendre à la légère. Les chefs d'entreprise ont été découragés. En sera-t-il de même des ménages soumis tous les matins à une contribution, un malus, une taxe, un impôt ou une redevance qui augmente? Après avoir pris le risque de se mettre les entrepreneurs à dos et de bloquer les investissements, le gouvernement, par une erreur sur le fond doublée d'une confusion sur la forme, risque d'effrayer les ménages et de paralyser la consommation. Comme les commandes publiques sont en chute, tous les moteurs de la croissance interne risquent de s'étouffer.

Un an et demi après son élection, en 1982-1983, François Mitterrand avait constaté l'erreur de sa politique et pris un «tournant». Trente ans plus tard, en 2013, François Hollande nous annonce lui une «pause». Il devrait suivre son prédécesseur et engager non pas des pauses mais trois tournants.

D'abord constater que sa politique fiscale est en échec total et qu'elle a aggravé le mal. C'est le point de départ qui était faux: les riches choyés par Nicolas Sarkozy. Là n'était pas le problème. Le problème était à l'inverse: des marges d'entreprise insuffisantes et une fiscalité multicouche sur les ménages complexe et décourageante. Rien n'est aujourd'hui fiscalement mis en ordre pour faire repartir les deux moteurs de l'investissement et de la consommation.

Ensuite, accélérer les réformes des structures. On a vu avec la microréforme des retraites qu'elles sont toutes mises sous l'impératif de ne rien brusquer.

Enfin, dégager des moyens en réduisant les dépenses. Privé de recettes, croisant les doigts pour que la reprise vienne d'ailleurs, le gouvernement n'agit plus qu'à la marge. Le gouvernement proclame qu'il va faire en 2014 des économies inédites dans l'histoire. Peut-être, mais les dépenses sont en fait stabilisées (+0,05%), elles se mettent elles-aussi en «pause». A l'intérieur de cette enveloppe globale figée, François Hollande pourrait agir par de grands transferts. Mais, sur 650 milliards d'euros de dépenses d'Etat, selon les annonces du budget 2014, il va jouer sur seulement «plus 600 millions» à l'éducation et «moins 500 millions» à la défense. C'est là sa fourchette d'action: plus ou moins 1%. Ce n'est pas à cette vitesse qu'on transforme l'Etat et qu'on redresse la France.

Eric Le Boucher

Egalement paru dans Les Echos

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