Sports

Au footgolf, le but c'est le trou

La France découvre, avec un peu de retard, ce sport hybride qui a tout pour plaire. Reste à convaincre des clubs de golf d'accueillir des hordes de footballeurs sur leurs parcours.

Un tournoi de footgolf à Pilar, près de Buenos Aires, le 2 novembre 2012, REUTERS/Marcos Brindicci
Un tournoi de footgolf à Pilar, près de Buenos Aires, le 2 novembre 2012, REUTERS/Marcos Brindicci

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Au début des années 2000, lors d’une soirée entre étudiants dans une banlieue résidentielle, un de mes camarades a eu l’idée d’aller jouer au foot sur l’herbe parfaitement tondue des fairways du club de golf d'à côté.

Profitant de l’inexistante surveillance nocturne du parcours, nous avons commencé à taper dans la balle, et un jeu s’est imposé de lui-même: essayer, chacun notre tour, d’atteindre le drapeau en le moins de coups possible, à la manière des golfeurs. Malgré l’obscurité, le jeu s’est prolongé jusqu’aux petites heures du matin, et nous nous sommes tous demandés pourquoi personne n’avait jamais eu l’idée d’en faire un sport. Nous n'étions manifestement pas les seuls à nous poser cette question...

«J’ai entendu des millions d’histoires de gens qui jouent au footgolf depuis des années», a souri Maurits van Tubergen Lotgering, président de la Fédération internationale de footgolf (FIFG), quand je lui ai raconté l’anecdote. Comme celle de cette bande de passionnés suisses qui font des parties sauvages dans les parcs du canton de Genève depuis près de 10 ans.

10.000 pratiquants aux Pays-Bas

Il faut dire qu’il n’y a rien de plus intuitif pour un footballeur qui se retrouve sur un parcours de golf que de se demander s'il arriverait à atteindre le drapeau en moins de coups que les golfeurs. C’est exactement ce que propose le footgolf, sur des parcours de golf (généralement de 9 trous) où ont été aménagés des trous de 55cm de diamètre (devant le green pour ne pas l'abîmer), et qu’il faut atteindre avec un ballon de football. Le départ se fait généralement depuis l'aire réservée aux femmes et aux débutants, ce qui réduit la longueur des trous (qui vont de par 2 à 7, contre des par 3 à 5 au golf).

Créée en 2012, la FIFG compte aujourd’hui 17 fédérations ou associations nationales affiliées. S’il est impossible de savoir qui a le premier joué au golf avec un ballon de foot, c’est aux Pays-Bas que le sport a été codifié et s’est organisé, en 2009. «Dans mon pays, les gens qui ont plus de 30 ans arrêtent le sport, et il y a un gros problème de respect dans le football, explique van Tubergen, qui travaille aussi sur les questions de politique sportive au gouvernement néerlandais. On cherchait un sport qui répondait à ces deux problèmes.»

Il y a peu de chances pour que le footgolf règle à lui seul la violence endémique du foot amateur néerlandais, (un arbitre de touche a été frappé à mort lors d’une rencontre de jeunes en décembre 2012). Mais il a assuré une après-midi sportive et conviviale aux 10.000 joueurs qui ont participé à des compétitions ou simplement fait une partie entre amis l’année dernière au pays de Johan Cruyff.

Veron, Gullit et Papin

Le succès du footgolf aux Pays-Bas a donné des idées un peu partout. Même les joueurs du mythique Real Madrid se sont récemment prêtés à ce nouveau jeu pour les besoins d’une publicité:

Pour l’aider dans son développement, le nouveau sport peut compter sur un atout de poids, son succès auprès des anciennes stars du ballon rond: Juan Sebastian Veron en Argentine, Roy Makaay, Frank de Boer et Ruud Gullit aux Pays-Bas ou encore José Luis Chilavert au Paraguay. En France, c’est Jean-Pierre Papin et Vincent Guérin qui ont tapé le ballon ensemble au golf de Rueil-Malmaison début septembre lors de la présentation du footgolf à la presse.

S'il est particulièrement prisé des anciens footballeurs, c’est qu’il allie le plaisir de «tâter le cuir» à certains des aspects les plus plaisants du golf comme la stratégie et le cadre agréable, le tout sans les contacts et les efforts violents qui rendent le foot difficile à pratiquer au-delà de 40 ans.

«Le meilleur jeu jamais inventé»

«Comme au golf, il faut être concentré, bien doser sa gestuelle et ne pas toujours chercher la puissance sur les long coups parce qu’on gagne la partie sur le petit jeu», explique Vincent Guérin, ancien international français mais aussi amateur de golf depuis plusieurs années.

Dois-je me rapprocher de ce cours d’eau avant de le passer ou tenter de le franchir en un coup? Vais-je réussir à passer au-dessus de cet arbuste ou devrais-je le contourner? Autant de dilemmes du golfeur que l’on retrouve avec plaisir au footglof.

Même avec une frappe à la Roberto Carlos, vous ne dépasserez sans doute pas les 100 mètres au «drive», là où les bons golfeurs font le double. Quant au «petit jeu», mieux vaut avoir un plat du pied qui ne tremble pas et une bonne appréciation des inclinaisons du green: c’est de loin la partie la plus technique. N’en déplaise à tous les entraîneurs d’équipes de jeunes du monde, c’est même le bon vieux pointu, effectué avec finesse, qui s’y avère parfois le plus efficace.

Autre pays où le sport est en train d’exploser, les Etats-Unis. Outre-Atlantique, le golf, traditionnellement beaucoup plus populaire qu’en France, connaît une baisse de licenciés depuis le début des années 2000 tandis que le soccer, longtemps délaissé, est en pleine expansion. Avec leur sens inné du marketing et une pointe d’humour, les Américains vendent d'ores et déjà le footgolf comme «le meilleur jeu jamais inventé» avec un clip digne des spots de la richissime Premier League (ou presque):

Sur son site, l’American footgolf league (AFGL) s’adresse surtout aux clubs de golf qui voudraient tenter l’aventure:

«Les footgolfeurs […] génèrent plus de passage au club house, au bar et au restaurant.»

Remplir les golfs

L’argument ne laisse pas insensible: le pays a connu une véritable bulle immobilière de construction de parcours de golf, et compte la moitié des 35.000 parcours de la planète. «Il y a trop de golfs aux Etats-Unis, confirme van Tubergen. La plupart des gérants cherchent des revenus supplémentaires.»

C’est aussi avec cet argument économique que Romuald Pretot, spécialiste en communication et marketing sportifs devenu président de la toute nouvelle Association française de footgolf (AFFG), espère convaincre quelques-uns des plus de 800 terrains de golf homologués par la Fédération française de golf (FFG). «Aux Pays-Bas, sur une première année, un club qui s’ouvre au footgolf peut obtenir entre 30.000 et 40.000 euros en green-fee supplémentaire», annonce cet ancien joueur de foot amateur.

Bien sûr, tous les golfs ne voient pas d’un bon œil l’arrivée des footballeurs sur les fairways, question de standing et de tradition. Pendant que «JPP» et Vincent Guérin s’appliquent à brosser leurs approches sur le golf de Rueil-Malmaison, les réactions des golfeurs présents sur les trous avoisinants varient de la curiosité aux regards franchement désapprobateurs entre deux caricaturales bouffées de cigare.

Pour mieux se faire accepter sur les fairways, le footgolf a pourtant mis en place un code vestimentaire similaire à celui du golf, et insiste sur le respect des règles de bonne conduite si chères au sport de gentleman par excellence.

Bientôt dans un golf près de chez vous?

Pour les patrons de golf qui ne sont pas opposés par principe, le premier réflexe est de s’inquiéter des dégâts occasionnés par le footgolf sur leur parcours. Une crainte infondée selon Romuald Pretrot, qui rappelle que les chaussures à crampons sont interdites:

«Les gens se rendent vite compte que ça détériore moins le parcours que le golf lui-même. Un golfeur qui tape dans la balle, qu’il soit bon ou pas bon, il arrache souvent de l’herbe, c’est même parfois conseillé. Au foot, quand on tape dans un ballon, à moins d’être très mauvais ou d’avoir vraiment raté sa frappe, on n’arrache généralement pas d’herbe.»

Pour le moment, une dizaine de golfs français ont manifesté un intérêt, affirme Romuald Pretot. Son objectif est de créer un championnat national avec au moins cinq dates en 2014, à l’image de ce qui se fait déjà aux Pays-Bas, d’atteindre entre «3.000 et 4.000 licenciés d’ici trois ans» et d’être reconnu comme un sport à part entière en obtenant le statut de fédération.

Le golf de Cap-Malo en Bretagne est le seul en France à accueillir des parties de footgolf de manière régulière. «On a déjà eu une dizaine de directeurs de golf qui sont venus vers nous en se disant prêts à accueillir un évènement», déclare Romuald Pretot. Mais ils sont plus séduits par des évènements ponctuels lucratifs s’adressant à des entreprises à la recherche d’une bonne opportunité de communiquer que par l’accueil permanent de footgolfeurs.

Les Français vont pourtant devoir adopter le sport très rapidement s’ils veulent rester au contact de certains pays et pouvoir se mesurer aux meilleures équipes lors de la deuxième Coupe du monde de l’histoire qui aura lieu en 2015 (la France n’a pas participé à la première en Hongrie en 2012). Les Etats-Unis ont déjà leur circuit national, dont la prochaine étape, disputée à Miami le 22 septembre, sera diffusée sur ESPN.

Grégoire Fleurot

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