Culture

Les voleurs d’œuvres d’art détruisent-ils souvent leur butin?

Pratiquement jamais.

Le mur du musée de Rotterdam où se trouvaient les oeuvres volées. REUTERS/Robin van Lonkhuijsen
Le mur du musée de Rotterdam où se trouvaient les oeuvres volées. REUTERS/Robin van Lonkhuijsen

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Les enquêteurs ont annoncé mi-juillet avoir peut-être retrouvé dans un fourneau en Roumanie les cendres de sept œuvres d’art volées. Ces toiles, notamment de Monet, Matisse et Gauguin, avaient été dérobées au musée Kunsthal de Rotterdam en octobre dernier lors d’un casse extrêmement médiatisé et trois suspects avaient été arrêtés en Roumanie en janvier. La mère de l’un des voleurs affirme avoir brûlé les tableaux, estimés entre 130 et 260 millions de dollars, lorsqu’elle a su que la police les recherchait.

Les voleurs d’œuvres d’art détruisent-ils souvent leur butin?

Quasiment jamais. La grande majorité des voleurs d’œuvres d’art utilisent le fruit de leur pillage comme garantie, pour négocier une inculpation moins sévère. Et certains en dérobent dans l’unique but de s’en servir de monnaie d’échange plus tard.

En Europe, les procureurs acceptent généralement d’alléger la peine d’un criminel s’il peut offrir en échange une œuvre d’art précieuse (ce genre d’accord est rare aux Etats-Unis). En Espagne, des gangs se sont même mis à s’emparer d’œuvres d’art pour s’en servir d’assurance, les utilisant pour réduire des peines sans aucun rapport, comme la possession de stupéfiants et le vol de voiture.

Lorsqu’un voleur d’œuvres d’art détruit son butin, il attire souvent une attention médiatique démesurée. Dans les années 1990, Stéphane Breitweiser a acquis une notoriété internationale pour avoir volé plus de 100 œuvres d’art, dont il a détruit à peu près la moitié (sa mère l'y a aidé en découpant les toiles et en les déchiquetant dans le broyeur d’ordures ou en les jetant à la rivière). En 2011, un voleur s'est emparé de tableaux d’une valeur de 150 millions de dollars –notamment un Matisse, un Picasso et un Modigliani– au musée d’Art moderne de Paris, puis les a jetés dans une benne à ordures où ils ont été broyés.

Mais les experts s’accordent à dire que ces cas sont rares. Etant donné que la plupart des œuvres dérobées sont tellement célèbres qu’elles sont invendables, beaucoup de voleurs deviennent les conservateurs de leurs propres collections clandestines et les gardent en lieu sûr (et secret) jusqu’à ce qu’ils puissent s’en servir de monnaie d’échange.

Conséquence, le domaine de la restitution d’œuvres d’art connaît un taux de retour extrêmement élevé: environ 90% des œuvres volées finiront par refaire surface, soit dans des collections privées, soit proposées à la justice par les criminels eux-mêmes.

Si la mère du voleur de Rotterdam s’était contentée de garder les tableaux, elle aurait pu aider son fils à négocier sa peine à la baisse. Maintenant que les œuvres sont détruites, le voleur n’a plus de monnaie d’échange. Lui et sa mère vont probablement devoir répondre des accusations de vol et de recel d’œuvres d’art –et de destruction, par-dessus le marché.

Mark Joseph Stern

Traduit par Bérengère Viennot

L’Explication remercie Robert Wittman, fondateur de la National Art Crime Team du FBI, et Anthony Amore, expert en vol d’œuvres d’art et auteur de Stealing Rembrandts.

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