Culture

Films d'anti-vacances [3/3]: les communautés hippies, ces sectes

Pour vous faire passer l'envie de faire vos valises, démonstration en trois épisodes de ce qui rapproche vos activités estivales favorites d'expériences bien plus glauques.

«Peace, Love et plus si affinités» © Universal Pictures International France
«Peace, Love et plus si affinités» © Universal Pictures International France

Temps de lecture: 4 minutes

Cet été, un Français sur deux ne part pas en vacances. Pas de plage avec les enfants, pas de barbecue au camping ni de randonnée en montagne, crise oblige. Mais rate-t-on vraiment la saison estivale si l’on reste gentiment chez soi? Pas si sûr, car la villégiature estivale peut rapidement se transformer en enfer, la liberté devenir claustration.

Après vous avoir fait voyager en 2011 avec un Tour de France des films de vacances puis en 2012 avec un tour du monde des films de vacances, nous avons choisi cet été de vous faire passer l’envie de préparer vos valises en vous montrant à quel point vos activités estivales favorites se rapprochent d'expériences en apparence éloignées et bien plus glauques.

Au menu du dernier épisode de ces films d'anti-vacances, les communautés hippies comme sectes. A lire aussi: la fête-hôpital psy et le camping-prison.

Avec leurs pat d’eph et leurs gilets en macramé, les hippies ont le look estival depuis le Summer of Love de 1969. Quel autre endroit qu’une communauté baba cool pour passer ses congés à larver au soleil, méditer en position du lotus et se décrasser du stress de la vie urbaine. Dans Peace, Love et plus si affinités, Jennifer Aniston découvre les joies de ces vacances singulières et libertaires.

Mais les rites, les codes vestimentaires et le débridage sexuel du mouvement hippie peuvent aussi s’apparenter à une vie communautaire nettement moins friendly: les sectes.

Un certain autoritarisme

La vie en commun nécessite des règles, des dogmes que chacun se doit d’honorer afin que l’harmonie règne. Distribution des tâches quotidiennes, respect du chef, nécessité d’une certaine discrétion quant à la communauté, autant de consignes auxquelles le nouveau venu doit se plier.

Sans être aussi castratrice, la version hippie de la communauté est régie par des codes (qui s’occupe du jardin, qui joue de la guitare, qui roule les joints), moins pénibles à supporter au quotidien, mais qui créent néanmoins une distance entre les adeptes et le monde. Et des hippies à la secte, les nuances sont finalement bien ténues.

Le gourou, sorte de chef spirituel est tout-puissant. On le respecte, on le vénère parfois, on le craint indubitablement car du haut de son piédestal, il règne en maître absolu sur les brebis de son cheptel. Qu’il s’agisse d’un hippie barbu bourré de LSD, du patriarche d’une famille sous influence comme dans le film grec Canine, ou d’un grand manitou comme Lancaster Dodd, figure évoquant le créateur de l’église de scientologie Ron L.Hubbard dans The Master, les caractéristiques autoritaires restent les mêmes.

Domination mentale, paranoïa vis-à-vis du monde extérieur et surtout modification des principes normés de la société classique. Pour le réalisateur grec Yorgos Lanthimos, la puissance paternelle s’exerce dans sa capacité à modeler ses enfants selon des codes qu’il a lui-même édictés, les rendant inaptes à vivre sans lui. Par exemple, les mots n’ont pas la même signification selon que l’on est à l’extérieur de cette micro-secte ou dans son cœur (la définition du mot zombie est édifiante).

Dans un genre moins familial mais tout aussi clanique, les satanistes ne sont pas mal non plus. Leur véritable chef demeure invisible (le diable himself), mais l’adoration dont il est l’objet est comparable. Dans Rosemary’s Baby de Roman Polanski, les vieux voisins en costumes trois pièces se révèlent des adorateurs de Satan, prêts à tout pour le servir, même à vampiriser la pauvre Mia Farrow et transformer son nourrisson en antéchrist.

Un goût discutable pour la mode

L’autre point commun majeur entre les hippies et les membres de sectes plus autoritaires se loge dans leurs us vestimentaires. Connus pour avoir un look atypique et très reconnaissable, les hippies partagent un goût plus que discutable pour leurs tenues.

Moins colorés mais tout aussi décalés, les hardes des Amishs ne passent pas inaperçues. Privilégiant les matières naturelles (chanvre, lin, coton, laine), arborant des galurins d’un autre âge, tout ça vêtus comme Charles Ingalls, les Amishs pourraient être tendance si l’on était en 1895. Dans Witness (1985), la bombe Kelly McGillis, pas encore auréolée de son bombers de cuir made in Top Gun, porte une robe mi-mollet et un petit bibi blanc qui lui donnent un faux air de paysanne coincée. Sans doute le sex appeal se cache-t-il là où on ne l’attend pas. En l’espèce, malin celui qui le trouvera.

Plus récent, mais tout aussi ringard niveau fringues, Electrick Children enfonce le clou chez les Amishs. La charmante Julia Garner, visage de poupée de porcelaine, est attifée comme pour une soirée déguisée spéciale mémère. Robe boutonnée jusqu’au menton ou jupe en bas des pattes, elle ne respire pas le glamour. Quant à ses partenaires masculins, avec leurs pantalons trop courts et leurs bretelles, ils incarnent un autre âge de la mode, quand le vêtement ne servait qu’à tenir chaud et ne devait surtout pas laisser transparaître une quelconque personnalité.

Cet uniforme, totalement en adéquation avec les principes fondamentaux d’une secte (la dissolution de l’individu dans la communauté), trouve son pendant chez les hippies où certains codes sont proscrits (un hippie en slim? Ou en jogging?) même si, dans un cadre prédéfini, la fantaisie peut s’épancher beaucoup plus librement.

Au royaume du costume sectaire bizarre, la palme revient sans conteste à Kaboom de Gregg Araki. Les adeptes de la théorie apocalyptique mis en scène dans ce film n’ont rien trouvé de plus seyant que de porter des masques d’animaux. Pas de beaux masques ressemblants, avec poils et plumes, mais plutôt ceux en plastique tout droit sortis d’un magasin de farces et attrape de bas étage. Sensés être effrayants, ils inspirent plutôt une moquerie gentille. Comme quoi même les sectes ont le droit d’avoir de l’humour.

Sexualité débridée

Hippie rime avec liberté sexuelle. Mais les sectes n’ont pas grand-chose à envier aux chevelus soixante-huitards. Car le gourou incarne merveilleusement bien le mâle dominant, plein d’hormones et hautement désirable aux yeux de ses ouailles.

Dans Martha, Marcy, May Marlene, un chef de communauté (très inspiré de Charles Manson, la tête pensante de la Famille responsable du meurtre de Sharon Tate) impose donc à chaque recrue féminine un passage dans son lit.

Ce rite initiatique sexuel ressemble à une faveur pour les jeunes filles alors qu’à bien y regarder ces relations fleurent bon le droit de cuissage, voire dans certains cas le viol. Mais la pression psychologique et la dépendance (l’asservissement) auxquelles les adeptes sont soumises ne leur permettent pas de choisir véritablement leur partenaire. Ainsi, les sectes savent s’envoyer en l’air, mais pour l’amour librement consenti, on repassera.

Parmi les nombreux fantasmes qui entourent les sectes, il en est un qui a la vie dure: le rituel sexualisé. Jeu, masques, mises en scène, la sexualité sectaire peut parfois revêtir les atours d’une codification sophistiquée comme on peut le voir dans Eyes Wide Shut de Stanley Kubrick.

La cérémonie secrète à laquelle assiste le héros joue sur la corde érotique et mystérieuse qui nimbe ces communautés opaques. A force de n’en rien savoir, on imagine, on délire et dans ce registre la vision kubricienne est proprement fascinante. Même si les parties fines des hippies ne se révèlent que rarement aussi esthétisées, elles véhiculent elles aussi une part d’excès et un franchissement des limites moralement acceptables, deux critères dont les sectes ne semblent pas dépourvues.

Décidément, les lieux de vacances tranquilles se font rares. Un plan chez les hippies qui vire groupuscule sectaire est vite arrivé. Vous serez prévenus, rien ne vaut son bon vieux home sweet home.

Ursula Michel

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