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Qui a posé la bombe?

Comment vérifier l’authenticité de la revendication d’un attentat?

Des agents du FBI arrivent sur les lieux des explosions à Boston. REUTERS/Neal Hamberg
Des agents du FBI arrivent sur les lieux des explosions à Boston. REUTERS/Neal Hamberg

Temps de lecture: 2 minutes

Cet article a été publié par Slate.com en juillet 2005 à la suite des attentats de Londres, et mis à jour à la suite des explosions lors du marathon de Boston le 16 avril 2013.

Peu après les attentats de Londres de juillet 2005, plusieurs médias découvrirent un message concernant les attaques sur un site Internet islamique militant. Un groupe autoproclamé «organisation secrète d’al-Qaida en Europe» y revendiquait ces actes de terrorisme. Les reportages prenaient soin de préciser que «l'authenticité du message ne pouvait être immédiatement confirmée

Comment les gouvernements font-ils pour évaluer la véracité d’une telle revendication?

Ils commencent par chercher le nom du groupe dans une base de données d’organisations terroristes connues, avant de jauger le site Internet sur lequel la revendication a été postée.

Des groupes terroristes plus ou moins crédibles

Souvent le groupe, le site ou les deux ont déjà été à l’origine de revendications passées, et les enquêteurs gardent la trace de celles qui ont été authentifiées. Par exemple, un certain groupe d’anciens étudiants du camp d’entrainement afghan d’Abou Moussab al-Zarqaoui appelé Jound al-Cham n’est plus que moyennement crédible depuis qu’il a revendiqué ce qui s’est avéré être une explosion accidentelle dans une raffinerie de pétrole au Texas.

Quand une revendication est censée provenir d’une organisation terroriste bien établie, la police compare la formulation et le format du message avec ceux utilisés dans des communications dont l’origine est avérée.

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Les preuves matérielles trouvées sur les lieux sont aussi étudiées pour confirmation. Le type d’explosif utilisé lors de l’attaque, le moment choisi et le style des terroristes peuvent être comparés avec des événements antérieurs. Les attentats bien coordonnés dans les transports en commun à Londres en 2005 rappelaient ceux de Madrid l’année précédente, revendiqués par «al-Qaida en Europe.»

Surveillance des forums

Si les similitudes de noms et de tactiques suggéraient un lien, les experts doutaient de la réelle proximité des deux groupes. Al-Qaida semble être un réseau flottant de groupes indépendants les uns des autres partageant une idéologie commune plutôt qu’une organisation hiérarchisée.

Les enquêteurs surveillent aussi les forums jihadistes à l’affût de messages de suivi. Quelques jours après l’enlèvement d’un diplomate égyptien en juillet 2005, le groupe de Zarqaoui avait posté des photos de sa carte d’identité (le groupe affirma ensuite que le diplomate avait été exécuté. Revendication dont le gouvernement égyptien n’avait pas contesté la véracité).

Les forums fournissent souvent eux-mêmes les moyens d’évaluer la légitimité du message. Dans les jours qui suivirent les attentats de Londres, Zarqaoui et les dirigeants d’autres groupes bien établis d’al-Qaida auraient pu soit prendre leurs distances, soit envoyer des messages de félicitations et de soutien. Il arrivait qu’Abou Maysara al-Iraqi, le porte-parole de Zarqaoui, réfute de faux messages attribués à son groupe.

Alqal3ah, site utilisé pour revendiquer les attentats de Londres (fermé depuis), permettait à de nombreuses personnes de publier des messages. Les revendications postées sur des forums à l’accès assez libre sont plutôt courantes; il peut même arriver qu’un administrateur de site intervienne lui-même pour sanctionner les auteurs de faux posts.

Dans les années 70, des revendications plus évidentes

Déterminer la véracité d’une revendication terroriste n’a pas toujours été aussi compliqué. Dans les années 1970, les mouvements révolutionnaires (comme les Brigades rouges en Italie) fournissaient souvent de spectaculaires revendications comprenant de longues descriptions de leurs objectifs idéologiques. Celles-ci étaient envoyées directement à la presse ou aux autorités. L’Irish Republican Army (IRA) avait été jusqu’à mettre au point un code de communication avec la police britannique pour évincer tout éventuel copieur.

Quand l’Amérique commença à pratiquer les frappes de représailles contre les terroristes d’État dans les années 1980, les groupes impliqués eurent tendance à entretenir leur anonymat, peut-être dans le cadre d’arrangements avec le gouvernement qui les soutenait. Mais à présent que le terrorisme est devenu un problème plus mondial, le schéma s’est de nouveau inversé. Probablement parce que poster un message sur l’un des milliers de sites terroristes est rapide, facile et sans danger. Et remonter à la source d’un message est très difficile sans la coopération de l’administrateur du site.

Daniel Engber

Traduit par Bérengère Viennot

L’Explication remercie Marvin Kalb et Louise Richardson de l’université de Harvard, Oliver Lavery de PivX Solutions Inc., et Rebecca Givner-Forbes du Terrorism Research Center.

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