Life / Culture

Dr House, diagnostic de fin (3)

Confrontée à l’actualité, la diffusion, en France, de la dernière saison de la série médicale offre d'étonnants bonus. Aujourd’hui, la confession d’Armstrong, le droit aux origines et la recherche de paternité. Quelques plaisirs de plus dans ce monde de brutes.

Dr House / TF1 NBS Universal
Dr House / TF1 NBS Universal

Temps de lecture: 3 minutes

Attention, cet article contient des spoilers et raconte certains passages des épisodes 5 et 6 de la saison 8

Confessons-le. Plus le temps passe, plus on en vient à ce constat: les huit saisons de Gregory Laurie House ne devront pas seulement être inscrites d’office au programme des facultés de médecine et des futurs directeurs des hôpitaux français. Les établissements scolaires seront aussi concernés. Tous ceux des étages inférieurs comme ceux des supérieurs. Jusqu’au temple de la rue d’Ulm, dans le 5e arrondissement de Paris.

Dès qu’il aura trouvé la réponse à une équation ministérielle bien connue (comment caresser l’enseignant dans le sens contraire à celui de son poil) le ministre-philosophe Vincent Peillon pourra s’atteler à cette tâche. Il lui suffira alors de vanter les mille et une facettes pédagogiques de cette série.

Une série certes culte mais qui trouvera sans mal sa place dans notre école laïque et républicaine; cette école où l’on ne parvient plus nous dit-on à apprendre collectivement à lire et à écrire la langue française; cette même école qui a abandonné l’ardoise mais qui refuse la tablette. Dr House y deviendra alors le cheval de Troie d’une nouvelle révolution pédagogique: la Célestin Freinet 2.0.

Dans l’attente, il faut ronger son frein[1]. Un rongement toutefois pimenté par une découverte: les derniers épisodes de la huitième et dernière saison entrent aisément en résonance avec une actualité brûlante. On débattra plus tard, en classe ou en amphithéâtre, du fait à savoir s’il s’agit là du simple hasard ou de la terrible fatalité.

Pour l’heure, prenons le fait comme une expression de la Providence. Et prenons avec de religieuses pincettes le cinquième épisode. The Confession dans la version originale. Traduit en français par De confessions en confessions. C’est incontestablement un titre meilleur, plus proche de la dynamique du scénario. Il peut aussi faire songer, en abyme, à une vieille et pathétique chanson –Serge Lama? Dalida?

Il y est question d’une pathologie auto-déclarée sur fond d’addiction amoureuse, alcoolique, tabagique et maritime. Le diagnostic précis reste encore à poser.

Peut-on, sans trop spoiler, faire observer que la diffusion, en France, du cinquième épisode de la huitième saison coïncide avec celle, planétaire, des premières confessions de Lance Armstrong?

Le parallèle est troublant. Dans les deux cas, un homme devenu héros dans son village. L’homme parfait, l’époux de rêve. Et dans les deux cas, le maillot jaune de trop. On sait ce qu’il en est du cycliste, ou du moins de ce qu’il veut bien nous dire des mystères qui suivirent son cancer testiculaire.

Les choses sont plus compliquées encore pour ce qui est du patient de House. Son martyre commence avec une relation certes hétérosexuelle mais adultérine. Autant que l’on puisse en voir, l’affaire ne peut se conclure. C’est un syndrome (américain et incomplet) de celui dit «de Félix Faure». On sait qu’il fut décrit pour la première fois dans le Salon d’Argent du palais de l’Elysée, à Paris, le 16 février 1899. On parle aussi à cet endroit d’un «trop grand sacrifice à Vénus».

Quand la grande mort survient avant la petite, c’est généralement, aussi, une affaire de cœur. Cette pathologie cardiaque sous-jacente est encore parfois confondue avec la congestion cérébrale. Le cas présidentiel fut, en France, suivi d’obsèques nationales.

Un siècle plus tard, les réflexes diagnostiques n’ont pas changé. Au Princeton-Plainsboro, personne n’appelle un prêtre. La victime a survécu. L’équipe, reconstituée, des servants de House évoque d’emblée une fibrillation ventriculaire.

Puis, comme toujours, c’est l’entrée dans le labyrinthe des hypothèses et des essais thérapeutiques plus ou moins éthiques. L’homme confessera vite son histoire de fesses.

Puis c’est son corps qui parle, tumeur péri-glottique, désintégration hépatique, peau en lambeaux. C’est alors un écorché vif qui passe à la confession publique néo-baptiste.

Assez joli spectacle d’auto-flagellation satanique et pathologique. La démonstration salvatrice qu’un homme ne trompe pas impunément la mère de ses enfants? C’est fini: syndrome de Stevens-Johnson. Non! Maladie de Kawasaki. C’est reparti!

La sixième saison croise également avec des interrogations sociétales qui agitent lourdement une France en quête de nouveaux droits à offrir sans bourse délier.

L’impayable et plastique Dr Taub a volontairement hérité de deux enfants nés de deux femmes. Droit du sol ou droit du sang? Ce monstre d’humanité est-il ou pas le père biologique? A-t-il ou pas pris du plaisir à concevoir ces deux petites filles? A-t-il une fois encore été le jouet malléable de corps féminins? Bien sûr, House veut savoir; et il entend bien que tout le monde sache. Dans le même temps, l’équipe doit comprendre ce qui se passe chez un adolescent plus ou moins orphelin de père et qui rêve de faire le clown.

Où l’on verra, au final, que les services sociaux devraient toujours s’intéresser aux clowns en herbe. Où l’on verra aussi un joli cas, intrafamilial et doublement contre nature, de transmission de Treponema pallidum. Automatiques, les antibiotiques soignent mais sans toujours guérir.

Où les amateurs verront, enfin, que dans ce registre de souffrances indicibles le jeune Kasper (ancien journaliste danois devenu chargé des relations ministérielles intimes avec la presse dans Borgen) peut aller, gentiment, se rhabiller.

Jean-Yves Nau

[1] Quoique nourrissant une forme d’assuétude professionnelle pour House, nous n’avons pas, comme tant d’autres drogués, vu les épisodes de la dernière série avant leur diffusion sur la première chaîne de la télévision française. Les plaisirs de l’attente peuvent être d’une intensité supérieure à ceux nés de la réalisation de l’acte. Retourner à l'article

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