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Dix défis pour Obama II [2/10]: Sauver la Grèce, sauver l'Europe

Obama veut que l'on se souvienne de lui comme d’un président d’importance. Quel meilleur moyen de passer à la postérité que de se faire l'héritier des Démocrates ayant initié le projet européen: Franklin D. Roosevelt, Truman et Kennedy? Par Georges Papandréou.

Une statue de l'école polytechnique d'Athènes. REUTERS/Yorgos Karahalis
Une statue de l'école polytechnique d'Athènes. REUTERS/Yorgos Karahalis

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Jusqu'au 20 janvier, date de l'investiture de Barack Obama pour un second mandat, Slate examine dix idées qu'il pourrait mettre en oeuvre durant les quatre années à venir. Après la fin des mines antipersonnel, place au sauvetage de la Grèce, et donc de l'économie européenne.

C'était une époque différente, avec un autre leadership américain sur le sol européen. Avec leurs diplomates et leurs dollars, les Etats-Unis avaient mis en place un audacieux projet politique; il visait à mettre un terme à la guerre et à instaurer une période de prospérité. La menace des chars soviétiques se faisait toujours sentir de l'autre côté du Rideau de fer; on pensait que la prospérité européenne permettrait de mettre un frein à l'expansion communiste; qu'elle rééquilibrerait le pouvoir soviétique à l'Est.

Le projet porta ses fruits –mais si ses retombées furent principalement économiques, ses fondements étaient des plus politiques. Ce projet était né d'un consensus auquel se ralliait la majorité des intéressés: les guerres européennes devaient prendre fin, et les horreurs de la Seconde Guerre mondiale ne devaient plus jamais se reproduire. C'était là un idéalisme tempéré par la logique de la Guerre froide –et ce fut la plus grande victoire de la diplomatie américaine au XXe siècle.

Ce projet européen est aujourd'hui menacé, et la situation nécessite un retour du leadership américain. L'Europe est certes la seule à disposer des moyens nécessaires pour sortir de la crise, mais durant son second mandat, le président Obama doit lui venir en aide –et ce en la protégeant d'elle-même.

Il faudra avant toute chose sauver la Grèce. Mon pays a souvent consenti à appliquer la doctrine de l'austérité drastique qui prédomine en Europe; mais pour les marchés obligataires mondiaux, les coupes opérées dans le budget grec ne sont visiblement jamais assez profondes.

Ce qu'Obama peut faire

La Grèce est ici victime d'une crise de confiance: les incertitudes qui planent sur notre maintien au sein de l'eurozone ont paralysé notre économie. Elles ont fait disparaître toute perspective d'activité commerciale d'ici la résolution du problème –ce qui garantit presque sa non-résolution. L'Europe doit être claire: «La crise prend fin, ici et maintenant. La Grèce fait partie de l'eurozone –point final.»

Cependant, pour qu'une telle déclaration soit crédible, elle doit recevoir l'appui de la puissance économique la plus importante et la plus dynamique du monde. Et c'est là qu'Obama doit intervenir. Le président américain peut contribuer à résoudre la crise en usant d'une diplomatie économique habile –habileté qui a certes fait défaut à son administration jusqu'ici.

Une large part des succès les plus retentissants de la diplomatie américaine en Europe demeurent les projets d'intégration, depuis la création de l'Union européenne jusqu'à la réunification de l'Allemagne. S'ils souhaitent s'inscrire dans cette lignée, Obama et ses diplomates devront témoigner publiquement de leur foi en une Europe plus égalitaire.

Insister auprès de l'Allemagne

Obama doit surtout rappeler aux Allemands à quel point les Etats-Unis les ont soutenus –non seulement pendant la Guerre froide, mais aussi durant la décennie mouvementée qui a suivi la chute du Mur de Berlin et l’effondrement de l’Union soviétique. Et il doit persuader la chancelière allemande Angela Merkel d’employer les grands moyens pour faire fonctionner l’Europe –tout en lui assurant que le peuple américain apportera à nouveau son aide.

Menée par le département du Trésor, l'équipe d'Obama a incité les Européens à prendre des mesures déterminantes: financement de projets d’infrastructure, collectivisation de la dette, relance des économies européennes en berne. Les leaders européens ont rejeté ces propositions, jugeant les Américains hypocrites: après avoir exporté leur crise financière en Europe, ils informaient les responsables européens des moyens d’en sortir –sans mettre à contribution la moindre de leurs ressources (qui étaient alors encore considérables).

Nous ne voulons pas d'aide, mais des investisseurs

Nous ne demandons aucune aide financière. En plus de la fin de l’incertitude –qui paralyse son économie– mon pays a avant tout besoin d’investisseurs souhaitant parier sur une Grèce en pleine évolution; une Grèce jouissant d'un immense potentiel.

Et la Grèce n’est pas la seule dans ce cas. De l’Europe du Sud à l’Afrique du Nord, le bassin méditerranéen, région indispensable à la sécurité nationale américaine, est en pleine transition.

Obama pourrait y dépêcher des délégations commerciales de grande envergure, envoyant ainsi un message fort quant au potentiel des investissements pouvant être réalisés dans la région.

Mais le président américain pourrait se montrer plus ambitieux encore. C'est l’un de ses prédécesseurs, Dwight Eisenhower, qui a prononcé cette phrase restée célèbre:

«Lorsqu’il vous est impossible de résoudre un problème, élargissez-le.»

C'est précisément ce qu'il nous faut faire: Obama devrait user de toute son influence pour  lancer une vaste initiative à la fois énergétique, diplomatique et de paix unissant le Moyen-Orient, la Méditerranée et l’Europe –et ce via la coopération énergétique.

Un Plan Marshall vert

Cet effort pourrait comprendre les ressources conventionnelles (existantes ou récemment découvertes), mais il favoriserait également les investisseurs intéressés par un projet de réseau d’énergie propre et renouvelable –l'une des ressources les plus abondantes et sous-exploitées de la Méditerranée. Outre l’importance de sa dimension économique, ce «Plan Marshall vert» permettrait également de soutenir et de faire progresser la démocratie. Une vision à long terme: voilà ce dont nous avons prioritairement besoin.

Enfin, pour contribuer à revivifier un pays dont l’histoire est profondément liée à celle de l’Amérique, une visite en Grèce serait un signe de soutien envers le potentiel de son peuple, et constituerait un authentique vote de confiance: Obama signifierait ainsi à la Grèce et à l’Europe qu’il les estime capables de résoudre la crise de l’euro.

Obama aime à évoquer la grande marche de l'histoire. Il veut que l'on se souvienne de lui comme d’un président d’importance. Quel meilleur moyen de passer à la postérité que de se faire l'héritier des Démocrates ayant initié le projet européen: Franklin D. Roosevelt, Truman et Kennedy?

Georges Papandréou
Premier ministre de la Grèce de 2009 à 2011.

Traduit par Jean-Clément Nau

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