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Non, les bots sur Twitter ne défendront pas la démocratie

Il y a des bots pro-gouvernementaux syriens sur Twitter; ce qui ne signifie pas qu’il devrait y avoir des bots pro-démocratie.

REUTERS/Srdjan Zivulovic
REUTERS/Srdjan Zivulovic

Temps de lecture: 2 minutes

Les «Twitter bots» –ces comptes automatiques qui envoient le même message à différents acteurs– prolifèrent sur le réseau. Ils sont utilisés par toute une variété d’acteurs, des pro-gouvernementaux syriens aux compagnies privées, et ces comptes automatiques envahissent nos fils d’actualité avec des informations inutiles ou ineptes, généralement à des fins publicitaires ou pour tenter de valider un certain discours.

Ces robots sont, dans le meilleur des cas, ennuyeux. S’ils ciblent un hashtag particulier (ex: #Barhain), ils peuvent avoir pour effet de noyer dans la masse les informations pertinentes. Mais il est facile de les signaler comme des indésirables et, comme tels, ils disparaissent rapidement des engins de recherches de Twitter et des fils d’actualité.

Pour cette raison, comme d’autres, la proposition de Philip N. Howard de «mettre en place des bots défenseurs de la démocratie» sur Twitter est pour le moins troublante. Face à l’apparition de bots pro-gouvernementaux, de la Chine au Venezuela, Howard propose un nouveau type de propagande, affirmant que ces robots «permettront de répondre au manque d’informations dans certains pays» et pourraient être utilisés «pour critiquer les dictateurs».

Si comme Howard le suggère, ces bots ne sont utilisés que pour tweeter des liens permettant de trouver du contenu sur toute la Toile (plutôt que sur le compte des utilisateurs individuels) ils seront sans aucun doute aussi inoffensifs qu’inefficaces.

Un robot contre une armée de comptes?

Twitter est un réseau qui fonctionne sur l’échange et rares sont les gens qui sont intéressés par des comptes qui tweetent des liens mais n’interagissent avec personne (malgré @horse_ebooks) Surtout, ce que Howard semble proposer n’est qu’un simple service d’information... comme Voice of America ou bien Radio Free Europe/Radio Free Liberty, qui ont déjà des comptes Twitter très actifs.

La proposition de Howard consiste à surtout ne pas franchir la moindre ligne jaune et se trouve, par voie de conséquence, réduite à l’inefficacité. Comment est-ce qu’un compte Twitter (ou une dizaine de comptes) balançant des liens vers des articles traitant de démocratie pourrait-il être efficace face à une armée de comptes Twitters visant des individus avec des messages de propagande?

Cela reviendrait à laisser les bots parler entre eux et tout ceci finirait par être traité par Twitter comme des messages indésirables: les algorithmes du réseau social sont conçus pour détecter les messages répétitifs, et ceux qui ne sont pas détectés peuvent être facilement signalés par les utilisateurs. L’alternative –faire en sorte que les bots tweetent à destination de comptes anti-américains ou antidémocratiques– risque de ne pas être plus efficace.

Mais la VRAIE question, c’est de savoir pourquoi Howard pense de des bots –plutôt que, par exemple, d’authentiques partisans de la démocratie– sont la bonne réponse à cette question complexe de la promotion de la démocratie. Les idéaux antidémocratiques sont fortement ancrés et ne peuvent être renversés en deux coups de cuiller à pot, en partageant quelques articles bien sentis. Howard admet que les bots antidémocratiques n’ont que peu voire pas d’effet sur les utilisateurs des pays libres. Pourquoi l’inverse serait-il vrai?

Si l’on veut être sérieux deux minutes sur ce sujet de la réponse à la propagande des régimes autoritaires sur Internet, il nous suffit de nous inspirer du Peace Corps (Corps de la Paix). L’ancien gouverneur de l’Ohio, Robert Taft, avait lui-même déclaré que le Peace Corps «casse les stéréotypes et transforme chaque Américain en un être humain soucieux des autres». Ce processus est obtenu par un engagement de terrain sur la durée et l’habitude de travailler en collaboration avec les autres membres.

Remplacer les volontaires du Peace Corps par des robots drapés dans le drapeau américain n’aura jamais le même effet. Tout engagement avec les communautés en ligne à travers le monde nécessite, pour ainsi dire, de penser à la manière dont ces connexions peuvent changer les cœurs et les esprits.

Nous ne seront peut-être pas en mesure de contrer efficacement des armées de bots qui prolifèrent sur les réseaux sociaux, mais en engageant des conversations parfois difficiles avec de vrais individus sur le sens de la démocratie, peut-être que nous parviendrons à faire en sorte que ces robots deviennent totalement inefficaces.

Jillian C. York
Directeur pour la liberté d'expression internationale à l'Electronic Frontier Foundation.

Traduit par Antoine Bourguilleau

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