Culture

Elbaz génération

L'acteur incarne le trentenaire d'aujourd'hui: glandeur et immature.

Vincent Elbaz dans «Tellement proches». DR
Vincent Elbaz dans «Tellement proches». DR

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Alain, trentenaire un peu paumé, se trouve envahi par la famille de sa femme dans «Tellement proches», un film plutôt drôle d'Eric Toledano et Olivier Nakache qui sort le 17 juin. Alain, c'est Vincent Elbaz, devenu, en quelques années un poids lourd de la comédie sentimentale. Et même, plus précisément, de son sous-genre parisien et branché: la comédie sentimentale bobo trentenaire. «Ma vie en l'air», «Tel père, telle fille», «J'aurais voulu être un danseur» et aujourd'hui «Tellement proches» ont construit son image de jeune homme immature, et pourtant si attachant, tourneboulé par les aléas du couple, et bien souvent de la paternité. Si on y ajoute son personnage de petit frère irresponsable dans «les Randonneurs I & II», voici donc Vincent Elbaz, symbole d'une génération, conçu pour faire, après d'honnêtes succès en salles, le bonheur du prime time des grandes chaînes.

Rien ne le prédisposait pourtant à ce rôle, lui qui a été découvert en copain sportif et un peu bas du front dans «Le Péril jeune» puis en vendeur de tissu charmeur dans «La vérité si je mens». D'autant plus qu'il n'est pas le seul sur le créneau du trentenaire sympathique et largué. Romain Duris dans les films de Cédric Klapish («Le Péril jeune» lui aussi, «Les Poupées Russes», «Paris») ou Edouard Baer dans «Mensonges et trahisons et plus si affinités» notamment, lui font une sérieuse concurrence... Vincent Elbaz s'est d'ailleurs retrouvé à l'affiche de certains films suite à leurs refus. Il a lui aussi ses «back-up»: d'autres acteurs, comme Gilles Lellouche («Ma vie n'est pas une comédie romantique») ou Pierre-François Martin Laval («Modern love»), semblent prêts à lui succéder le cas échéant.

Mais Elbaz résiste. C'est qu'il incarne, pour ce type de comédie, l'acteur médian à l'instant «T». Celui que les femmes trouvent joli garçon et auquel leurs compagnons s'identifient sans se sentir menacés par lui. Sa nonchalance et son côté glandeur n'en font pas une figure menaçante.

Ces comédies romantiques tracent le portrait de l'homme d'aujourd'hui. Version cinéma grand public. Un homme essentiellement immature. Dans «Tel père, telle fille», il incarne une micro-star du rock oubliée qui n'ose plus sortir de chez lui tant la réalité l'agresse. Il vit donc aux crochets de sa petite amie qui, elle, bosse et assure. Dans «Tellement proches», le voici ancien GO du Club Med incapable de s'adapter à la vraie vie. Il fait des animations dans les supermarchés pendant que sa femme, elle... «Ma vie en l'air», film au scénario plus abouti et aux personnages moins monolithiques, est le seul où il montre une plus large palette. Ingénieur en charge d'un simulateur de vol, il est en même temps très handicapé par sa peur panique de l'avion... Toutes ses histoires d'amour finissent en eau de boudin (après qu'une de ses fiancées a eu l'outrecuidance de jeter à la poubelle sa collection de Strange, par exemple). Et, pour couronner le tout, son meilleur ami chômeur (Gilles Lellouche), squatte son canapé.

Lorsque le scénario l'exige, Vincent Elbaz est un père attendri... mais incompétent. «J'aurais voulu être un danseur» (version musicale de cette comédie sentimentale à la française) le fait même quitter femme et enfant pour se consacrer à sa passion des claquettes. «Tel père, telle fille» (version grunge, au stylisme impeccable, de ce même genre) le présente bombardé père d'une ado de treize ans à qui il n'a pas grand-chose à inculquer à part le goût de la musique bruyante. Dans «Tellement proches» (version chorale), son fils hyperactif de sept ans vide la piscine à boules d'un magasin Ikea, casse tout chez son beau-frère, fugue lors d'une sortie scolaire...

Père déficient, il est évidemment dragueur comme le démontre ce dialogue tiré de «Tellement proches»:

- Sa femme: «J'en ai marre que tu fantasmes sur la baby-sitter de 15 ans». Elbaz: «Elle a pas quinze ans!»

Face à cet homme imparfait, les femmes assurent, travaillent, élèvent les enfants... Bref, les «Elbaz comédies» se moquent gentiment des mecs d'aujourd'hui. Elles sont moins manichéennes que les comédies sentimentales américaines actuelles, véritables pubs pour le mariage en blanc («27 Robes», «Hanté par ses ex»...). Mais elles restent tout de même assez caricaturales. On va les voir en couple le samedi soir, et on passe un bon moment... En sortant, Monsieur est rassuré: il est bien plus mature et responsable que le beau gosse bouclé. Et madame, après ce moment de divertissement, peut reprendre son interminable travail pour rendre son compagnon plus responsable. Enfin, c'est l'idée. Et quand monsieur en a marre qu'on se moque de lui, ils peuvent toujours aller voir une comédie où l'homme est sérieux, la femme fofolle et inconséquente, et se délecter de voir une Karin Viard se débattre dans des histoires d'amour foireuses («La nouvelle Eve», «les Randonneurs» encore). Ou «La parenthèse enchantée». Avec devinez qui?

Jacques Braunstein

crédit: site officiel Tellement-proches.com

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