Économie

La Suisse, riche de son «non» à l'Europe

Il y a vingt ans, le pays refusait d'entrer dans l'Espace économique européen. Résultat: un chômage à 3%, un excédent extérieur record, une dette publique maîtrisée. L'économie suisse se porte comme un charme malgré le niveau élevé du franc suisse.

Des francs suisses et des euros. REUTERS/Kacper Pempel
Des francs suisses et des euros. REUTERS/Kacper Pempel

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Nos voisins suisses n'en reviennent toujours pas: le franc suisse a beau se trouver à un niveau très élevé depuis désormais presque deux ans, l'économie helvétique, elle, résiste.

«Malgré le marasme, la Suisse crée encore et toujours des emplois» titrait fin novembre le quotidien suisse Le Temps. Et de fait, le pays a créé 80.000 emplois au troisième trimestre, soit une progression de 1,9% sur un an, et le chômage ne dépasse pas 3%. Même l'industrie –qui devrait être pénalisée par le haut niveau de la devise– recrute toujours.

Ce n'est pas tout: la croissance a beau être plutôt molle (+0,9% prévus pour 2012), «le budget est équilibré, la dette publique ne représente que 37% du PIB, les prix sont à la baisse (-0,2%) et les comptes courants extérieurs dégagent un excédent de 12% du PIB», énumère Stéphane Garelli, professeur à l'IMD Lausanne et directeur du centre sur la compétitivité mondiale.

Bref, la Suisse ressemble chaque jour un peu plus à un îlot de prospérité dans une Europe en pleine tourmente. 

Si l'on en croit l'économiste, la raison serait tout bonnement à chercher dans l'allergie des Suisses à tout ce qui peut ressembler, de près ou de loin, à l'intégration européenne. Le 6 décembre 1992, il y a tout juste 20 ans, le pays refusait en effet de rejoindre l'Espace économique européen, cette antichambre de l'Union européenne dont même les plus réticents à l'UE, comme l'Islande, la Norvège et le Liechtenstein, font pourtant partie.

La prospérité suisse ne vient pas de ce refus en lui-même, mais plutôt des réactions qu'il a provoquées chez les partisans du «oui». «Les entreprises ont eu peur que le marché européen ne se ferme à elles», explique Stéphane Garelli. Alors, elles sont allées vendre ailleurs: en Chine, en Amérique latine, dans les anciens pays de l'Union soviétique. Et de fait, la part des Vingt-Sept de l'UE dans les exportations suisses est passée de 66,5% en 1992 à 58,5% en 2010.

Faire, malgré le «non»

Bingo: les secteurs de la pharmacie bien sûr, mais aussi de la machine outil ou de l'horlogerie de luxe, sur lequel la Suisse détient un quasi-monopole, ont profité à plein du dynamisme des émergents. Sans même parler du chocolat ou du café (Nespresso) dont raffolent désormais ces pays. 

«Car à part l'automobile, la Suisse est présente dans tous les secteurs industriels», remarque l'économiste. Si le pays est surtout connu pour ses banques, le poids de l'industrie reste pourtant important, aux alentours de 19% du PIB contre environ 14% en France. Et cette industrie ne repose pas que sur quelques grands groupes comme Nestlé, Roche ou Novartis, mais sur un très important «mittelstand» de PME industrielles hyperspécialisées. Qui compensent par leur excellence le haut niveau du franc suisse.

«De toutes façons, c'est moins le niveau du franc que la vitesse de son renchérissement au début 2011 qui posait problème», remarque Stéphane Garelli. 

Du reste, des grandes entreprises internationales continuent de s'installer au pays de la vie chère: le brésilien Vale, l'américain Yahoo, et même Nissan y ont élu domicile pour installer leurs sièges –ou du moins certaines fonctions– paneuropéens. 

Ajoutez à cela une rigueur budgétaire confortée par une sorte de «règle d'or» adoptée dès le début des années 2000, et le tableau est complet. Même si, tout de même, personne n'ose croire que le miracle suisse va sempiternellement durer. 

D'autant que toute médaille a son revers: le pays éprouve ainsi de plus en plus de difficultés à défendre son secret bancaire vis-à-vis de ses voisins, et notamment l'Allemagne.  

«Lorsque les temps sont difficiles, il n'est pas étonnant que l'on cherche l'argent là où il se trouve», commente, laconique, Stéphane Garelli.

Catherine Bernard

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