Politique / France

A quoi sert l'UMP?

On ne perçoit pas très bien ces dissensions idéologiques à l’œil nu parce qu’elles ne sont pas exprimées si clairement par les principaux chefs de l’UMP. Mais il y a bien une fracture maintenant béante: Sarkozy/Copé et Fillon/Juppé.

Alain Juppé, François Fillon et Jean-François Copé, au temps de la campagne présidentielle, le 11 mars 2012. REUTERS/Charles Platiau
Alain Juppé, François Fillon et Jean-François Copé, au temps de la campagne présidentielle, le 11 mars 2012. REUTERS/Charles Platiau

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Les déchirements à l'UMP révèlent au moins une chose: il y a en fait deux UMP clairement distinctes. On a du mal à croire que de simples concurrences de personnes puissent produire une telle déflagration. Jean-François Copé et François Fillon sont chacun enserrés dans d’épaisses ceintures d’explosifs, prêts à tout faire péter plutôt que de laisser l’autre mettre la main sur le parti.

Ce ne peut pas être qu’une confrontation de deux ego. La crise de l’organisation du grand parti conservateur français reflète aussi une crise existentielle.

Dimanche matin chez mes confrères d’Europe 1, Alain Juppé, interrogé sur la droitisation des sociétés européennes a répondu, très agacé, que c’était un «poncif». Alain Juppé ne croit pas que nos sociétés se droitisent et refuse de laisser embarquer son parti dans une dérive droitière comme semble, notamment la concevoir Jean-François Copé, après Nicolas Sarkozy.

Il y a donc deux visions de ce que doit être le grand parti de la droite françaises. Ces deux visions arrivaient encore à survivre ensemble du temps de Nicolas Sarkozy, président et François Fillon, Premier ministre.

L’ancien président, passant –par habileté tactique– de phases d’ouverture politique, de modernité sociétale à des périodes de radicalisation et de replis conservateurs, il entretenait un flou artistique qui laissait paraître quand même une dérive droitière. Le dispositif était fragile, mais les institutions bicéphales (Premier ministre/président) offraient un carcan qui tenait le tout ensemble.

Nous avons donc Copé et Sarkozy du côté de la droite décomplexée et de l’autre, Juppé et Fillon, ces deux derniers restant sur l’idée que l’UMP doit demeurer un mouvement relativement modéré, libéral, pondéré, conservateur et civilisé. Juppé et Fillon n’estiment pas qu’il faille mettre en avant, et à la hussarde, les problématiques identitaires mais plutôt les questions économiques, sociales et la construction européenne.

On ne perçoit pas très bien ces dissensions idéologiques à l’œil nu parce qu’elles ne sont pas exprimées si clairement par les principaux chefs de l’UMP. Mais il y a bien une fracture maintenant béante: Sarkozy/Copé et Fillon/Juppé.

Deux voies

Ce n’est pas pour rien que François Fillon envisage d’en appeler à la justice! Ce n’est pas pour rien que Nicolas Sarkozy déconseille fortement à François Fillon d’en arriver à cette extrémité. Ce n’est pas pour rien que la médiation proposée par Alain Juppé n’était, dès le départ, pas acceptable par Jean-François Copé et regardée d’un œil inquiet par Nicolas Sarkozy.

La réalité du débat démocratique interne à l’UMP serait une confrontation entre deux tendances qui ne veulent pas se reconnaître comme telles mais qui sont pourtant bien là. C’est entre ces deux voies que les militants de l’UMP auraient dû avoir à choisir de façon beaucoup plus claire.

Pour cela, il aurait fallu qu’il y ait un vrai travail conceptuel et idéologique au sein de ce mouvement. Pour cela il aurait fallu que l’UMP arrive à acquérir une vraie culture démocratique.

On en est loin. Mais à l’extérieur, deux partis, représentants à outrance ces deux tendances que l’UMP n’arrive pas à exprimer vont profiter de la situation. Le FN pour la droite identitaire et l’UDI pour la droite libérale, sociale et européenne.

Après tout, ce que nous montrent Copé et Fillon par leur attitude c’est peut-être que le paysage politique français n’a plus besoin de l’UMP… sinon pour nous distraire.

Thomas Legrand

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