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La Chine, un nouveau regard sur le monde

Pas une fois les continents américain, européen ou africain n’ont été cités dans les principaux discours du dernier congrès du Parti communiste chinois. On pourrait croire que la Chine reste centrée sur ses problèmes. Mais...

Dans un restaurant de Pékin le 15 novembre. A la télévision, la présentation du nouveau Comité Permanent du Bureau Politique. REUTERS/David Gray
Dans un restaurant de Pékin le 15 novembre. A la télévision, la présentation du nouveau Comité Permanent du Bureau Politique. REUTERS/David Gray

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La Chine de 2012 n’a pas pris conscience de l’importance de sa position dans le monde. Sans quoi, on aurait entendu parler de questions internationales pendant le XVIIIe Congrès du Parti communiste chinois. Le 8 novembre, dans le rapport politique que Hu Jintao a lu pendant une heure et demie, les continents américain, européen ou africain n’ont jamais été cités.

Il ne s’agit pas de regretter l’époque heureusement révolue des grands messes maoïstes où des foules exaltées fustigeaient l’impérialisme américain et le révisionnisme soviétique. Mais de constater que la position diplomatique la plus marquante évoquée par le Secrétaire général sortant se résume en une phrase de langue de bois:

«La Chine fera progresser l'établissement de relations stables et saines à long terme entre les grandes puissances.»

Xi Jinping, le nouveau Secrétaire général, est tout aussi vague (dans son discours devant la presse le 15 novembre): 

«Nous devons faire des efforts continuels pour parvenir à un grand renouveau de la nation chinoise, en consolidant la place de la Chine dans le concert des nations.»

En une semaine d’un conclave qui a réuni 2.270 délégués communistes au Palais du Peuple à Pékin, la réélection de Barak Obama, la crise syrienne ou même les tensions que traverse ces temps-ci la relation sino-japonaise, n’ont fait l’objet d’aucune déclaration publique qui aurait pu éclairer les positions de Pékin. En Chine, le parti unique au pouvoir est avant tout préoccupé de son fonctionnement interne et de son emprise sur la société chinoise.

La fin d'une Chine «atelier du monde»

Pourtant, bien évidemment, certaines orientations annoncées par ceux qui gouvernent la deuxième économie mondiale pourraient avoir des effets considérables –et parfois bénéfiques– sur le reste de la planète. A commencer par le souci que la croissance chinoise ne soit plus aussi dépendante des exportations.  Est-ce que la Chine va vraiment s’écarter du modèle «atelier du monde»? Depuis une vingtaine d’années, sa croissance a reposé sur des ventes à bas prix partout dans le monde de produits «made in China». La crise économique en Occident réduit le nombre des commandes. Certains dirigeants des provinces du sud de la Chine proposent de répliquer par une montée en gamme et donc en prix des fabrications chinoises exportées.

Une autre voie, suggérée depuis trois ans par Hu Jintao et le Premier ministre Wen Jiabao, a pris le dessus au Congrès:

«Faire en sorte que le développement économique soit davantage entraîné par la demande intérieure.»

Le rapport politique demande aux nouveaux dirigeants de «parachever la construction d’une société de moyenne aisance». La logique est de «stimuler les potentialités de consommation des ménages» et de «chercher à augmenter les revenus des habitants». 

Le 10 novembre, en marge du Congrès, Zhang Ping qui dirige l'agence de planification chinoise (NDRC) décrit une Chine de 2020 où le niveau de vie aura doublé, les inégalités se seront atténuées entraînant un «développement harmonieux» fondé sur une croissance «stabilisée à 7% par an». Dans cette perspective, la Chine changerait de visage sur la scène économique mondiale et deviendrait importatrice de produits fabriqués en Occident.

La dénonciation officielle des méfaits de la pollution est un autre domaine où les dirigeants chinois affirment leur résolution. Elle s’est amplifiée à l’occasion du XVIIIe Congrès. Avec des formules aux allures de slogans: «Aller énergiquement vers une société économe en ressources et respectueuse de l’environnement.» Ou aux accents radieux: «Nous multiplierons les efforts pour protéger les écosystèmes afin de construire une Chine magnifique et de réaliser un développement perpétuel de la nation chinoise.»

Ces objectifs s’expliquent largement par les quelque 100.000 manifestations annuelles de fureurs populaires appelées «incidents de masses» au cours desquels des populations rurales saccagent locaux et véhicules publics parce que des usines ont pollué une rivière ou provoqué des maladies par leurs émanations.

Le 12 novembre, devant la presse, Zhou Shengxian, ministre de l’Environnement expliquait: «Les pays occidentaux ont pollué pendant deux siècles et maintenant ils réparent. Nous ne pouvons pas faire pareil. En Chine, la lutte contre la pollution doit accompagner le développement.»

Désormais, «la nécessité de promouvoir le progrès écologique» est inscrite dans les statuts du Parti. La phrase a été approuvée à main levée et à l'unanimité le dernier jour du Congrès. La machine coercitive communiste est donc invitée à combattre les effets désastreux d’une industrialisation et d’une urbanisation jusqu’ici effrénées.

La corruption contre le monde des affaires

D’autres résolutions du Congrès portant par exemple sur l’amélioration de l’état de droit ne peuvent que faciliter les relations économiques parfois difficiles entre l’Occident et la Chine. L’insistance des dirigeants chinois à dénoncer la corruption ne vise pas seulement les passe-droits qui irritent tant les citoyens chinois.

Il y a aussi les innombrables dessous de tables obligés dans le monde des affaires. «Si nous échouons à traiter cette question correctement, elle pourra s'avérer fatale pour le Parti», proclame Hu Jintao. «Il y a beaucoup de problèmes urgents à résoudre à l'intérieur du Parti, en particulier la corruption», renchérit Xi Jinping.

Les «Sept Empereurs» désignés pour former le nouveau Comité Permanent du Bureau Politique ont en main un diagnostic sur la Chine établi par leur propre Parti. Il y a une douzaine d’années, leurs prédécesseurs s’étaient appuyés sur un levier extérieur pour faire évoluer l’économie du pays: l’adhésion à l’Organisation mondiale du commerce (OMC).

Les temps ont changé, mais le contexte économique mondial pourrait contraindre les dirigeants chinois à suivre la feuille de route qu’ils ont adoptée au XVIIIe Congrès.

Richard Arzt

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