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Israël-Palestine: un front peut en cacher plusieurs autres

Sans arrêt des tirs de missiles depuis Gaza, Israël n’exclut plus une intervention au sol. Mais l’ouverture d’un second front diplomatique, avec la demande de reconnaissance de la Palestine comme «Etat non-membre» par l’ONU, se profile à l’horizon. Pour ne rien dire de l'inquiétante instabilité régionale.

Près d'Ashkelon, un tank est transporté par un camion dans la perspective d'une intervention terrestre à Gaza -- Amir Cohen / Reuters
Près d'Ashkelon, un tank est transporté par un camion dans la perspective d'une intervention terrestre à Gaza -- Amir Cohen / Reuters

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L’ambassade d’Israël à Paris est presque aussi bunkerisée que celle des Etats-Unis ―d’ailleurs située à un jet de pierre, comme on dit pendant les intifadas. Il faut moins de gendarmes à moustaches pour la protéger parce que sa rue est minuscule, mais il faut toutefois montrer patte blanche pour y pénétrer et répondre au moins trois fois à la question «Avez-vous une arme à feu ou une arme blanche sur vous?» avant même d’avoir franchi le portique de sécurité.

Moi qui me promène souvent avec un multi-tool pour régler la selle de mon vélo, j’ai bien fait de le laisser à la maison ce vendredi matin parce que je suis venu assister au point presse de l’ambassadeur Yossi Gal avec une poignée de confrères. Il veut nous parler de la situation à Gaza et, s’il avait fallu que je me dispute avec un gaillard du Mossad devant la porte parce que j’étais armé, je serais certainement arrivé en retard. Et puis ça aurait fait mauvais genre.

C’est qu’Israël a bien besoin d’expliciter ses actions ces jours-ci, alors que nous sommes à deux doigts d’une réédition de «Plomb durci», l’opération anti-Hamas de 2008. Oh, le diplomate sait bien qu’il sera difficile d’emporter la conviction des médias français, qui s’adressent pour la plupart à un public convaincu qu’il est le méchant et qu’il n’a rigoureusement aucun droit de répondre à la pluie de de missiles émise par le petit morceau de Palestine qui jouxte l’Egypte, mais il veut bien tenter le coup malgré tout parce que c’est son job.

Dans la salle de réunion où il nous accueille avec du thé et des mini-tartelettes au chocolat, mais aussi avec un gros écran affichant les stats quotidiennes d’envois de roquettes donnant lieu à la réponse musclée baptisée «Pilier de défense» et entamée il y a 48 heures, il commence justement par en exposer «la légitimité et la légalité»:

«Aucun pays au monde n’accepterait d’être bombardé comme nous le sommes sans réagir, ou d’être confronté à une telle réalité sans se défendre. C’est même une obligation morale de protection de nos citoyens. Car il faut rappeler que nous n’avons aucun conflit territorial avec Gaza, dont nous nous sommes totalement désengagés en 2005 lorsque les 19 colonies qui y étaient installées ont été démantelées et les 10.000 colons qui y vivaient déplacés, parfois de force. Le territoire aurait alors pu se développer comme la Cisjordanie, dont la croissance économique est très forte, mais il s’est au contraire transformé en un dépôt géant de munitions d’où sont lancées des attaques menaçant la vie de plus d’un million de personnes dans le sud du pays.»

Les attaques au mortier et la roquette font effectivement l’ordinaire des localités proches de la frontière depuis des années, mais l’escalade récente, et surtout les risques désormais encourus par Tel-Aviv, et même Jérusalem, changent quelque peu la donne:

«Nous devons infliger des dommages sérieux aux réseaux de lancement de roquettes et porter un coup au Hamas et aux autres organisations terroristes présentes sur place afin de mettre fin à la menace stratégique qui pèse sur nos populations civiles. Mais nous ne sommes absolument pas intéressés par une détérioration de la situation.»

L'unilatéralisme de l'autorité palestinienne?

Une détérioration qui semble pourtant largement inscrite dans les cartes, quelque 30.000 réservistes venant tout juste d’être placés en état d’alerte. Mais du côté de l’Etat hébreu (j’aime bien cette expression qui permet d’éviter les répétitions comme «cité phocéenne» pour Marseille et «capitale des Gaules» pour Lyon), on a des soucis qui dépassent cette situation spécifique, qui n’est jamais qu’un conflit armé «standard» dans la région...

On ne peut d’ailleurs plus vraiment citer l’ambassadeur sur ce point parce que les guillemets nous ont été enlevés par les services de sécurité dans la deuxième partie du point presse, mais c’est surtout la nouvelle tentative de l’autorité palestinienne d’obtenir une promotion à l’ONU le 29 novembre prochain –au sens où elle marquerait l’unilatéralisme et l'intransigeance du Fatah–, qui rend fébrile le gouvernement de Benjamin Netanyahou.

Israël, qui assure être prêt à renouer le dialogue avec les représentants officiels des Palestiniens, l’existence d’un Etat souverain à son côté n’étant plus un problème, refuse en effet qu’une administration incapable de contrôler les djihadistes et les franchisés d’al-Qaida qui prospèrent à Gaza (et qui font paniquer le Hamas lui-même) puisse devenir «Etat non-membre observateur» à l’ONU et lui chercher de nouvelles querelles de droit international sur cette base.

A quelques semaines des élections législatives, le pays est effectivement dans une situation qui en rendrait plus d’un nerveux: personne se sait vraiment quel type de régime émergera des massacres perpétrés depuis des mois en Syrie, le Hezbollah recommence à faire des siennes dans le sud du Liban, l’Iran poursuit son projet d’annihilation nucléaire de tout ce qui se trouve entre Méditerranée et Jourdain et, à la limite, le bon vieux conflit avec le Hamas en deviendrait presque réconfortant dans sa familiarité...

Hugues Serraf

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