Politique / France

Enfin le vrai Hollande!

Au lendemain de la conférence de presse, on observe un phénomène presque analogue à celui qui avait saisi les observateurs lors du meeting du Bourget: hier, on avait découvert un candidat; cette fois, certains ont pu avoir la révélation d’un président.

François Hollande, durant sa conférence de presse du 13 novembre 2012, à l'Elysée. REUTERS/Philippe Wojaze
François Hollande, durant sa conférence de presse du 13 novembre 2012, à l'Elysée. REUTERS/Philippe Wojaze

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Il a donc fallu six mois de rodage pour que François Hollande apparaisse dans sa vérité, celle d’un président «responsable», comme il s’est défini lui-même, c’est-à-dire assumant la prise de décisions et le poids de celles-ci, avec son inévitable impopularité, celle d’un authentique social-démocrate, ou social-libéral comme on voudra, en tous cas pur produit du croisement de l’héritage de Jacques Delors et de celui de Lionel Jospin.

L’exercice de style était particulièrement réussi malgré une double difficulté. L’une, objective, et qu’il a pointée lui-même  («l’alternance ne change pas la réalité»); l’autre, subjective, à savoir le Hollande bashing dont la presse le gratifie depuis plusieurs semaines.

Paradoxalement, ces mauvais traitements médiatiques, qu’il a accueillis avec un humour très second degré, peuvent lui rendre service.

Comme pendant la primaire socialiste, et comme pendant la campagne elle-même, il a été décrété nul, voire lâche, mou, fuyant, etc.

Du Bourget à l'Eysée

On s’attend au pire et la distance est telle entre ce qui est dit de lui et ce qu’il montre  que sa performance en est survalorisée. Il n’est que d’écouter, au lendemain de sa conférence de presse, les radios pour s’apercevoir que non seulement la tonalité a changé, mais que s’est produit un phénomène presque analogue à celui qui avait saisi les observateurs lors de son meeting du Bourget: hier, on avait découvert un candidat; cette fois, certains ont pu avoir la révélation d’un président.

Mais ne peuvent être surpris que ceux qui avaient décrété à l’avance soit qu’il ne ferait rien soit que, de toutes façons, il faisait fausse route.

Je me demande souvent si, au cœur de la rage qui parfois s’exprime à son encontre, il n’y a pas, de façon très triviale, la mesure du choc fiscal.

Dès lors que, parmi celles et ceux qui sont la cible des augmentations d’impôts, les calculs sont faits, la colère peut exister. Comme existent les mouvements d’exil fiscal qui sont soit le fait d’individus, soit de façon plus problématique le fait de groupes qui exfiltrent leurs très hauts cadres, hantés par la perspective des fameux 75%.

Le calendrier, tel qu'il était fixé

Mais si l’on se rapporte au contenu de la campagne électorale de François Hollande, comme au calendrier qu’il avait annoncé à la rentrée,  le constat est simple: François Hollande s’en tient à son calendrier en trois étapes qui l’a conduit successivement à traiter la question européenne (le pacte de croissance), les déficits publics (avec l’effort partagé en trois: 10 milliards pour les entreprises, 10 milliards pour les ménages et 10 milliards pour la baisse des dépenses publiques), et enfin le pacte de compétitivité qui sera complété, d’ici la fin de l’année, par la réforme du marché du travail.

Tout cela avait été annoncé. Tout cela est donc confirmé. Avec un tempo qui n’est pas celui que les médias souhaitaient. Et lorsqu’en revanche il suit les médias et qu’il accélère, comme il l’a fait il y a un mois, il prend le risque insensé de promettre l’inversion de la courbe du chômage dans l’année qui vient.

Au contraire, lors de sa conférence de presse, il n’a pas fui la réalité. Il n’avait d’ailleurs guère de nouvelles plaisantes à énoncer: il a donc mis en garde contre tous faux espoirs et précisé que le chômage allait continuer d’augmenter de façon continue pendant au moins encore une année.

Rien de plaisant non plus à annoncer que les dépenses publiques allaient devoir être réduites de 60 milliards sur cinq ans, ce qui est évidemment sans précédent.

Rappelons-nous: pendant toute la compagne, il avait été sommé de se préoccuper du déficit public. Mais à peine avait-il révélé l’ampleur du choc fiscal qu’il était sommé, de la même façon, de s’attaquer aux dépenses publiques.

Il faut s’y faire: ce sera chose faite. Et peut-être faut-il accorder quelque attention à l’annonce d’un prochain chantier, celui de la réforme de l’Etat et des collectivités territoriales.

Là encore, on va nous expliquer qu’il ne se passera rien, ou si peu de choses.  Le mieux est donc de le prendre au mot, de considérer vraiment ce qu’il dit et de le juger aux résultats.

Deux péchés originels

Il reste que François Hollande a, d’entrée de jeu, commis deux fautes. Deux péchés originels en quelque sorte qu’il va devoir s’employer, avec beaucoup d’énergie, à effacer, si tant est que cela soit possible.

La première faute est strictement politique: c’est le refus, entre les deux tours, opposé à François Bayrou et, pire, le fait de l’avoir fait battre ensuite aux élections législatives. Il a donc été signifié aux électeurs centristes: je n’ai pas besoin de vous! Or, la gauche est plurielle, elle est divisée et sa partie extrême, autour de Jean-Luc Mélenchon, est clairement dans l’opposition.

Où trouvera-t-il donc les secours dont il aura besoin pour traverser un quinquennat qui, de toutes façons, restera difficile?

La deuxième faute est d’avoir laisser stigmatiser les chefs d’entreprises et s’installer une confusion entre «les méchants» riches et les entrepreneurs.

Or, autant les Français peuvent accepter que les catégories les plus aisées soient davantage mises à contribution (à condition de ne pas découvrir vous-même que les services de Bercy vous incluent dans ces catégories élevées...), autant ils n’aiment ni acceptent que soient ciblés les entrepreneurs, c’est-à-dire ceux par qui peuvent revenir croissance et emploi.

Cette confusion a provoqué, dans l’immédiat, un réel découragement parmi les entrepreneurs et il sera très difficile de les convaincre qu’eux aussi doivent se mobiliser pour sortir le pays de l’ornière.

Enfin, la question que l’on doit se poser, et à laquelle nul n’est en mesure à ce stade de répondre, est la suivante: viendra le moment de la reprise. Celle-ci dépendra beaucoup de l’Europe bien sûr, mais aussi de la Chine et des Etats-Unis.

Serons-nous alors en bonne position pour prendre le vent et saisir le moment de cette reprise? Ou bien nos structures, lourdes, et la politique conduite, ralentiront-elles ce moment?

Jean-Marie Colombani

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