France

Rapport Gallois: la gauche appelée à mener une (soi-disant) politique de droite

La rigueur et l’offre peuvent être de gauche pour peu qu’on comprenne que l’investissement doit primer sur la consommation.

L'océan Arctique. REUTERS/Kathryn Hansen/NASA
L'océan Arctique. REUTERS/Kathryn Hansen/NASA

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La grande difficulté du gouvernement de gauche peut être résumée en termes simples: il doit mener une politique de droite. Du moins une politique que la gauche a toujours considérée comme de droite: la rigueur des comptes publics d’abord et maintenant la «compétitivité».

En termes plus économiques, il doit renoncer à son keynésianisme atavique et il doit se convertir à mener une politique de l’offre, favorable aux entreprises. C’est aux yeux de la gauche française un double renoncement.

Terrible dilemme pour François Hollande. Le désarroi total qui est visible au gouvernement sur la conduite des affaires aujourd’hui, s’explique: les socialistes étaient complètement impréparés à gouverner, illusionnés par un faux diagnostic de la France, faux car porté par l’idéologie: le capitalisme ne favorise plus que les riches, Sarkozy est leur valet, il suffit de virer Sarkozy et de taxer un grand coup ces riches et ces grandes entreprises.

Peu à peu, les esprits s’éveillent à la dure réalité de la situation française, bien différente et autrement complexe. Comme le dit calmement Louis Gallois, l’allègement du coût du travail par le basculement de 30 milliards d’euros est «incontournable». Un mot qui est une gifle: la gauche doit en venir à une politique de l’offre, si elle veut «redresser» vraiment l’industrie française. 

Le diagnostic porté par l’ancien patron de la Snecma, de la SNCF et d’EADS est direct: la racine du mal, ce sont les marges insuffisantes.

La marge à la racine

Les socialistes qui clament que ce n’est pas le coût du travail qui est en faute mais «le manque de recherche» ou «le positionnement moyenne gamme», sont renvoyés à leur ignorance des usines réelles: sans marge, un industriel est paralysé, il ne peut pas financer une recherche, embaucher un technicien, investir dans des circuits commerciaux, il est condamné à serrer partout et, à son corps défendant, à descendre en gamme. Prétendre le contraire est de l’idéologie, du rêve ou du mensonge.

On entend l’autre objection: si les actionnaires pompaient moins de dividendes, les entreprises conserveraient de quoi investir. Ce n’est pas entièrement faux mais ne change pas ni la nature ni l’ampleur du problème. La répartition de la valeur ajoutée entre capital et travail n’a pas changé tant que ça et est «plutôt stable» comme l’a démontré le rapport Cotis.

En outre, la question des dividendes concerne les grandes entreprises cotées et pas les PMI, celles qui souffrent le plus, celles qui n’arrivent pas à grossir.

Donc il faut rétablir les marges! C’est simple et c’est «incontournable». Voilà la seule voie pour relancer ce qui manque à l’industrie depuis dix ans: investir! investir! investir! Nous sommes bien dans la politique de l’offre.

François Hollande avait anticipé les difficultés concernant les déficits budgétaires. Il s’était bien gardé de faire des promesses trop coûteuses, il a fait le minimum de ce qu’un candidat de gauche devait faire pour être élu.

Surveillée par les marchés financiers, la France n’a pas le choix que d’aller vers l’austérité. Le gouvernement y va. Mais il n’y va qu’à reculons, ce n’est pas dans la tradition de la gauche que de ne pas dépenser. Il n’y va encore qu’insuffisamment puisqu’il maintient un objectif de croissance artificiellement élevé pour s’éviter de franches coupes dans les crédits des ministères, des régions et de la sécu.

Les choix à venir

L’aile gauche hurle, menace de fronde au parlement, la partie n’est déjà pas facile pour le Président. Il joue sur la «rigueur juste» pour avancer. Mais cela ne suffira pas. Il devra, sans doute au début du printemps, se résoudre à réviser son budget franchement à la baisse et faire des choix drastiques de priorités dans les missions de l’Etat. Ce sera douloureux. Ce sera sa seconde heure de vérité.

La première heure de vérité arrive maintenant avec le rapport Gallois. Dans cette voie-là, le premier problème à résoudre est d’ordre conjoncturel. Le gouvernement peut craindre qu’une hausse de la CSG pénalise les ménages et brime leur consommation, le seul moteur de la croissance. Cette question est réelle. Gallois argumente que cet effet de pénalisation est surestimé. La consommation est résiliente.

Je pense qu’il a raison même s’il faut le dire avec prudence. Mais ce qui emporte la conviction d’avancer vers la politique de l’offre est que si le gouvernement ne commence pas maintenant, il ne commencera jamais. Attendre que la croissance soit de retour pour hausser la CSG est renvoyer cette hausse à la Saint Glin-Glin. Les réformes s’engagent en début de quinquennat.

Le deuxième problème à résoudre est idéologique. La gauche ne peut pas mener une politique qu’elle considère comme de droite. Elle ne peut sûrement pas la mener bien. Comment en sortir? C’est tout le sujet de la conversion à la social-démocratie des socialistes français. La rigueur peut être de gauche, au delà de sa «justesse». L’offre peut être de gauche pour peu qu’on comprenne que l’investissement doit primer sur la consommation.

François Hollande avait bien fait de faire de la jeunesse, la priorité de son mandat. Voilà que les difficultés lui apportent les moyens de mener deux grandes politiques en faveur des jeunes: préparer l’Etat maigre du XXIe siècle et investir dans les emplois qualifiés de demain. La vraie gauche en somme.

Eric Le Boucher

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