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Le who's who de la prochaine direction chinoise: certitudes, probabilités et hypothèses (2/2)

Dix noms, qui, par leur parcours, peuvent prétendre accéder au sommet du pouvoir chinois. Il peut bien entendu y avoir des surprises mais les candidats totalement inattendus sont rares dans le système.

Xi Jinping, le futur numéro 1 chinois, lors d'une visite à Dublin en février 2012/ REUTERS/David Moir
Xi Jinping, le futur numéro 1 chinois, lors d'une visite à Dublin en février 2012/ REUTERS/David Moir

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Nous avions déjà retracé les parcours des dirigeants sortants. Au tour, aujourdhui, des 10 noms, qui, par leur parcours, peuvent prétendre accéder au sommet du pouvoir chinois. Il peut bien entendu y avoir des surprises mais les candidats totalement inattendus sont rares dans le système politique chinois. La composition exacte du nouveau Comité permanent sera annoncée vers le 14 novembre, à la fin du XVIIIe Congrès.

Puis, le lendemain de la clôture des travaux, les 9 ou 7 «empereurs» se présenteront face aux caméras et aux flashes des photographes de la presse chinoise et internationale. On apprendra un peu plus tard quelles sont les affectations de chacun dans cette institution au fonctionnement très collectif.

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Xi Jinping prochain dirigeant du Parti puis de l’Etat

Son parcours est tracé pour les mois qui viennent: en novembre 2012, au XVIIIe Congrès, il passe de numéro 6 à numéro 1 du Comité permanent et devient ainsi Secrétaire général du Parti en remplacement de Hu Jintao. Mais celui-ci demeure Président de la République pendant quatre mois. Xi Jinping prendra cette fonction lors de la réunion de l’Assemblée nationale populaire en mars 2013.

Hu Jintao va-t-il se maintenir à la tête de la Commission militaire du parti? De 2002 à 2005, son prédécesseur Jiang Zemin avait gardé une autorité sur lui en s’appuyant sur la présidence de cette puissante institution. Hu Jintao va-t-il faire de même avec son successeur?

L’autonomie de Xi Jinping apparaitra dans ses premiers discours de secrétaire général, peut-être même dès le Congrès. Plusieurs centres d’études du Parti planchaient cet été sur des thèmes comme l’amélioration de l’Etat de droit ou la réforme de la politique de l’enfant unique. Si Xi Jinping est amené à parler de tels sujets, ce sera qu’il se sent suffisamment fort pour amener des nouveautés dans le débat public chinois. Est-ce pour avoir les mains plus libres qu’il a fait pression en septembre en disparaissant de la scène publique pendant deux semaines?

Li Keqiang, prochain gestionnaire en chef

Tout comme Xi Jinping, son rôle prochain est fixé. Au Congrès, il quitte la septième place du Comité permanent et remplace Wen Jiabao en tant que numéro 3. Mais ce dernier ne lui laisse son poste de Premier ministre qu’en mars 2013, lors de l’Assemblée nationale populaire.

A priori, Li Keqiang a pour mission d’assurer une continuité avec la gestion de Hu Jintao et de Wen Jiabao qui ont une visible confiance en lui. Mais aux fonctions qu’il va désormais occuper, il a une obligation de résultats. L’opinion attend un maintien de la croissance économique au dessus de 7% par an aussi bien que des gestes forts contre la corruption. Dans le monde de l’économie, beaucoup espèrent que ce diplômé de l’Université de Droit de Beida sera plus attentif que d’autres à remettre de l’ordre dans l’application chaotique des règlements et des contrats.

A l’international, les dirigeants de pays européens qui ont récemment rencontré Li Keqiang à Pékin ont noté combien il s’intéresse au soutien de l’euro et relativise les propos de financiers anglo-saxons répétant que la monnaie commune va s’effondrer.

Un argument très négatif peut être utilisé contre ce gestionnaire souriant: il y a douze ans, lorsqu’il était gouverneur du Henan, il a sans succès cherché à étouffer un scandale de dons du sang contaminés par le sida.

Wang Qishang, économie et politique

Né en 1948 dans le Shandong. A 20 ans, il est envoyé cultiver la terre du côté de Yan’an, là où Mao et ses troupes avaient trouvé refuge au terme de la Longue Marche. Il parvient à devenir un des administrateurs des Musées de la région et passe un diplôme d’Histoire à l’Université de Xi’an en 1976. Trois ans après, à Pékin, il est chercheur à l’Académie des Sciences sociale et entre au Parti. Il épouse la fille de Yao Yilin, haut dignitaire de la frange conservatrice du Comité permanent.

Wang Qishen s’engage alors dans les métiers de la finance. A la Banque de Chine puis à la Banque de la Construction dont il devient gouverneur en 1997. Il est suffisamment remarqué pour être nommé Secrétaire général de la province insulaire de Hainan. En 2003, il est rappelé pour remplacer le maire de Pékin qui a commis la maladresse de cacher la réalité de l’épidémie de Sras. 

Depuis 2007, Wang Qishen est au bureau politique et s’occupe d’économie en tant que vice-Premier ministre. C’est un homme affable qui peut être ferme. En octobre 2011, recevant à Pékin Alain Juppé, il recommande vivement à la France de faire un effort pour réduire ses déficits. «Nous avons nos difficultés, vous avez les vôtres. Nous n’avons pas de leçons à recevoir de la Chine», réplique celui qui est alors Ministre des Affaires étrangères. En revanche, en juin 2012 au sommet du G20 à Los Cabos, Pierre Moscovici se félicite de «la qualité du dialogue» qu’il a eue sur les questions économiques avec Wang Qisheng. Lorsqu’il rencontre un connaisseur des questions chinoises, le ministre français de l’Economie demande s’il se confirme que ce dirigeant chinois a une chance d’entrer au Comité permanent. Généralement, la réponse est oui.

Li Yuanchao, organisation et consensus

Né en 1950 dans le Jiangsu. Révolution culturelle oblige, il part à la campagne à 18 ans. Ce n’est que six ans plus tard qu’il entame des études de mathématiques à Shanghai qui l’amènent à enseigner cette matière dans des lycées de la région. Entré au Parti communiste en 1978, il prend des responsabilités à la ligue de la jeunesse, où Hu Jintao le remarque.

Bien plus tard, en 1990, il passe un diplôme de gestion des entreprises à l’Université de Pékin. Et plus surprenant, en 2002, après avoir dirigé le Parti à Nankin, il fait un stage d’administration publique à Harvard. Il enchaine comme Secrétaire Général de sa province natale, le Jiangsu.

La montée hiérarchique de Li Yuanchao , appuyée par Hu Jintao, le conduit en 2007 au Bureau politique en charge de présider la commission d’organisation du Parti. Toute les fiches de renseignements sur les cadres communistes sont établies par ses services, toutes les affectations et promotions sont examinées par lui. A ce poste, il a réussi à se bâtir une réputation d’homme de consensus!

Il lui est d’ailleurs arrivé d’affirmer «qu’aucun système ne peut remplacer en Chine le parti unique». Mais aussi de confier à des diplomates américains qu’il était envisageable que les membres du comité permanent soient «élus par le peuple… dans une trentaine d’année».

Li Yuanchao pourrait prendre la tête de la commission de discipline s’il entre au Comité permanent. Son principal handicap: les vétérans du Parti lui reprochent de ne pas avoir suffisamment surveillé l’honnêteté des cadres qu’il recommandait.

Zhang Dejiang, l’après Bo Xilai à Chongqing

Né en 1946 dans le Liaoning. Dans les années 70, après son séjour obligé à la campagne effectué non loin de la frontière russe, il entre au Parti et apprend le coréen. Grâce à quoi, il va étudier l’économie à l’Université Kim Il Sung de Pyongyang. Revenu à Pékin, il travaille au ministère des Affaires civiles avant d’obtenir un rapide avancement comme Secrétaire général de provinces. Il occupe ce poste au Jilin (où il se fait remarquer en organisant en1995 un voyage  de Jiang Zemin en Corée du Nord voisine), puis dans le Zhejiang et enfin de 2002 à 2007 dans la province de Canton.

Zhang Dejiang n’a pas une réputation de souplesse. Mais en 2002, en quittant ses fonctions de numéro 1du PC, Jiang Zemin le fait nommer au Bureau politique. En mars 2012, il est directeur de la Commission de sécurité de la production lorsqu’il lui est demandé de prendre le poste de Secrétaire général de la mégapole de Chongqing en remplacement de Bo Xilai.

Cette dernière affectation peut être un tremplin en vue d’une entrée au Comité permanent. Il serait alors le dernier représentant identifié comme tel de l’ancien numéro 1 Jiang Zemin. A moins qu’au contraire, le Parti demande à Zhang Dejiang de continuer à montrer ses talents de reprise en main de cette ville de 30 millions d’habitants où il vient d’être affecté.

Wang Yang, audaces et ouverture

Né en 1955, dans l’Anhui. En 1975, il travaille dans une usine d’alimentation et devient communiste. Ceci lui permet de faire des études d’économie à l’école centrale du Parti. Il les complétera vers la quarantaine en suivant par correspondance une formation d’ingénieur.

Sa carrière politique commence dans le secteur de la propagande de la Ligue de la jeunesse de l’Anhui, province d’où est originaire Hu Jintao. En 1988, il est maire de Tongling et Deng Xiaoping, lors d’une tournée d’inspection, dit de lui: «c’est un exceptionnel talent»! Ce qui l’a évidement beaucoup aidé pour la suite.

A Pékin, à 44 ans, il est vice-ministre de la Commission nationale pour la réforme et le développement (NRDC), puis de 2005 à 2007, secrétaire général de Chongqing. Où Bo Xilai lui succède en 2007 en contestant nombre de ses réalisations.

Wang Yang est alors à la tête de la province industrielle de Canton et sa gestion est à l’opposé des rappels maoïstes de Bo Xilai. Face à des mouvements de grèves, il encourage le dialogue. Lors d’une contestation violente dans le village de Wukan, il laisse se faire des élections. Conscient que le modèle bas de gamme de Canton «atelier de la planète» risque de cesser d’être rentable, il incite les usines de la province à aller vers le high-tech et la demande intérieure.

L’ouverture d’esprit de Wang Yang s’accompagne curieusement d’une apparence nettement autoritaire. Sa venue au Comité permanent –où il serait le plus jeune— serait un soutien fort pour les partisans des réformes. Les conservateurs sont-ils en mesure de la bloquer? 

Yu Zhengsheng, méthode et diversité familiale

Né en 1945 dans la province du Zhejiang dans une famille aristocratique. Après des études spécialisées en guidage de missiles balistiques, il travaille dans une fabrique de radios. Dans les années 80, il dirige le Département microélectronique du ministère de l’Industrie. Montant dans le Parti, il est successivement secrétaire général de la ville portuaire de Qingdao, ministre de la construction (1997-2001) et  secrétaire général de la province du Hubei. Nommé au bureau politique en 2002, il est depuis 2007 numéro 1 du PC à Shanghai et veut faire de cette ville la capitale économique de l’Asie.

Politiquement, la famille de Yu Zhengsheng est étonnamment diverse. Un de ses cousins était à Taiwan, le gendre de Chiang Kai-shek. Son père, Yu Qiwei, communiste de la première heure, avait été le second mari de Jiang Qing avant qu’elle ne le quitte pour épouser Mao Zedong et qu’elle ne devienne trente ans plus tard la «Madame Mao» de la bande des quatre.

Le frère de Yu Zhengsheng qui dirigeait le bureau de la Sécurité d’Etat à Pékin, a fait défection aux Etats-Unis en 1985, livrant des informations à la CIA. Il aurait été assassiné par les services secrets chinois quelque part en Amérique latine.

Rien de tout cela n’a ralenti Yu Zhengsheng, réputé habile gestionnaire. Dans les années 80, il aide à développer le fond de soutien aux handicapés, créé par le fils de Deng Xiaoping. Il a été ministre sous l’autorité de Jiang Zemin. On lui connait des déclarations récentes en faveur de l’harmonie sociale, thème cher à Hu Jintao.

Pour Yu Zhengsheng, entrer au Comité permanent apparait comme l’achèvement d’une carrière méthodiquement menée.

 Zhang Gaoli, trajectoire sans aspérité

Né en 1946 dans le Fujian il fait des études de statisticien avant de travailler, de 1970 à 1985, dans le bureau de la planification du groupe pétrolier Maoming à Canton. De là, il passe au poste de gouverneur de la ville. Il enchaine à partir de 1997 les fonctions de Secrétaire général du Parti dans la ville de Shenzhen puis dans la Province du Shandong. Il est depuis 2007au Bureau politique et à la tête de l’importante municipalité autonome de Tianjin.

Zhang Gaoli a tout du haut-fonctionnaire consciencieux et discret. Partout où il a eu des responsabilités, il a cherché à illustrer au mieux les directives du parti. Sa gestion était économiquement libérale sous Jiang Zemin : à Shenzhen, il a appelé des hommes d’affaires à s’inscrire au Parti, comme le préconisait Pékin. A Tianjin, plus récemment, il a davantage insisté sur le social en accord avec les demandes du Premier ministre Wen Jiabao.

Les hommes politiques ou les industriels français qui ont été reçus par Zhang Gaoli à Tianjin (où se trouve notamment l’usine d’assemblage d’Airbus A 320) sont unanimes : il est poli et ses exposés sont bien préparés. Ce profil d’efficacité sans vague a de quoi séduire dans les hautes sphères du pouvoir chinois. Les possibilités pour Zhang Gaoli d’entrer au Comité permanent ne devraient pas rencontrer d’opposition frontale. Mais en cas de choix difficiles entre plusieurs candidats, il n’aura peut-être pas de défenseurs acharnés.

Les Outsiders

Liu Yandong, consensuelle et femme

Née en 1945 dans le Jiangsu, elle est chimiste de formation et commence à travailler dans des usines où elle a aussi un rôle de commissaire politique. Dans les années 80, après un passage au département de l’organisation de la ville de Pékin, elle est vice-présidente de la ligue de la Jeunesse. Le Président était alors Hu Jintao.

Sa carrière s’oriente en 1991 vers le département du Front uni dont huit ans plus tard, elle prend la direction jusqu’en 2007. Le Front uni dépend du Comité central. Historiquement, le Parti communiste l’a créé pour se rapprocher des nationalistes lors de la lutte commune conte les envahisseurs japonais. Depuis 1949, il sert à contrôler toutes les organisations non communistes qui peuvent avoir une influence en Chine. Un bureau du Front Uni s’occupe par exemple des moines tibétains. Un autre est chargé de surveiller les catholiques chinois, officiels ou clandestins.

Depuis 2007, Liu Yandong est la seule femme parmi les 25 membres du bureau politique. Avec doigté, elle a su s’attirer la sympathie des proches de Jiang Zemin tout en restant proche de Hu Jintao. Une femme au Comité permanent renouvèlerait évidement l’image de l’institution. Mais Liu Yandong aura 67 ans en novembre, pendant le Congrès du Parti. Or, c’est l’âge auquel il n’est plus possible d’entrer au Comité permanent. Ce règlement peut-il être assoupli à quelques jours près? Il a été adopté à une époque où personne n’imaginait qu’en 2012 le Congrès n’aurait pas lieu en octobre comme d’habitude.

Liu Yunshan

Né en 1947 dans le Shanxi. Après son séjour forcé à la campagne sous la Révolution culturelle, il devient instituteur dans un village de Mongolie intérieure puis journaliste à l’Agence «Chine nouvelle» tout en grimpant dans la bureaucratie de la Ligue de la jeunesse, où il rencontre Hu Jintao.

En 1987, il est directeur de la propagande en Mongolie intérieure. Il poursuit dans la même spécialité à partir de 1997 à Pékin où il entre au bureau politique. En 2002, il dirige le département de la propagande du Parti, supervisé au Comité permanent par Li Changchun. Li Yunzhan peut-il prendre la place de ce dernier parmi les neuf nouveaux membres? Si l’objectif de la nouvelle direction est de renforcer le travail idéologique et le contrôle des médias, il peut mettre en avant ses idées en la matière.

En mars dernier, dans la revue «Danjiang» (ce qui signifie «le Parti en construction»), Li Yunzhan dénonçait «les forces hostiles dans le monde qui ont intensifié leurs infiltrations dans notre idéologie en changeant constamment leurs tactiques». Au fil des années, il essaie de s’adapter à un contrôle des médias techniquement moins facile avec le développement d’Internet. 

En théorie, ses chances d’accéder à l’organe suprême du pouvoir chinois sont réduites si finalement celui-ci ne comporte que 7 membres. Mais il peut profiter d’un blocage qui barrerait un autre candidat.

Richard Arzt

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