France

Fédérations sportives: des présidents trop vieux, trop longtemps

La saison des élections des présidents de fédérations sportives françaises s'ouvre bientôt. Aucune limite d'âge ni de nombre de mandats n'encadre ces scrutins opaques.

Noël Le Graët et Jean-Pierre Escalettes, le nouveau et l'ancien patron de la FFF, à Paris le 18 décembre 2009, REUTERS/Charles Platiau
Noël Le Graët et Jean-Pierre Escalettes, le nouveau et l'ancien patron de la FFF, à Paris le 18 décembre 2009, REUTERS/Charles Platiau

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C'est l’un des rituels du sport français. Quelques semaines après la fin des Jeux olympiques, les fédérations des différentes disciplines procèdent à leurs élections internes et à celles de leur président. Cet exercice démocratique commence traditionnellement par les ligues régionales et se termine par la mise en place d’un nouvel exécutif lors d’une assemblée générale.

Cet automne et cet hiver, les scrutins vont donc se succéder. Quelques-uns seront médiatiquement plus suivis que d’autres en raison de la taille de la fédération, comme le rugby (8 décembre), le football (15 décembre) ou le tennis (18 février), ou à cause de duels annoncés comme l’ escrime (16 mars) en crise depuis le fiasco de Londres ou le judo (10 novembre) où Jean-Luc Rougé, l’actuel «tenant du titre», se retrouve contesté par un autre ancien champion du monde, Stéphane Traineau.

Ce long processus démocratique aboutira, le 23 mai 2013, à l’élection du président du Comité national olympique et sportif français (CNOSF). En poste depuis 2009, Denis Masseglia devrait être candidat à sa propre succession sachant que Bernard Amsalem, qui vise dans quelques jours un quatrième mandat consécutif à la tête de la Fédération française d’athlétisme, a d’ores et déjà indiqué qu’il comptait briguer la fonction.

Actuellement, chaque président de fédération est élu pour quatre ans sans limite au nombre de mandats qu’il peut effectuer. Francis Luyce, 65 ans, président de la triomphante Fédération française de natation, est assuré d’entamer, début décembre, un 6e mandat consécutif à la tête de son institution -il est en place depuis 1993. Aucun âge butoir n’est fixé non plus. Noël Le Graët (football) et Jean Gachassin (tennis), 70 ans au compteur, devraient ainsi rempiler pour quatre nouvelles années et plus si affinités.

Une limite à 70 ans?

En mars dernier, pourtant, le conseil d’administration du CNOSF avait préconisé que les présidents de fédérations soient éligibles sur la base d’une limitation d’âge à 70 ans sur le modèle de ce qui se fait au CNOSF. Mais cette recommandation n’a pas été retenue par ceux qui n’ont pas forcément envie d’abandonner les rênes du pouvoir et les avantages qui vont avec.

En 2008, Bernard Laporte, alors secrétaire d’Etat aux Sports, avait tenté de son côté d’imposer une limitation à deux mandats de présidence comme c’est le cas désormais à l’Elysée avec l’impossibilité pour un président de la République d’être réélu deux fois de suite. Face à l’opposition du monde sportif, Bernard Laporte avait dû rétropédaler et ses successeurs ont depuis soigneusement évité ce sujet qui fâche.

Plus récemment, toutefois, le CNOSF a bien essayé de faire passer l’idée d’une limitation à trois mandats, mais n’a pas été suivi par son conseil d’administration. Le problème demeure en suspens et il reste à Valérie Fourneyron, ministre des Sports, d’avoir le courage de trancher définitivement la tête de ce vieux serpent de mer du sport français.

En soi, l’âge n’est pas un problème. On peut être vieux à 50 ans et jeune à 70. Mais il est une donnée non négligeable à l’heure où les présidents de fédération peuvent se retrouver déconnectés des mœurs des jeunes générations. Ce décalage a été souligné de manière cruelle à la Fédération française de football où Jean-Pierre Escalettes, son président alors âgé de 75 ans lors des événements de Knysna en pleine Coupe du monde en Afrique du Sud, semblait complètement perdu et dépassé face à ces joueurs qui ne parlaient pas le même langage que lui.

Limitation des mandats et mode de scrutin

En vérité, le seul véritable écueil demeure le nombre des mandats avec l’installation de véritables systèmes pérennisés par des modes électoraux souvent trop favorables pour les hommes en place. Le CNOSF, toujours lui, a d’ailleurs fait une autre préconisation sous la conduite de David Lappartient, le très jeune président de la Fédération française de cyclisme (il a 39 ans), en proposant l’élargissement de la base électorale pour les élections fédérales, ainsi que la clarification des modes de scrutin afin de sortir d’une certaine opacité qui renforce souvent les sortants.

Régner longtemps sur une fédération n’est pas un souci en soi si le président en question est bon et visionnaire. Mais s’il est médiocre, clanique et clientéliste, cela est davantage préjudiciable.

Après la présidence féconde de Philippe Chatrier de 1973 à 1993, la Fédération française de tennis a été ainsi dirigée de 1993 à 2009 par le très contestable et contesté Christian Bîmes, qui serait toujours en place si des affaires judiciaires ne l’avaient pas amené à devoir renoncer à un cinquième mandat. On peut s’étonner aussi que Didier Gailhaguet ait pu se représenter (et être réélu) de la Fédération française des sports de glace malgré le tintamarre de ses casseroles.

Le problème du bénévolat

En réalité, les présidents des fédérations sportives ont un problème de statut en France. Bénévoles, face à des tâches de plus en plus prenantes et stressantes, ils ne reçoivent pas, pour la plupart, de rémunérations pendant le temps de leur mandat, contrairement aux politiques. Une enquête récente menée par le CNOSF auprès de 57 fédérations sportives avait montré que 31 seulement prévoyaient une rémunération de leurs dirigeants dans leurs statuts, et, parmi celles-ci, 11 rémunéraient effectivement leur président.

Pour les autres, cette rémunération était soit expressément soit implicitement interdite par les statuts. Si bien que les présidents de fédération ont presque toujours été jusqu’ici des hommes en fin de carrière professionnelle, ayant déjà assuré leurs arrières financiers en vue de leur retraite.

C’est ce statut qui doit changer dans un univers sportif de plus en plus professionnalisé et médiatisé, avec une vraie réforme en matière de parité puisque les femmes ne sont à la tête d’aucune fédération importante en France. Le nombre de femmes présidentes de fédération, très faible, a stagné voire même régressé: les statistiques de la direction des sports étaient de 11 femmes pour 115 présidences de fédération en 2009 et de 5 pour 121 au 1er septembre 2010.

Là encore, le CNOSF propose une modification du code du sport  «aux fins que la représentation du sexe minoritaire (par rapport aux licenciés de la fédération) soit garantie proportionnellement jusqu’à la parité ou avec un pourcentage minimum qui pourrait se situer autour de 20%.» Pour les femmes, ce n’est pas un toilettage démocratique qui est nécessaire, mais bien une révolution…

Yannick Cochennec

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