Temps de lecture: 11 minutes
Les 80 millions d’adhérents du PC chinois (PCC) sont formellement représentés par les quelques 200 membres du Comité central. Ceux-ci élisent un Bureau politique de 25 délégués dont 9 forment le Comité permanent. Les «Neuf empereurs» qui composent cette institution incarnent la réalité du pouvoir chinois.
Dans ce processus de succession qui se déroulera au cours du XVIIIe à partir du 8 novembre, les sept qui partent veulent garder une influence sur ceux qui arrivent. Pour se préserver de toute attaque contre ce qu’a été leur gestion et pour continuer à peser sur les décisions du Parti.
Depuis les années Deng Xiaoping, ces empereurs fonctionnent de façon largement collective et, en cas de désaccord, votent sur une question d’actualité. Des pressions peuvent venir du Comité central ou du Bureau politique relayant les demandes d’une province ou d’un secteur de l’économie.
Les membres du Comité permanent qui sortent en 2012 représentaient la 4e génération de dirigeants chinois. La 1re était celle de Mao, la seconde celle de Deng Xiaoping et la 3e était autour de Jiang Zemin. Les neuf titulaires du comité en fonction jusqu’au XVIIIe congrès du Parti ont dû se mettre d’accord à l’unanimité sur la liste des candidats de la 5e génération.
Cette liste commence à être préparée plusieurs années à l’avance. Les suggestions venues du Comité permanent sont bien sûr prioritaires. Mais le département de l’organisation du Comité central propose au départ plus de noms que nécessaire. Ils sont soumis pour avis aux membres des principales instances du Parti: Comité central, commission de discipline, dirigeants de l’Assemblée Nationale Populaire, etc. Un candidat peut être bloqué par une objection grave exprimée à son propos.
Les noms finalement retenus sont soumis au Comité permanent et chacun des neuf peut alors exprimer ses préférences jusqu’à ce qu’un consensus soit obtenu. Aucun candidat ne peut avoir de plus de 67 ans. Le mandat est de cinq ans et ne peut être reconduit qu’une seule fois.
Sur ces neuf hauts dirigeants, seuls Xi Jin Ping et Li Keqiang, choisis il y a cinq ans, restent membres de l’organe suprême du pouvoir. Le premier pour devenir Secrétaire général du Parti et président de la République en 2013; le second pour devenir numéro 3 du Parti et Premier ministre l’an prochain. Hu Jintao se serait battu pour que le prochain comité permanent ne compte plus que 7 membres. Mais il est aussi possible que Xi Jinping ait réussit à maintenir le Comité inchangé à 9.
Les dirigeants qui quittent le Comité permanent sont tous ingénieurs de formation. Une plus grande diversité devrait apparaitre chez les suivants, pour l’instant inconnus. Mais le système est fait pour assurer une continuité politique. Les possibilités de se démarquer de la gestion précédente dépendront du poids des équipes Hu Jintao qui ont géré la Chine dans les années 2000. Et les entourages de Jiang Zemin qui gouvernaient dans les années 90 ne tiennent pas à se laisser oublier!
Membres du Comité permanent 2007 – 2012, par ordre hiérarchique:
N°1Hu Jintao, dix années comme secrétaire général
Né dans la province de l’Anhui en 1942, il a fait oublier qu’il vient d’une famille de riches marchands de thé. Ses études à Pékin en hydro-électricité l’amènent à travailler au Gansu, une province démunie. Après la Révolution culturelle, il réussit à rentrer à l’école du Parti de Pékin puis à prendre la tête en 1982 de la ligue de la Jeunesse communiste.
Sept ans après, devenu secrétaire général du PC au Tibet, il fait réprimer dans le sang une révolte antichinoise. Deng Xiaoping, l’homme fort du régime le remarque, le propulse au Comité permanent en 1992 et décrète qu’après Jiang Zemin, Hu Jintao sera «le noyau de la 4e génération de dirigeants chinois». Deng meurt en 1997, Hu Jintao reste d’une extrême prudence pendant dix ans et Jiang Zemin ne parvient pas à déstabiliser ce successeur désigné.
Devenu donc Secrétaire du Parti en 2002, Hu Jintao accentue son autorité en se tenant très droit et en forçant sa voix. Il éloigne peu à peu les proches de Jiang Zemin qui l’encadrent. En 2003, il autorise, contrairement aux habitudes du Parti, la publication de chiffres sur la réalité de l’épidémie de pneumonie atypique (le Sars). En économie, il accompagne les ouvertures libérales des années 90 de projets d’assurances sociales.
En 2010 à Pékin, Nicolas Sarkozy lui demande quelles sont ses principales préoccupations. Hu Jintao répond: «1/ l’accroissement des inégalités et 2/ les atteintes à l’environnement». L’objectif affiché du numéro 1 sortant a été d’aller vers «une société harmonieuse».
Question: Quelle influence gardera Hu Jintao sur l’équipe dirigeante mise en place au XVIIIe Congrès?
***
N°2 Wu Bangguo : le conservateur à l’Assemblée
Né en 1941 dans la province de l’Anhui, il a fait des études à Pékin d’ingénieur radio et électronique. Sa carrière de technicien et de cadre communiste commence dans des usines de tubes électroniques à Shanghai. Entre 1985 et 1989, il est adjoint du secrétaire général de la ville, Jiang Zemin. Lorsque celui-ci prend la tête du Parti communiste chinois, c’est Wu Bangguo qui lui succède à Shanghai. En 1994, Jiang Zemin l’appelle à Pékin pour faire de lui un membre du Bureau politique et un vice Premier ministre en charge notamment de la réforme des entreprises d’Etat.
En 2002, toujours avec le soutien de Jiang Zemin, Wu Bangguo entre au Comité permanent au rang de numéro 2. Sa fonction: présider l’Assemblée Nationale Populaire, institution non négligeable forte de près de 3.000 députés. Outre sa fidélité à Jiang Zemin, Wu Bangguo est un tenant constant d’une ligne politique conservatrice.
Dans son discours d’ouverture de la session de l’Assemblée Nationale populaire en mars 2011, il lance «jamais la Chine n’aura un système avec séparation des pouvoirs et d’indépendance de la justice». Un point de vue qu’il avait expliqué en 2010 à Bernard Accoyer qui le recevait sur les bords du lac d’Annecy: «c’est à chaque pays de définir son système politique d’après son histoire et ses traditions. Le système politique n’est pas une marchandise à importer ou exporter!».
Question: Y aura-t-il dans le prochain Comité permanent, un conservateur aussi déclaré?
***
N°3 Wen Jiabao, un Premier ministre populaire
Né en 1942 à Tianjin. Géologue de formation, il exerce d’abord ce métier dans de lointaines provinces. Militant communiste actif, il devient vice ministre des ressources minières au milieu des années 80. Il entre ensuite dans les services administratifs du Comité central. En 1989, il fait partie du cabinet du 1er ministre libéral Zhao Zeyang, qui sera limogé pour avoir sympathisé avec l’occupation étudiante de la place Tian’anmen. Signe de souplesse politique, Wen Jiabao parvient à faire oublier sa proximité avec Zhao Zeyang. Il continue sa progression dans les instances du parti et entre au Comité permanent en 1998. En 2002, il devient premier ministre, poste qu’il occupera jusqu’en mars 2013.
Wen Jiabao est tellement atypique parmi les hommes politiques chinois qu’il en est devenu populaire. Il parle un langage simple, se présente en gestionnaire méticuleux et sait exprimer sa compassion quand il se rend sur les lieux d’une catastrophe. De plus, il est le seul à avoir dit que «sans réforme du système politique, les avancées de la réforme économique ne seront pas garanties».
En mars 2011, devant des journalistes, Wen Jiabao donne l’exemple des élections autorisées dans certains villages chinois: «Si le peuple est capable d'administrer un village, alors il peut administrer les affaires d'un district. Donc nous devons encourager le peuple à poursuivre avec audace sur cette voie en lui permettant de se rôder».
Question : les prochaines équipes au pouvoir reprendront-elles les positions de Wen Jiabao en faveur de réformes politiques?
***
N°4 Jia Qinglin, fidèle au précédent Secrétaire général
Né en 1940 dans la province du Hebei où il a fait des études d’ingénieur électricien. Entre 1985 et 1996, il prend des responsabilités croissantes dans le Fujian. C’est l’époque où la contrebande se développe dans cette province qui fait face à Taiwan et où de nombreux cadres du Parti sont compromis. Jia Qinlin divorce de sa femme, condamnée dans une affaire de trafic illégal.
N’étant pas directement mis en cause, il est nommé à Pékin et contribue à la chute du maire, Chen Xitong, accusé de corruption. Il est dès lors remarqué par Jiang Zemin, le Secrétaire général du Parti, avec lequel il joue régulièrement au golf.
Maire de Pékin en 1997, Jia Qinlin entre au Comité permanent en 2002. Il préside alors le Comité consultatif du Peuple chinois, la deuxième assemblée chinoise dans laquelle débattent des personnalités de la société civiles, non exclusivement communistes. Cet aréopage qui s’apparente à un Conseil économique et social est valorisé par l’appartenance de son Président au Comité permanent du Parti.
Politiquement, cet homme au visage impassible exprime surtout les positions de l’entourage de Jiang Zemin dont il est resté proche. Il semble aussi être en charge du dossier des relations avec Taiwan.
Question: celui qui remplacera Jia Qinlin en numéro 4 sera-t-il un fidèle de Jiang Zemin ou de Hu Jintao?
***
N°5 Li Changchun, l’homme de la propagande
Li Changchun, né en Mandchourie en 1944, a une formation en technique de l’automation. Il entre jeune au Parti communiste et grimpe les échelons du pouvoir dans diverses provinces. Il est nommé au Comité central en 1987 et au Bureau politique dix ans plus tard. Dans les années 90, il est chargé de remettre de l’ordre dans la province de Canton qui avait tendance à se développer sans tenir compte des directives de Pékin. Cette ascension sans accroc l’amène au comité permanent en 2002. Rien dans la carrière de cet apparatchik ne le destinait à gérer la propagande du régime. C’est pourtant ce secteur dont il est chargé à partir du XVIIe congrès en 2007.
Li Changchun arbore une bonhommie trompeuse. Lors du tremblement de terre au Sichuan en 2008, les équipes de télévisions chinoises ont pendant quelques jours librement montré la souffrance des rescapés et souligné que nombre de bâtiments récents écroulés n’avaient pas été construits aux normes antisismiques. Li Changchun est venu en personne à la Télévision centrale dire aux directeurs de rédactions: «vous arrêtez de montrer les victimes ! Nous voulons voir les soldats de l’Armée Populaire de Libération en train d’organiser les secours!».
Question: est-ce encore un membre du Comité Permanent qui va gérer le Département de la propagande? Ou bien cette activité sera-t-elle plus simplement laissée à l’administration du Parti?
***
N°6 Xi Jinping, secrétaire général pour 2012-2022
Né en 1953 dans le Shaanxi et «fils de prince». Son père Xi Zhongxun était parmi les fondateurs de la République populaire de Chine, aux côtés de Mao Zedong. Devenu ministre il est écarté peu avant la Révolution culturelle, tandis que le jeune Xi Jinping est envoyé travailler la terre. A la fin des années 70, il reprend des études de chimie puis de droit. Tout en assurant le secrétariat particulier du ministre de la Défense.
A partir de 1985 avec l’aide de son père devenu conseiller de Deng Xiaoping, Xi Jinping apprend la gestion administrative et politique en province. Dans les années 2000, il est successivement secrétaire du parti du Fujian, du Zhejiang et enfin de la ville de Shanghai. Cette dernière affectation en 2007 facilite son entrée au Comité permanent, appuyée par Jiang Zemin.
Xi Jinping n’était sans doute pas le candidat que préférait Hu Jintao pour lui succéder. Mais cet homme massif et qui semble parfaitement à l’aise a su se montrer incontournable. Le regard perçant, il est réputé habile manœuvrier et très pragmatique. Jean-Pierre Raffarin est sorti d’un entretien avec lui en 2011 en disant «j’ai déjà vu des crocodiles en politique. Xi Jinping en est un!». Le futur numéro 1 chinois est marié à Peng Liyuan, une célèbre chanteuse du répertoire patriotique. Dans l’armée, elle a rang de général mais depuis que son mari se prépare aux plus hautes fonctions elle ne donne plus de concerts.
Question: quelles priorités politiques et économiques va afficher Xi Jinping?
***
N°7 Li Keqiang, Premier ministre pour 2012-2022
Né en 1955 dans l’Anhui . Adolescent, il est envoyé à la campagne où il prend la tête d’une brigade de production agricole. Il entame sur le tard des études à Pékin: licence en droit (1982), doctorat en économie (1994). A l’université, il adhère à la ligue de la jeunesse communiste dont Hu Jintao a été le Secrétaire général dans les années 60. Li Keqiang obtient ce poste en 1993. Auparavant il a été —en 1988 au Henan— le plus jeune gouverneur de Chine. En 2004, il prend la tête du parti dans la province du Liaoning. Hu Jintao l’a sans doute envisagé comme successeur. Mais en 2007, lorsqu’il entre au Comité permanent, il est dirigé vers une future fonction de Premier ministre.
Li Keqiang est un gestionnaire ouvert sur le monde. Il a récemment permis qu’un rapport sur les perspectives de l’économie chinoise soit établi conjointement par l’administration chinoise et la Banque mondiale. En juillet 2012, une partie de son entretien avec Laurent Fabius à Pékin s’est faite en anglais. Depuis deux ans, Li Keqiang est de plus en plus associé à la gestion du gouvernement chinois. C’est ainsi que Wen Jiabao l’aide à se préparer.
Question: quel style va donner Li Keqiang à cette fonction de Premier ministre que Zhou Enlai, le grand administrateur, Zhu Ronji, l’économiste libéral et Wen Jiabao, l’attentif au peuple ont incarné de façon très différente?
***
N°8 He Guoqiang, le surveillant général
Né en 1943 dans le Hunan, il fait des études de chimie organique, commence sa carrière dans le secteur pétrolier de la province du Shandong et sera dans les années 90 vice-ministre de l’Industrie chimique. Il alterne ces fonctions techniques avec une montée en grade beaucoup plus politique. Un temps, il est gouverneur du Fujian puis secrétaire du parti de la mégapole de Chongqing. Il n’appréciera pas du tout la réorganisation de la ville par Bo Xilai et contribuera à la chute de celui-ci en mars 2012.
Car depuis qu’il est entré au Comité permanent en 2007, He Guoqiang occupe un poste clé dans le parti: il préside la commission centrale de contrôle et de discipline et dirige le Département de l'Organisation du Comité central.
Cet homme à l’abord souriant, qui dispose du soutien de Hu Jintao, fait surveiller le comportement des dirigeants à tous les échelons et contrôle le bien fondé de toute nomination ou promotion. Nul doute que le parcours de chaque candidat au prochain Comité permanent a soigneusement été examiné par He Guoqiang et ses services. L’une des préoccupation est de garantir qu’aucun des entrants ne cherchera à s’individualiser. Ce qui aurait pu être un risque avec Bo Xilai. Même avec les soutiens très différenciés dont disposent les «neuf empereurs», la marche de l’institution doit rester collective.
Question: Celui qui va remplacer He Guoqiang à ce poste de contrôle du parti sera-t-il un proche du prochain Secrétaire général Xi Jinping?
***
N°9 Zhou Yonkang, le super flic
Il est né en 1942 à Wuxi, charmante ville du Jiangsu. Ses études d’ingénieur en géophysique l’amènent à diriger des campagnes d’exploration pétrolières pour des institutions dont il est également responsable communiste. En 1985, il est vice-ministre de l’industrie pétrolière avant de prendre la tête de la corporation nationale chinoise du pétrole et du gaz (CNPC).
Après trois ans à la tête de la vaste province du Sichuan, ce personnage au visage rébarbatif oriente sa carrière vers les questions de maintien de l’ordre.
De 2003 à 2007, il est ministre de la Sécurité. Et lorsqu’il entre au Comité permanent, il prend la responsabilité des affaires politiques et administratives. Il explique que dans toute enquête, il applique le «principe des 4 célérités»: «être informé rapidement, rendre compte rapidement, contrôler rapidement et résoudre rapidement». Il est classé parmi les proches de Jiang Zemin. Il était ami de Bo Xilai. A-t-il tenté de l’aider au moment de son limogeage allant jusqu’à envisager une contre-offensive armée? La rumeur en a couru. Mais depuis, Zhou Yonkang a appelé dans une instruction écrite, la police à tous niveaux «à maintenir la stabilité sociale avant en vue du XVIIIe congrès national du Parti communiste chinois».
Question: une fois Zhou Yonkang parti est ce qu’il y aura encore un membre du Comité permanent pour jouer le rôle de super flic?
Richard Arzt
Photos: Hu Jintao à La Havane en 2008. REUTERS/Claudia Daut; Wu Bangguo en mars 2010. REUTERS/Jason Lee; Wen Jiabao à Pékin en mai 2012. REUTERS/Petar Kujundzic; Jia Qinglin à Rangoon en avril 2011. REUTERS/Soe Zeya Tun ; Li Changchun à Londres en avril 2012. REUTERS/Paul Hackett; Xi Jinping en Irlande, en février 2012. REUTERS/Maxwell's/POOL; Li Keqiang à Hong Kong en août 2011. REUTERS/Vincent Yu/Pool; Kim Jong-il et Zhou Yongkang à Pyongyang en octobre 2010 Kyodo / REUTERS.