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Ryder Cup: Oui, le golf est aussi un sport d'équipe

Jusqu’à dimanche, en marge ou sur le parcours du Medinah, ils devront tout partager avec leurs partenaires même s’ils ne peuvent pas en «encadrer» quelques-uns.

Le capitaine de la Ryder Cup Jose Maria Olazabal au centre, et les caddies des joueurs européens à Medinah, Illinois, le 25 septembre 2012. REUTERS/Mike Blake
Le capitaine de la Ryder Cup Jose Maria Olazabal au centre, et les caddies des joueurs européens à Medinah, Illinois, le 25 septembre 2012. REUTERS/Mike Blake

Temps de lecture: 4 minutes

La Ryder Cup est une épreuve particulière dans laquelle ces monstres parfois d’égoïsme que peuvent être les golfeurs doivent soudain se fondre dans une œuvre collective. Quatre jours seulement après que les meilleurs joueurs de la planète ont ferraillé pour s’approprier le colossal butin de la FedEx Cup à Atlanta, cadre de la phase finale du PGA Tour, les voilà donc réunis, pour 24 d’entre eux, dans la banlieue de Chicago lors d’une compétition qui ne leur offrira rien d’autre qu’un trophée.

Jusqu’à dimanche, en marge ou sur le parcours du Medinah, ils devront tout partager avec leurs partenaires même s’ils ne peuvent pas en «encadrer» quelques-uns. Ainsi va la magie de la Ryder Cup, cette opposition entre Etats-Unis et Europe, programmée tous les deux ans, capable de transformer les habituelles ambiances feutrées des 18 trous en un vacarme entretenu par des foules agitées et nationalistes à l’instar de l’horrible édition de 1999 où des «hooligans» américains avaient envahi le green avant même l’ultime putt de José Maria Olazabal.

En Ryder Cup, compte tenu de la nature de cette épreuve, les maîtres du monde sont les deux capitaines. Cette année, José Maria Olazabal pour l’Europe et Davis Love III pour les Etats-Unis tiennent ce rôle, accompagnés de leurs vices capitaines respectifs —Davis Love III bénéficie en plus de l’assistance de Michael Jordan, l’icône des parquets et fou de golf.

Tout pour le groupe

Olazabal et Love ont toutes les cartes en main et doivent les jouer sans forcément demander leur avis aux 12 champions de leur équipe déjà bien ravis d’être là. Tout pour le groupe, tel est (en principe) le leitmotiv de chacun.

L’esprit d’équipe chevillé au cœur de cette Ryder Cup est d’autant plus évident que la formule de la compétition est composée de 16 matches de doubles et de 12 matches de simples, ces derniers se déroulant le dimanche. Les 16 matches de doubles, qui distribuent donc les 16 premiers points, se composent de huit foursomes et de huit «quatre balles meilleure balle».

Les foursomes voient les Américains et les Européens se défier par équipes de deux, les partenaires jouant la même balle alternativement. Les «quatre balles meilleure balle» proposent aux quatre joueurs des deux duos de taper chacun leur balle, le meilleur score des deux coéquipiers étant seulement retenu.

Ces 16 doubles sont découpés en quatre séquences (les vendredi et samedi matin, les vendredi et samedi après-midi) si bien que les capitaines peuvent infliger, en principe, quatre doubles à quatre paires et laisser de côté des joueurs pendant deux jours jusqu’à leur participation aux simples –terrible et humiliante mésaventure infligée par le capitaine Mark James à Jean Van de Velde, Jarno Sandelin et Andrew Coltart en 1999.

Le choix des capitaines est donc crucial. Savoir former les bonnes équipes est un art délicat car la solidarité entre les uns compte souvent plus que le talent de deux individualités. Les Espagnols Severiano Ballesteros et José Maria Olazabal ont mis leur technique et surtout leur amitié au service de cette Ryder Cup qu’ils ont marquée de leur empreinte en gagnant 11 doubles, en signant deux nuls et en en perdant deux tout au long de leur aventure commune sous la bannière européenne.

Trouver l'alter ego

Aucune autre équipe n’affiche des statistiques semblables. A l’inverse, qui associer à Tiger Woods, incontournable, mais qui vit traditionnellement à l’écart des autres tout au long de l’année? Bonnes sur le papier, les idées peuvent devenir franchement mauvaises comme lorsque le capitaine Hal Sutton le maria avec Phil Mickelson en 2004. Un tandem très médiatique, mais qui fit un flop lors de leurs deux doubles –personne ne s’est risqué à les associer depuis.

En double, les résultats de Woods ont été jusqu’ici relativement décevants. Que ce soit en foursomes (quatre victoires, sept défaites, un nul) ou en «quatre balles» (cinq succès, six échecs), ses statistiques sont négatives alors qu’elles sont positives en simple (quatre victoire, une défaite, un nul).

De manière cruelle, David Feherty, un commentateur de golf à la télévision américaine, avait dit un jour au sujet de Woods: «Il est probable qu’enfant, son institutrice avait dû indiquer sur son carnet de notes: “n’aime pas jouer avec les autres.”»

C’est le paradoxe d’une situation qu’il n’est pas facile à gérer pour l’ego: en double, il est possible de perdre en jouant bien comme il est possible de gagner en jouant mal. Tout dépend tellement de son partenaire. Pour un capitaine, le secret consiste donc à imaginer des paires techniquement et psychologiquement compatibles. Les deux joueurs ne doivent pas être obligatoirement proches dans la vie ou posséder le même type de jeu, mais avoir une vraie complémentarité tellement nécessaire surtout en foursome.

Avec Steve Stricker, Tiger Woods a semblé trouver cet alter ego. «Selon moi, le “quatre balles” est la formule la plus excitante des deux car elle permet de prendre des risques en fonction de ce qu’a réussi ou pas votre partenaire, souligne François Illouz, vice-président de la FFGolf, champion de France par équipes à 13 reprises dans le cadre de la Gounouilhou. Le foursome est plus complexe et le dosage du capitaine doit être très précis. L’entente y est cruciale.»

Effort parfois épuisant. «A aucun moment, tu ne peux te permettre de baisser les bras ou même de te relâcher, avait souligné Jean Van de Velde à L’Equipe en 2011. Tu mets tellement d’intensité dans une partie que ça te fatigue davantage. Le soir, les mecs sont pulvérisés. J’ai le souvenir d’avoir vu Harrington jouer un double le samedi matin en 1999 et ne plus avoir assez de force pour se mettre à table ensuite, tellement il était vidé…»

Entraînement en mode commando

En 2008, lors de l’édition jouée à Louisville dans le Kentucky, Paul Azinger, le capitaine américain, avait eu l’idée de diviser son groupe de 12 en trois sections selon une méthode de recrutement des éléments d’élite de la Navy. Son raisonnement était simple. En une semaine, il est impossible de créer une vraie unité entre 12 hommes tandis qu’il est envisageable de le faire par groupes de quatre en fonction de certaines affinités. Ses trois bandes de quatre, qui fonctionnaient en étant presque indépendantes des unes des autres, massacrèrent littéralement les Européens, écrasés 16,5-11,5 sous le faible capitanat de Nick Faldo jugé, au contraire, beaucoup trop solitaire et éloigné de ses troupes.

En 2008, à la surprise générale, Faldo, très individualiste tout au long de sa carrière y compris en Ryder Cup au point que Sandy Lyle apprenant un jour qu’il allait jouer avec lui en double déclara «Bon, ben, je peux prendre mon walkman», avait écarté de la liste de ses joueurs deux figures éminentes du golf européen, Colin Montgomerie et Darren Clarke, pour probablement n’avoir aucune tête qui dépasse. Nick Faldo fut un très grand joueur de Ryder Cup —il détient le nombre d’éditions jouées (11)— et un piètre capitaine, mais compte tenu de son passé dans la compétition, il était impossible de ne pas lui confier cet honneur et cette charge.

Dimanche, la victoire reviendra collectivement à l’Europe ou aux Etats-Unis, mais elle sera surtout celle d’un seul homme: le capitaine, cet alchimiste.

Yannick Cochennec

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