France

Harlem Désir, un pas de plus dans la normalisation du PS

Le responsable socialiste le moins gênant pour l’exécutif a été choisi pour succéder à Martine Aubry.

Harlem Désir à La Rochelle le 26 août 2012. REUTERS/Stéphane Mahé.
Harlem Désir à La Rochelle le 26 août 2012. REUTERS/Stéphane Mahé.

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Avec la désignation d’Harlem Désir comme futur premier secrétaire, officialisée mercredi 12 septembre, le PS franchit une nouvelle étape dans son processus de dévitalisation. C’est le responsable socialiste le moins gênant pour l’exécutif qui a été choisi pour succéder à Martine Aubry.

Il n’y a pas de réelle divergence de fond entre le vainqueur de cet obscur bras de fer et son rival, Jean-Christophe Cambadélis. L’un comme l’autre se situent sagement dans le sillage du président de la République et de son gouvernement.

Les deux personnalités n’en sont pas moins très différentes. Agé de 61 ans, Cambadélis est un vieux routier du Parti socialiste. Il a activement participé à ses batailles internes, en soutien de Lionel Jospin puis de Dominique Strauss-Kahn. Homme d’appareil chevronné, il a aussi joué un rôle majeur dans l’organisation de la «gauche plurielle» des années 1990 tout en développant une réflexion personnelle.

Désir (52 ans) a été autrement moins impliqué dans la vie du parti. Dans la mémoire collective, il demeure avant tout l’ancien président de SOS-Racisme des années 1980. Cette moindre épaisseur politique l’a incontestablement servi. Les hiérarques proches de François Hollande l’ont préféré à Cambadélis d’abord parce qu’ils le jugeaient «plus transparent et plus contrôlable» que le député de Paris.

La mobilisation de plusieurs ministres (Manuel Valls, Vincent Peillon, Stéphane Le Foll) en faveur du député européen a permis à Cambadélis de reprocher à Désir de se comporter comme s’il était «le candidat du gouvernement», lui-même se posant en «gardien de l’indépendance des militants». C’est bien, en tout cas, le candidat le plus proche de l’exécutif, signataire au dernier congrès de la même motion que François Hollande et Jean-Marc Ayrault, qui l'a emporté. Il est vrai que l’on peut estimer, avec Gérard Grunberg, que le patron du parti au pouvoir n’est qu’un exécutant de haut niveau.

Une règle du jeu défendable

Faut-il s’en prendre, comme de nombreux commentateurs, à la procédure qui a présidé à la désignation du nouveau numéro un socialiste? Les conciliabules mystérieux et les sombres tractations font certes mauvais genre à une époque dominée par la tyrannie de la transparence. Pour un peu, d’aucuns auraient réclamé une «primaire» afin de départager les concurrents au poste de premier secrétaire du PS...

Un parti politique a pourtant le droit de choisir ses dirigeants selon ses propres règles. Le dispositif actuel se comprend par la volonté du PS de ne pas revivre la bataille de chiffonniers du congrès de Reims (2008). Sur fond d’équilibre politique confus, l’affrontement entre Martine Aubry et Ségolène Royal pour la direction du parti avait dégénéré en pratiques douteuses. C’était, en partie, le résultat de l’élection directe, par les militants, du numéro un du parti.

Ce présidentialisme à la sauce socialiste, initié par Lionel Jospin, était lourd de dangers. Le découplage entre le vote des militants sur l’orientation du PS (les fameuses motions) et le vote sur le numéro un faisait courir le risque d’une sorte de cohabitation interne. Le premier secrétaire élu pouvait se retrouver minoritaire dans les instances dirigeantes du parti.

Ce scénario n’est toujours pas exclu puisque, depuis la dernière réforme des statuts, le numéro un est toujours élu par les militants une semaine après le vote sur les motions. Mais sa probabilité est réduite puisque, désormais, seuls les premiers signataires des deux motions arrivées en tête peuvent concourir. La nouvelle règle du jeu redonne le rôle majeur au vote sur les motions.

Un refus de débattre

Le vrai problème est celui du refus de la plupart des sensibilités qui traversent le PS de débattre dans la période actuelle. C’est parce que presque tous les courants ont décidé de faire motion commune que le candidat choisi par Aubry et Ayrault est assuré d’être élu premier secrétaire le 18 octobre. L’entente entre le Premier ministre et la première secrétaire s’est accompagnée de vives pressions sur les ministres pour qu’ils soutiennent leur motion.

Seul le courant de gauche rassemblé autour de Marie-Noëlle Lienemann et Emmanuel Maurel est résolu à se présenter au suffrage des militants pour porter la contradiction à l’orientation majoritaire. On comptera peut-être d’autres motions marginales, comme celle du sénateur Gaëtan Gorce, qui s’était vivement élevé contre la tournure prise par la succession de Martine Aubry. Mais tout ceci n’empêchera pas la motion principale de rafler une confortable majorité le 10 octobre.

A vrai dire, il est de tradition que les socialistes se rassemblent aux lendemains d’une victoire électorale. En octobre 1981, le congrès de Valence avait été célébré autour d’une motion unanime et personne n’avait songé à discuter une seconde le choix personnel de François Mitterrand de confier les rênes du parti à Lionel Jospin. En novembre 1997, le congrès de Brest avait sacré François Hollande, successeur désigné par le nouveau Premier ministre, avec une motion rassemblant pas moins de 84% des suffrages. Au regard de ces précédents, la désignation actuelle du numéro un du parti a été sensiblement moins autoritaire, puisqu’elle fut partagée par au moins trois personnalités (Aubry, Ayrault, Hollande).

Le sentiment d’étrangeté tient au souvenir de la primaire présidentielle de 2011. Il y a un an, les électeurs de gauche étaient invités à arbitrer entre des socialistes porteurs de sensibilités diverses. Valls le moderniste, Hollande le réaliste, Aubry la volontariste et Montebourg le démondialisateur croisaient joyeusement le fer sur le fond. Les voici aujourd’hui tous rassemblés autour d’une même orientation. Doit-on en conclure que la primaire avait surtout valeur de jeu de postures?

Eric Dupin

Article originellement publié le mardi 11 septembre dans l'après-midi, réactualisé mercredi 12 septembre au matin après la publication par Martine Aubry et Jean-Marc Ayrault d'un communiqué où ils officialisent le nom d'Harlem Désir pour le poste de premier secrétaire du PS et celui du fabiusien Guillaume Bachelay, nouveau député de Seine-Maritime, pour celui de numéro deux.

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