France

Un Fillon very Nice

Christian Estrosi, improbable faiseur de roi, a offert mardi après-midi ses parrainages à l'ancien Premier ministre, qui reconfirmait sa candidature, et snobé Guaino. De loin, Sarkozy se marre.

François Fillon après son accident de Vespa à Capri. REUTERS/Vincent Kessler.
François Fillon après son accident de Vespa à Capri. REUTERS/Vincent Kessler.

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Ca doit faire drôle, tout de même, d’être balancé aussi brutalement du Capitole vers la roche Tarpéienne par les 51,6% des électeurs qui n’aimaient pas son boss, et de troquer les ors des palais nationaux pour les locaux exigus d’un immeuble de la rue Saint-Dominique (VIIe arrondissement)…

Bah, la politique, c’est comme ça. Un coup on est au plus haut, un coup on est au plus bas. François Fillon, d’ailleurs, il n’est pas exactement au plus bas parce qu’il est tout de même député de ce quartier chic de la capitale et quasiment certain de se retrouver président de l’UMP maintenant qu’il est soutenu par Christian Estrosi.

Scénario de tragédie grecque

Mais pour l’heure, la situation est un peu humiliante: l’endroit où l’ancien Premier ministre a choisi de reconfirmer sa candidature au leadership droitier est grand comme une cabine téléphonique, il n’y a pas la clim et c’est tout juste si on peut y glisser un Eric Ciotti une fois entassées trois douzaines de journalistes. Et lorsqu’il arrive enfin en claudiquant parce qu’il s’est cassé la jambe dans un accident de Vespa, une lieutenante se demande à haute-voix si elle ne va pas pousser la JRI de LCP dans les escaliers pour lui frayer un chemin jusqu’au mur du fond («De toute manière, LCP, personne ne regarde»).

Le pire, pour autant, ce n’est pas cet évident manque de moyens mais bien d’en être réduit à se prévaloir de l’assistance du maire de Nice ―qui biche comme c’est pas permis― pour la poursuite de sa carrière. Car si vous n’avez pas tout suivi parce que vous avez été absent du pays ces derniers mois, Christian Estrosi est désormais un big boy parmi les big boys. Yes, absolutely! Estrosi! Secrétaire général de «l’Association des amis de Nicolas Sarkozy», il est censé détenir la clé du cœur des 260.000 adhérents (putatifs) de l’UMP, lesquels continuent d’allumer des cierges pour le retour du roi déchu.

En fait, c’est toute la complexité de ce scénario de tragédie grecque: pour prendre le contrôle de l’UMP et donc briguer la présidence de la République en 2017, lorsque les Français se seront lassés de monsieur Normal, il faut passer son temps à dire du bien d’un Nicolas Sarkozy déterminé à reprendre lui-même du service et promettre qu’on lui cèdera la place s’il concrétise.

Vous voyez un peu l’embrouille?

«Comment allez-vous les transférer, vos parrainages?»

Mais bon, une chose à la fois. Pour le moment encore, c’est le parti qu’il faut se mettre dans la poche et on verra après. Alors Fillon prend sa béquille de pèlerin, va à Nice comme d’autres vont à Canossa se faire adouber par un Estrosi qui devait pourtant soutenir Guaino mais a changé d’avis parce qu’il a fini par se dire que c’était pas sérieux.

Et là, dans la petite salle surchauffée où Fillon fait don de sa personne à la France (comment ça, un point Godwin? On peut vraiment plus rien dire), Estrosi assure le clou du spectacle en désignant, sur une table minuscule, un gros paquet de chemises cartonnées censées contenir les 8.000 parrainages à l’élection qu’il avait lui-même reçus mais qu’il veut bien offrir à son nouvel ami (les caméras zooment sur la petite table, même celle de la JRI de LCP qui n’est pas rancunière).

Un persifleur anonyme lance bien un «Hé, comment allez-vous les transférer, vos parrainages? Vous allez changer le nom du bénéficiaire?». Mais Estrosi l’ignore. Il est dans les hautes sphères, il n’a pas besoin de se préoccuper de l’intendance. Puis le portable de Fillon sonne («Capri c’est finiiii») et c’est la débandade. Je me demande ce qu’il faisait, Copé, pendant ce temps. Et Sarko. Il devait bien rigoler.

Hugues Serraf

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