France

Jacques Attali: L'audace par nécessité

La France ne pouvant utiliser l'arme des dépenses publiques pour relancer l'économie, il ne lui reste comme solution que de mettre en oeuvre des réformes déjà identifiées mais ne coûtant rien.

Locks. <a href="http://www.flickr.com/photos/mthierry/4595284293/">m thierry</a> via Flickr CC <a href="http://www.flickr.com/photos/mthierry/4595284293/">License by</a>
Locks. m thierry via Flickr CC License by

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La situation économique de la France est désormais claire: le pays est au bord d’une récession qui réduira les revenus fiscaux et rendra très difficile le retour à 3% du déficit budgétaire à la fin de 2013.

Il est donc hors de question d’utiliser l’arme des dépenses publiques pour relancer l’économie. La France, comme les autres pays européens, semble ainsi condamnée à l’aggravation du chômage et de la dette publique et au discrédit de sa classe politique.

A moins qu’elle n’ait enfin l’audace de mettre en oeuvre les innombrables réformes, très largement identifiées et étudiées, ne coûtant rien, pouvant libérer de la croissance en remettant en cause des rentes de situation. Réformes que le précédent président et le gouvernement n’ont pas osé entreprendre.

Si on ne les lance pas maintenant, en toute liberté, avec le temps nécessaire pour mettre en place une concertation entre toutes les parties prenantes, elles nous seront imposées brutalement quand les créanciers exigeront de nous des économies radicales pour obtenir le remboursement de nos dettes.

En voici quelques unes, parmi beaucoup d’autres, sans ordre d’importance:

1. Réduire le nombre de collectivités territoriales, en confiant, en zone urbaine, les actuelles responsabilités des départements aux agglomérations et en considérant les départements ruraux comme des agglomérations.

2. Réformer l’école primaire en développant l’enseignement sur mesure pour réduire l’échec scolaire.

3. Reprendre aux maires le pouvoir d’attribuer les permis de construire afin de donner à l’Etat les moyens de libérer des espaces à construire, et en particulier d’augmenter massivement la hauteur des immeubles dans les grandes villes, ce qui est à la fois économiquement, socialement et écologiquement nécessaire.

4. Réduire à 20 le nombre de ministères et de ministres, pour diminuer le nombre d’autorités dépensières et regrouper leurs services.

5. Interdire toute publication d’un nouveau décret ou circulaire qui ne serait pas accompagné de la suppression d’au moins deux fois plus de réglementations existantes.

6. Concentrer en priorité les investissements d’infrastructure à financer sur ceux qui relient les zones urbaines aux grands ports maritimes et fluviaux.

7. Créer des emplois de taxis en accordant, partout dans le pays, de nombreuses nouvelles autorisations, en priorité aux salariés des compagnies, en compensant les éventuelles pertes de patrimoine des détenteurs de plaques actuelles par une minuscule contribution des utilisateurs.

8. Créer des emplois de coiffeurs à domicile en libéralisant les conditions d’accès à cette profession.

9. Rapprocher les professions de notaire et d’avocat en une grande profession du droit.

10. Supprimer les dizaines de «hautes autorités» ou de «commissions permanentes», qui ne font pour l’essentiel que retarder les décisions publiques, sans aucune utilité sociale.

11. Réduire massivement le nombre d’offices d’HLM en fusionnant ceux qui ne construisent plus avec leurs voisins plus dynamiques. De même pour les Chambres de commerce et d’industrie et tous les organismes gestionnaires de taxes parafiscales.

12. Utiliser les énormes ressources, aujourd’hui gaspillées, de la formation permanente, à la conversion des chômeurs et des salariés menacés de perdre leur emploi.

Naturellement, tout pouvoir qui se lancera dans ces réformes deviendra, au moins provisoirement, impopulaire. Naturellement, les groupes de pression les plus divers (des ordres professionnels aux élus locaux), qui y puisent leurs pouvoirs, seront hostiles.

Sans doute, comme toujours en France, faudra-t-il attendre une révolution pour que tout cela s’impose. La démocratie n’aurait rien à y gagner.

Jacques Attali

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