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Des bruits de bottes israéliennes pour presser Obama sur l'Iran

Une guerre contre l'Iran est imminente, préviennent certains responsables israéliens.

Manifestation, le 12 août, à Tel-Aviv, devant le ministère de la Défense, contre la possibilité d'une attaque sur l'Iran. REUTERS/Nir Elias
Manifestation, le 12 août, à Tel-Aviv, devant le ministère de la Défense, contre la possibilité d'une attaque sur l'Iran. REUTERS/Nir Elias

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En Israël, certains n’hésitent pas à comparer la situation actuelle à celle qui prévalait durant la période précédant la Guerre des Six-Jours en 1967. L’argument matraqué en permanence consiste à prétendre que si l’Iran obtient des armes nucléaires, la situation dans la région sera totalement modifiée, pas seulement pour l’État juif mais aussi pour tous les pays modérés. Cette menace serait de plus en plus précise.

Selon des «fuites» en provenance des services de sécurité, l’Iran poursuivrait l’enrichissement de son uranium et pourrait constituer, sous deux mois, un stock de 250 kilos enrichi à 20%, de quoi construire jusqu’à quatre bombes nucléaires d’ici 2013. D’autres fuites, publiées le 12 août, pointent les progrès faits par l’Iran dans la conception de détonateurs et de fusibles pour la construction d’une ogive nucléaire montée sur le missile balistique Shebab-3 capable d’atteindre Israël. Le même jour, le commandement du front intérieur (Défense passive), organisait un exercice à l'échelle nationale visant à alerter la population israélienne de l'arrivée imminente de missiles sur leur région, via des SMS.

Ce n’est pas un hasard si ces fuites situent à octobre les possibilités techniques iraniennes.

Nombreux sont en effet ceux qui spéculent sur une intervention israélienne avant le mardi 6 novembre, date butoir des élections américaines, au-delà de laquelle aucune pression ne pourra s’effectuer contre le gouvernement américain. Ainsi, le ministre de la défense Ehoud Barak a déclaré à la radio nationale que «les estimations des américains sur la possibilité que l’Iran puisse se doter de la bombe atomique évoluent, se rapprochent des nôtres et rendent la question iranienne un peu plus urgente».

Pourtant, des dirigeants militaires et sécuritaires israéliens affichent une réserve sur l’opportunité d’une telle action. L'ancien Premier ministre Ehud Olmert estime «qu’il n'y a certainement aucune raison d'engager une frappe militaire israélienne.» Il ne peut être accusé de mollesse alors qu’il avait approuvé la destruction, en 2007, du réacteur nucléaire en construction par l'Iran et la Corée du Nord dans le nord de la Syrie.

L’ancien chef de la sécurité intérieure, le Shin Beth, Youval Diskin, a accusé le gouvernement de «tromper les israéliens sur l'Iran». Le chef d’État-major Benny Gantz ne croit pas que l'ayatollah Ali Khamenei «voudra franchir le pas supplémentaire nécessaire pour la production d'armes nucléaires ». Avigdor Lieberman, ministre nationaliste des affaires étrangères, estime que «la situation en Égypte est plus inquiétante pour Israël que les ambitions nucléaires iraniennes. Le Premier ministre se retrouve un peu isolé sur l'Iran».

Pour les responsables du renseignement américain, l'Iran — qui continue d’affirmer que son programme est exclusivement civil— n'est pas encore certain de vouloir se doter de l'arme atomique et ne sera pas, de toute façon, en mesure de le faire avant des années.

D’autres pensent qu’il est trop tard pour lancer une attaque contre les usines iraniennes. D’abord parce que l’Iran a utilisé les discussions qui durent depuis trois ans pour développer son programme nucléaire et pour délocaliser les principales usines dans des sites souterrains protégés, construits à même la pierre. Ensuite car le monde arabe a changé depuis le début de ces pourparlers avec l’Iran, avec les révolutions arabes et l’arrivée des islamistes au pouvoir en Tunisie, en Égypte et en Libye.

Si Israël a l’expérience de combats à l’intérieur de ses frontières ou dans des zones relativement proches, le problème iranien déplace le champ de bataille à des milliers de kilomètres, dans un environnement hostile, qui implique obligatoirement une coopération militaire avec ses alliés, sans que cela soit interprété comme une marque de faiblesse.

Israël a certes les moyens d’une opération solitaire qui entre techniquement dans ses possibilités et qui a déjà été testée à l’étranger; mais une alliance est indispensable, au moins sur le plan psychologique.

Les fuites orchestrées et les bruits de botte entrent dans la stratégie de sensibilisation des pays ennemis de l’Iran de la région et des occidentaux mais il est improbable, et c’est le message diffusé par les chefs militaires et sécuritaires israéliens, qu’Israël se lance dans une aventure en solitaire.

Certains aimeraient pousser le Président Obama à lancer une attaque préventive, en collaboration avec Tel-Aviv, pour tenir sa promesse de ne pas permettre la nucléarisation de l’Iran. Mais pour qu’Obama puisse se lancer dans une opération militaire contre l’Iran, il faudrait que des informations sécuritaires inquiétantes lui soient fournies par ses services de renseignements. A moins qu’il soit aussi contraint par le lobby pro-israélien à Washington à intervenir pour sauver éventuellement son élection. Cela explique probablement le matraquage quotidien des hommes politiques israéliens qui cherchent à lui faire comprendre que le soutien des juifs américains passe par l’éradication du nucléaire iranien.

Le Premier ministre Benjamin Netanyahou et son ministre de la Défense Ehud Barak s'évertuent surtout à obtenir que le Président américain déclare ouvertement la volonté de recourir à la force militaire contre l'Iran. Ils comptent sur une déclaration le 25 septembre lors de l'ouverture de l'Assemblée générale de l'ONU ou lors d'un tout autre forum avant cette date. L’ambassade israélienne aux États-Unis et la mission d'Israël à l'ONU œuvrent dans cette direction car la décision d’Obama est la seule inconnue à ce jour.

Jacques Benillouche

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