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A Paris, il ne fait pas bon être étranger, riche et en mauvaise santé

Les hôpitaux de Paris veulent attirer une clientèle étrangère aisée pour rehausser leur prestige international et faire rentrer un peu d’argent dans les caisses. La CGT n’est pas d’accord. Mais alors pas du tout.

Ambulance limousine à Paris - Jacky Naegelen / Reuters
Ambulance limousine à Paris - Jacky Naegelen / Reuters

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L’AP-HP, la structure publique qui gère les hôpitaux parisiens, souhaite mettre en place une filière d’accueil de patients étrangers capables de payer le «vrai» prix de leurs soins. L’idée derrière ce projet: accroître la notoriété internationale de ses services de pointe et dégager de nouvelles sources de revenus. L’exemple allemand est d’ailleurs mis en avant par la direction, mais ça n’épate plus grand monde maintenant que l’Allemagne est citée dès que l’on veut réformer quelque chose (personne ne va jamais vérifier).

Première zone cible de l’AP-HP: le Moyen-Orient. En consacrant à peu près 1% de son activité à la patientèle du Golfe, c’est trois à quatre millions d’euros supplémentaires qu’elle pourrait empocher chaque année. Lorsqu’on connait l’état de ses finances (elle comble généralement son déficit en mettant son parc immobilier à l’encan mais aura bientôt cédé jusqu’au dernier bijou de famille), on imagine que ça ne lui fera pas de mal. Pour autant, les propos enthousiastes de Jean-Marie Le Guen, député PS du XIIIe et président du Conseil de surveillance de l’AP-HP («Un outil d’influence, de rayonnement et d’attractivité pour la France») n’ont pas l’air de séduire la CGT-Santé, laquelle a décidé d’avoir la peau du projet.

Christian Prudhomme, un infirmier urgentiste de Seine-Saint-Denis à la pointe de ce combat, est le rédacteur du communiqué de presse émis jeudi 9 août par le syndicat où il fustige la création d’une «filière particulière d’accueil de riches étrangers» et s’indigne de «la fermeture de lits dans les services et les hospitalisations sur des brancards dans les services d’urgence».

«Les malades français se contenteront d'un service inférieur»

«Mais si les fermetures de lits sont liées au manque de moyens financiers, pourquoi êtes-vous hostile à ce genre d’initiative?» lui demande-t-on alors qu’il jongle avec ses téléphones pour dénicher un hôpital francilien susceptible d’accueillir un patient dont une artère a flanché.

― Parce que ce sera forcément au détriment des malades français, qui devront se contenter d’un service inférieur à celui qui sera fourni à ces riches étrangers et auront encore moins de places disponibles si des lits sont réservés. Ce sera une médecine à deux vitesses…

― Ce n’est pas un procès d’intention, puisque la direction de l’AP-HP assure que ces nouveaux patients suivront exactement le même parcours que les autres mais seront simplement facturés intégralement?

― Nous n’y croyons pas. Et de toute manière, c’est une question plus générale de finalité des hôpitaux qui doivent servir à soigner des patients français dans le cadre du service public. Un service public en grande difficulté compte tenu des réductions d’effectifs…

― Mais de l’argent en plus, ce serait bon à prendre si des garanties sont vraiment données que cette activité est effectivement limitée à 1% du total et ne privera personne de quoi que ce soit?

― Non. C’est la poursuite d’une politique de casse du service public et l’on voit déjà des personnes âgées partir en Hongrie pour se faire opérer de la cataracte à leur frais pendant que de riches étrangers sont soignés ici!

― Argh… Vous ne caricaturez pas un poil, là?

― Pas du tout! Vous êtes de l’Institut Montaigne ou quoi?

La CGT n’est pas non plus sensible à la notion de prestige international des hôpitaux parisiens que Jean-Marie Le Guen et l’AP-HP veulent promouvoir:

«Nous sommes d’accord pour qu’il y ait des accords de coopération entre les Etats permettant de recevoir des patients qui ne peuvent pas être soignés chez eux, comme c’est le cas avec la Tunisie ou même avec l’Italie pour certaines spécialités. Mais nous ne voulons pas de ces patients riches que la direction ou le PS veulent attirer.»

Du côté de l’AP-HP, on temporise. Tous les interlocuteurs de poids sont «en vacances cette semaine» et, à la direction de la communication, Anne-Cécile Bard se contente d’expliquer que, «oui, une convention a bien été signée avec la compagnie d’assurance Globemed mais que ses modalités restent à préciser».

A la CGT-Santé, on précise en revanche ses propres modalités: «Nous n’accepterons rien du tout et nous attaquerons l’AP-HP devant les tribunaux si les choses se font. Il suffira de démontrer qu’un malade français ne trouve pas de place et qu’au même moment, un malade étranger est soigné».

Hugues Serraf

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