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Le Hamas, converti au pragmatisme

Le mouvement qui dirige Gaza n'est pour rien dans l’attentat qui a coûté la vie lundi à 16 gardes-frontières égyptiens.

Plage de Gaza, le 19 juillet. REUTERS/Mohammed Salem
Plage de Gaza, le 19 juillet. REUTERS/Mohammed Salem

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Il ne fait aucun doute à présent que le Hamas n’est pas directement impliqué dans l’attentat qui a coûté la vie lundi à 16 gardes-frontières égyptiens. L’envie ne lui en manquait certainement pas, après la déconvenue constatée au lendemain de l’élection à la présidence du Frère musulman Mohammed Morsi.

Ismaël Haniyeh, leader de Gaza qui défend la même idéologie islamique, escomptait en effet une ouverture rapide de la frontière avec l’Égypte, suivie du libre passage des marchandises et des personnes.

Il n’en a rien été puisque les hommes de 20 à 40 ans doivent toujours disposer d’un visa pour traverser la frontière. Le blocus du côté égyptien semblait plus verrouillé que du côté israélien où des centaines de camions passent tous les jours.

Le premier ministre du Hamas, converti au pragmatisme

Mais le premier ministre du Hamas fait preuve de modération depuis qu’il a été converti, durant l’année 2011, au pragmatisme économique, sans toutefois renoncer à son idéologie. A l’instar de qu’avait fait Salem Fayyed en Cisjordanie, il rêvait de booster l’économie de Gaza en développant des projets de construction et de reconstruction.

Il avait annoncé la couleur lors de la pose de la première pierre d'un hôpital public à Beit Hanoun, au nord de la bande de Gaza: «Nous avons tourné à jamais la page de l'anarchie et nous ne permettrons pas son retour.»

Haniyeh avait donné ordre à ses services de sécurité de protéger les chantiers de construction. Lorsque les tirs de missiles djihadistes avait repris contre Israël, il avait réussi à rétablir une trêve sous médiation égyptienne, pour éviter que Tsahal n’intervienne massivement dans la bande de Gaza.

C’est l’émir du Qatar qui l’a contraint à cette conversion, notamment en obtenant l’accord d’Israël pour investir en masse à Gaza et pour transférer les matières, le ciment en particulier, et les matériaux nécessaires aux projets de constructions.

Le changement de physionomie de Gaza est d’ailleurs visible à l’œil nu par les visiteurs. Ainsi Haniyeh s’est engagé à ne pas provoquer Israël et à ne rien faire qui puisse entrainer des bombardements de sa ville.

Il a donc reçu de la Banque de Développement Islamique, basée à Djeddah, une première tranche de 137 millions de dollars pour créer des routes, construire des écoles et engager des projets d’assainissement. Le PNUD (programme des Nations Unies pour le développement) a accepté de superviser ces projets sous réserve que les matériaux de construction entrent légalement à Gaza. Israël avait donné son accord. La reprise de la construction, après quatre années d’arrêt, a ainsi permis à l’économie de Gaza de créer 13.000 emplois nouveaux.

Pas la main sur les groupuscules islamiques

Si le Premier ministre du Hamas contrôle parfaitement ses troupes, il est incapable d’avoir la main sur tous les groupuscules islamiques et en particulier ceux qui reçoivent leurs ordres d’Iran, les salafistes et les militants d’Al-Qaïda qui restent totalement indépendants du Hamas.

Cependant Haniyeh est tenu à un service minimum s’il ne veut pas avoir de problèmes avec ses propres militants. Il fait donc fluctuer la position modérée du Hamas par des déclarations, parfois fantaisistes, sans jamais conseiller de passer aux actes.

A l’issue d’une réunion du gouvernement du Hamas, il a donc accusé Israël d'être «responsable d'une manière ou d'une autre de l’attaque lancée dans le Sinaï pour gêner la nouvelle direction égyptienne et créer des troubles à la frontière afin de ruiner les efforts visant à en finir avec le blocus».

Le chef du bureau politique du Hamas, Khaled Mechaal, lui a emboité le pas en téléphonant au président égyptien pour lui transmettre ses condoléances. Il en a profité pour  «condamner vivement ce crime» en précisant que le Hamas et les Palestiniens se préoccupent de la stabilité de l'Égypte et s'opposent à toute atteinte à sa sécurité. Le temps est loin où Mechaal prenait ses instructions à Damas.

Jacques Benillouche

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