Économie

Croissance: le monde est au ralenti

La zone euro cherche à sortir de la crise, mais le reste du monde offre des perspectives d’activité plus modestes que celles qui étaient anticipées au début de l’année. La faiblesse de la demande européenne explique une partie des difficultés actuelles, mais une partie seulement, ainsi que le constate le FMI.

Un festival, à Katmandou, en 2011. REUTERS/Navesh Chitrakar
Un festival, à Katmandou, en 2011. REUTERS/Navesh Chitrakar

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En économie, il est rare qu’un événement puisse être interprété comme positif ou négatif à 100%; chaque médaille a un revers. Le cours du baril de mer du Nord était monté à plus de 126 dollars en mars, il est revenu autour de 100 dollars, après être même momentanément descendu au-dessous de 90 dollars en juin.

A priori, c’est une bonne nouvelle: une énergie moins chère, c’est bon pour la croissance et pour la balance commerciale des pays importateurs comme la France. Mais les raisons de cette baisse ne prêtent guère à l’optimisme: les intervenants sur le marché du pétrole anticipent un tassement de la demande du fait du ralentissement de l’activité mondiale. Autrement dit, si le prix du pétrole a baissé et stagne maintenant, c’est parce que l’économie mondiale envoie des signaux inquiétants.

Recul de l’activité dans la zone euro

On pourrait d’ailleurs en dire autant de la baisse de l’euro. Ainsi que le souligne la Banque centrale européenne dans son dernier bulletin mensuel [PDF], entre le 30 mars et le 4 juillet, la monnaie unique a nettement reculé face aux autres grandes devises: de 3,7% face à la livre sterling, de 6% face au dollar, de 8,5% face au yen.

C’est a priori une bonne nouvelle pour nos exportateurs. Mais, si l’euro fléchit aussi fortement après avoir résisté à de multiples chocs au cours des dernières années, c’est parce que la zone euro apparaît aujourd’hui comme le point faible de l’économie mondiale: selon les dernières prévisions du FMI, l’activité y serait en recul de 0,3% cette année, avec des baisses du PIB de 1,5% en Espagne et 1,9% en Italie.

Pour la France, l’Insee prévoit une croissance limitée à 0,4%, après 1,6% en 2010 et 1,7% en 2011. Par prudence, le gouvernement a préféré retenir pour l’élaboration de son collectif budgétaire le chiffre de 0,3% qui résulte de la moyenne des prévisions des économistes; c’est d’ailleurs ce chiffre que retient aussi le FMI.

Un tel ralentissement n’est pas sans conséquences: à plus de 1,5% de croissance, on peut espérer stabiliser le chômage, voire le faire un peu reculer; à 0,3% ou 0,4%, on risque de s’acheminer vers un taux de chômage de 10,3% à la fin de l’année contre 9,8% à la fin de 2011.

L’Allemagne ne reste pas complètement à l’écart du mouvement, ainsi que le montre la baisse de l’indice IFO du climat des affaires, retombé à son plus bas niveau depuis mars 2010; la croissance du PIB allemand pourrait revenir de 3,1% en 2011 aux environs de 1% cette année. Et, en dehors de la zone euro, le Royaume-Uni n’est pas non plus en très grande forme, avec un PIB qui risque de rester pratiquement inchangé cette année (le FMI le crédite d’une croissance de 0,2%; c’est une des prévisions les plus optimistes, si l’on ose dire).

Que faire?

Ce fléchissement général n’est pas sans poser de sérieux problèmes de politique économique. Comment les pays aux finances dégradées peuvent-ils s’en sortir? S’ils appliquent correctement toutes les mesures de rigueur qui sont exigées d’eux, leur demande intérieure va chuter (c’est déjà ce qui est en train de se passer); leur seule solution est d’exporter davantage.

Mais comme tous les pays européens en même temps mènent des politiques de rigueur, de façon plus ou moins marquée et plus ou moins avouée, aucun marché intérieur n’est vraiment porteur. Or, il n’est pas nécessaire d’avoir une agrégation d’économie pour comprendre que si des pays ont besoin d’exporter plus, il faut qu’il y ait en face des pays en mesure d’augmenter leurs achats à l’étranger. Sinon, ça coince. Et c’est bien ce qui se produit actuellement.

Même la décision de la BCE d’abaisser le 5 juillet son taux directeur à 0,75%, le taux le plus bas depuis la création de l’euro, n’a suscité aucune réaction favorable: compte tenu du mauvais fonctionnement actuel du marché monétaire et des problèmes bancaires, il n’est pas sûr que cette mesure ait un effet d’entraînement très fort sur le crédit et donc sur l’activité. 

Au contraire, les observateurs se disent que si la BCE, en dépit de la réticence de certains de ses dirigeants, va aussi loin sur la voie de l’assouplissement de sa politique, c’est que les choses vont vraiment mal. Il est fort probable que s’ils ne veulent pas asphyxier complètement les plus vulnérables d’entre eux, les pays de la zone euro devront leur accorder des délais plus longs pour la remise en ordre de leurs finances publiques ou des aides plus importantes, comme ils viennent déjà de le faire pour l’Espagne, qui a obtenu le report à 2014 de l’objectif d’un déficit public de 3% du PIB.

En tout cas, les marges de manœuvre sont limitées à court terme. Le pacte de croissance si cher à François Hollande ne commencera au mieux à faire sentir ses premiers effets que l’an prochain, alors que les mesures fiscales ont un impact immédiat. Les gouvernements peuvent prendre des mesures qui auront un effet favorable sur l’économie à moyen ou long terme, ils n’ont pas les moyens de redresser la conjoncture en quelques mois. Leur seule possibilité d’action réside dans la mise au point rapide des procédures et des instruments de coopération et de solidarité entre pays de la zone euro, avec l’espoir de faire reculer  les taux à long terme des pays qui souffrent le plus actuellement de la défiance des marchés, tels l’Espagne et l’Italie.

De ce point de vue, le plus efficace dès maintenant serait une reprise des achats de titres d’emprunt sur le marché par la BCE, comme le suggère discrètement le FMI; mais les dirigeants de la banque centrale s’y refusent, estimant que la balle n’est plus aujourd’hui dans leur camp, mais dans celui des politiques.

La Chine entre deux modèles de développement

Le salut peut-il venir de plus loin, des exportations vers les grands pays  émergents comme la Chine ou vers les Etats-Unis? Les espoirs ne doivent pas être excessifs. La Chine est sur la voie du ralentissement. Troisième grande banque centrale à agir dans la journée du 5 juillet (la deuxième étant la Banque d’Angleterre qui a décidé d’injecter encore davantage de liquidités dans l’économie en relevant le plafond de ses achats de titres), la Banque populaire de Chine a baissé ses taux pour la deuxième fois en moins d’un mois.

En juin, l’activité manufacturière a ralenti pour le huitième mois d’affilée; le rythme de croissance du PIB est revenu à 7,6% seulement au deuxième trimestre et les dirigeants chinois, un peu surpris par l’ampleur des difficultés actuelles, souhaitent le stabiliser à ce niveau.

Mais la tâche n’est pas aisée: le passage d’une économie fondée sur les exportations à une économie reposant davantage sur la consommation ne peut se faire que progressivement; une relance du type de celle de 2009 qui a conduit à une bulle immobilière est exclue; enfin, souvent sous la pression de manifestations locales, le gouvernement doit renoncer à la construction de nouvelles unités particulièrement polluantes ou consommatrices d’énergie, comme ce fut le cas tout récemment dans le sud-ouest du pays pour une usine métallurgique.

L’Inde, incapable de poursuivre sur la voie des réformes, déçoit les attentes placées en elle et semble être entrée dans une période de grandes incertitudes. Le Brésil est sensible aux problèmes de ses grands partenaires et ralentit aussi; plusieurs baisses des taux d’intérêt de la banque centrale y sont encore attendues dans les prochains mois après celle du 11 juillet dernier.

Les Etats-Unis peinent à recréer des emplois

Restent les Etats-Unis. Là encore, la situation est incertaine. Elle s’améliore de façon claire dans l’immobilier: les prix se stabilisent, les stocks de logements neufs sont bas, le nombre de permis de construire et de mises en chantier remonte. Mais le secteur n’a pas encore commencé à recréer des emplois et c’est ce dont le pays a le plus besoin en ce moment: les créations ont eu tendance à ralentir au cours des six premiers mois de l’année et l’emploi s’annonce comme une des clés de la prochaine élection présidentielle.

En attendant, la consommation, encore robuste en début d’année, commence à donner des signes de faiblesse, les analystes révisent à la baisse les résultats de beaucoup d’entreprises et les tensions entre démocrates et  républicains au Congrès continuent de provoquer un statu quo intenable sur le budget de l’Etat fédéral. La façon dont les Etats-Unis sortiront de cette impasse politique inquiète les milieux financiers. Mais, au vu de la mollesse actuelle de la conjoncture, il est peut-être préférable que les responsables américains ne fassent rien de sérieux pour réduire leurs déficits…

Face à toutes ces incertitudes, certains économistes agitent déjà le spectre d’une nouvelle crise majeure: avec la zone euro menacée d’un effondrement prochain, la Chine à bout de souffle et les Etats-Unis près d’une retombée en récession, on serait au bord du gouffre. Le point de départ du raisonnement est juste: le climat économique 2012 se révèle plus rude qu’on ne le pensait; mais les conclusions les plus noires paraissent infondées. A moins que l’on ait décidé de faire du catastrophisme son fonds de commerce.

Gérard Horny

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