Politique / France

Guaino contre Bachelot, Kosciusko-Morizet contre Buisson... Après ses défaites, l'UMP enchaîne les conflits

«Je me suicide»: la sortie de l'ex-plume de Sarkozy contre l'ancienne ministre de la Santé n'est que le dernier épisode d'une série de clashs de l'ancienne majorité sur fond de droit d'inventaire.

Nicolas Sarkozy et Roselyne Bachelot, le 15 novembre 2011. REUTERS/Régis Duvignau.
Nicolas Sarkozy et Roselyne Bachelot, le 15 novembre 2011. REUTERS/Régis Duvignau.

Temps de lecture: 3 minutes

NKM, Copé, Fillon, Buisson, Wauquiez, Bachelot... Plus un jour ne se passe sans qu'un ténor de l'UMP n'exerce son droit d'inventaire sur la campagne perdue. En toute amitié républicaine.

Dernier exemple en date, la sortie d'Henri Guaino, aussi drôle que violente, contre Roselyne Bachelot le 3 juillet. Dans sa petite séquence de fin d’émission, la Boite à questions, l’invité du Grand journal de Canal+ et ancienne plume de Nicolas Sarkozy se prête au rituel des questions posées sur l'écran lui faisant face.

«Vous êtes Roselyne Bachelot pendant 24 heures, que faites-vous?»

Réponse du tac au tac de Guaino:

«Je me suicide»

Retour sur deux mois de haines fraternelles et de règlements de compte par matinales, plateaux télé et livres révélation interposés.

1. Fillon contre Copé

Le mot: «Hypocrisie»

Le contexte: l’UMP vient de perdre la présidentielle. Elle s’apprête à perdre sa majorité à l’Assemblée lors des législatives qui auront lieu quinze jours plus tard. Estimant que l’UMP est «sans leader naturel» depuis le départ de Nicolas Sarkozy, l'ancien Premier ministre s’attire les critiques du secrétaire général du parti. Ce dernier estime que l'UMP doit rester concentrée sur les législatives et remettre les règlements de compte à plus tard.

«Quelle hypocrisie!», lâche alors Fillon sur RTL. Ca n’est pas un très gros mot, mais sur l'échelle de langage de l'ancien élu de la Sarthe, la sortie passe pour une quasi-déclaration de guerre.

2. NKM contre Buisson

Le nom: «Maurras»

Le contexte: Il est l’homme auquel la stratégie de campagne de 2012 du candidat Sarkozy restera associée. Patrick Buisson a été régulièrement accusé, jusque dans son camp, d’être responsable d’une campagne empruntant à l’extrême droite son vocabulaire, ses thèmes et parfois ses propositions.

Après une campagne législative qui a vu l’UMP recourir, non sans tensions internes, à une position médiane de «ni-ni», en refusant d’appeler au vote PS contre le FN, NKM déclare sur Canal+ que l’objectif de Patrick Buisson n’était pas tant de faire gagner Nicolas Sarkozy que Charles Maurras, journaliste et homme politique d’extrême droite ayant dirigé l’Action française et intellectuel nationaliste théoricien de l'antisémitisme d'Etat...

La réplique ne se fait pas attendre. Le 3 juillet, Patrick Buisson révèle dans Le Nouvel Obs qu'il a déjeuné avec NKM le 23 mars à la brasserie parisienne Chez Francis, et que la porte-parole du candidat Sarkozy a alors évoqué avec lui 2017 en lui demandant de lui prodiguer ses conseils. Tout en reconnaissant que cette rencontre a eu lieu, NKM a démenti avoir proposé à Buisson de passer à son service.

3. Sarkozy contre Wauquiez

L’expression: «donneur de leçons»

Le contexte: «Si Laurent Wauquiez n'est pas là dans dix minutes, je le vire!» La phrase est rapportée par Benjamin Sportouch et Jérôme Chapuis dans leur ouvrage sur la campagne de Nicolas Sarkozy, Le Naufragé.

Ce 27 janvier, «Laurent Wauquiez se rend à Yssingeaux pour annoncer aux ouvrières de Lejaby [...] que le gouvernement a trouvé un repreneur». Le ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche veut aller annoncer la nouvelle puisque l'entreprise menacée se trouve dans sa circonscription. Le président-candidat accepte dans un premier temps, puis se ravise. Il veut y aller lui-même la semaine suivante. Trop tard, Wauquiez est déjà en route!

Lors du dernier conseil des ministres, Nicolas Sarkozy remercie les Français devant ses ministres, «plus enjoués et plus sûrs de leurs convictions que certains professionnels de la politique... ou que certains d'entre vous.» Visé, Laurent Wauquiez fait partie de ces ministres qui se sont rapidement émancipés de la tutelle de l'ancien chef.

Dès le lendemain de la défaite du président sortant, il avait regretté que le candidat Sarkozy ait «seulement parlé sécurité et immigration» et pas «suffisamment des classes moyennes», le grand dada de l'ancien ministre. Nicolas Sarkozy l'a ironiquement remercié pour son rôle de «donneur de leçons».

4. Bachelot contre tous les autres

La phrase: «A feu et à sang»

Le contexte: l’ancienne ministre de Nicolas Sarkozy publie le 20 juin sous ce titre ses Carnets secrets d'une présidentielle de tous les dangers. Elle y évoque «les stratégies désespérées et désespérantes» des proches conseillers du président en campagne.

Elle y règle aussi ses comptes avec Henri Guaino, à qui elle reproche en particulier d'être monté à la tribune lors du grand meeting de Villepinte, le 11 mars:

«Comment Henri Guaino ne comprend-il pas que sa fonction de conseiller du président ne lui donne aucune légitimité à s'exprimer dans un tel contexte? Il ne doit pas figurer sur la photo et encore moins produire deux discours et en interpréter un.»

 Roselyne Bachelot s’attire rapidement les foudres de ses camarades de l’UMP.  Ainsi, le 25 juin, Jean-François Copé gronde:  

«Quand je vois un certain nombre de personnalités qui ont été ministres de Nicolas Sarkozy, ont eu une très grande proximité avec lui, les entendre dire des choses à l'opposé de ce qu'elles ont fait, ce qu'elles ont dit, ça me stupéfie un petit peu!»

Le 3 juillet, c'est donc Henri Guaino, manifestement touché par les passages du livre de Bachelot le concernant, qui lâche sa petite phrase assassine sur Canal+. La veille sur France Info, le nouveau député des Yvelines avait déjà expliqué ce qu’il pensait du livre et de son auteure:

«Quand on a fait des pieds et des mains pendant cinq ans pour être ministre et pour rester ministre, on a un peu de dignité. […] Si moi je n'assumais pas la totale responsabilité de ce qui s'est passé, je serais parti. Je ne suis pas parti, j'assume. Que les autres assument aussi. Ce n'est pas une question de loyauté, mais de dignité.»

Jean-Laurent Cassely

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