Économie

28 mars 2012: le jour où les pays pauvres sont devenus plus riches que les riches

Ce jour-là, la taille cumulée des économies des pays les plus pauvres a dépassé celle des nations les plus riches.

A Pékin (pour la cérémonie des JO de 2008). REUTERS/Carlos Barria
A Pékin (pour la cérémonie des JO de 2008). REUTERS/Carlos Barria

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C’est l’un de ces jours qui auront marqué l’histoire. Et pourtant, il est presque passé inaperçu dans les médias internationaux. Selon les calculs du Trésor australien, le 28 mars 2012, la somme des PIB des pays les moins avancés a dépassé celle des PIB des pays les plus riches.

«Ce jour-là a mis fin à une aberration qui a duré un siècle et demi!»

C’est ce qu’a écrit le chroniqueur australien Peter Hartcher, faisant allusion au fait que jusqu’en 1840, la Chine avait été la première puissance économique mondiale. «Lorsque les Chinois voient ça, ils se disent: “Nous avons juste passé un ou deux mauvais siècles”», commente le spécialiste de l’Asie Ken Courtiss, cité par Hartcher.

Courtiss ajoute:

«En un clin d’œil, en l’espace d’une seule génération, le pouvoir est passé de l’Occident à l’Orient. Et avec le temps, nous constaterons qu’il ne s’agit pas seulement d’un déplacement du pouvoir économique ou financier, mais que les pouvoirs politique, culturel et idéologique migreront aussi vers l’Orient.»

En est-il ainsi? Les commentaires des lecteurs de la chronique de Peter Hartcher offrent une synthèse, certes spontanée, mais révélatrice d’un débat qui fait suer les gouvernants, responsables politiques, militaires et intellectuels du monde entier: quel sera le pays le plus puissant du monde?

Un habitant de Canberra, Derek, explique qu’il n’y a «pas d’inquiétudes à avoir. Sur le papier, la Chine et l’Inde apparaissent comme des puissances, mais dans la réalité, la majorité de leurs citoyens n’ont pas accès aux soins de santé ou à l’électricité». Un internaute connecté sous le pseudonyme de Barfiller ajoute:

«N’oublions pas les réalités des pays émergents: conflits frontaliers et disputes en tout genre pour le contrôle de l’eau et d’autres ressources; faible protection des brevets et de la propriété intellectuelle; divisions ethniques, religieuses et idéologiques; fractures historiques et culturelles, etc. Les pays émergents sont très désavantagés.»

A son tour, David souligne qu’il faut tenir compte de la «mauvaise distribution des richesses dans ces pays. Entre le patrimoine du Chinois moyen et celui de ses camarades les mieux lotis du Parti communiste, il y a un fossé infranchissable. Ce fossé existe aussi en Inde. En Chine, c’est à cause de l’immense corruption contrôlée au sommet, et en Inde, il est dû aux divisions de classes liées à la religion et à la culture».

L’Inde et/ou la Chine ne peuvent-elles pas dominer le monde?

Tous ces gens sont d’avis que la Chine et l’Inde sont trop affaiblies par des divisions et d’autres problèmes internes pour devenir des puissances qui régissent le monde. Il convient de préciser que les difficultés de ces grandes nations qui montent ont une portée qui va bien au-delà de leurs frontières nationales. Caledonia, une lectrice qui vit à Sydney, s’adresse aux internautes ayant commenté l’article de Peter Hartcher et les met en garde contre le danger qui les guette:

«Si l’économie chinoise s’effondre, vous vous retrouverez au chômage. Et vous pourrez vous estimer heureux si vous décrochez un job pour nettoyer des toilettes!»

Toutes ces remarques reposent sur d’importantes suppositions sur les facteurs qui rendent une nation suffisamment puissante pour imposer ses volontés à tout le monde. Jadis, c’était l’apanage des empires. Ensuite, celui des superpuissances: Etats-Unis et Union soviétique. Et après l’effondrement du bloc soviétique, il est devenu très à la mode de supposer que nous entrions dans une période unipolaire durant laquelle une seule superpuissance, les Etats-Unis, dominerait le monde.

Pas un dominant

Mais avec l’ascension de certains pays –la Chine au premier chef– et la multiplication des problèmes aux Etats-Unis, cette perception n’a pas tardé à changer. Si nous ne vivons ni dans un monde bipolaire avec d’un côté les Etats-Unis et de l’autre l’Union soviétique, ni unipolaire avec Washington régnant en maître du monde, ni multipolaire, dominé par l’influence de l’Amérique, de l’Europe et d’une Asie qui monte en puissance, alors quel monde est en train de naître?

Ces dernières années, les réponses à cette question étaient conditionnées par le décollage économique des pays émergents et la crise financière qui a frappé l’Europe et les Etats-Unis. Mais alors même que les pays émergents subissent un ralentissement économique, qui ne manquera pas d’alimenter les troubles sociaux et politiques, et que l’Europe demeure plongée dans la crise, les points de vue vont encore évoluer. Et plus les paris sur la prochaine superpuissance qui dominera le monde fuseront tous azimuts, plus la réalité se précisera pour aboutir à celle-ci: aucun pays ne sera au-dessus de tous les autres.

Moisés Naím

Traduit par Micha Cziffra

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