France

Valls et les clandestins: le changement, c’est dans la continuité

Manuel Valls «éloignera» 30.000 clandestins par an et en régularisera à peu près autant. Exactement comme Claude Guéant. Mais en plus sympa.

Manuel Valls - Robert Pratta / Reuters
Manuel Valls - Robert Pratta / Reuters

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C’est peut-être apporter de l’eau au moulin des radicaux qui, à gauche ou à droite et pour des raisons diamétralement opposées, ont fait de l’«UMPS» leur bête noire, mais force est de constater que le fameux changement n’est pas encore pour maintenant...

Entre la rigueur progressiste et l’austérité réactionnaire (à moins que ça ne soit le contraire, on ne sait plus) et les reconduites à la frontière humaines des uns mais implacables des autres, on a surtout le sentiment d’une sacrée continuité.

Même ce retour «anticipé» des troupes d’Afghanistan, dont le calendrier sarkozyste serait inchangé si l’on ne distinguait pas, désormais, les soldats-combattants des soldats-déménageurs, doit passablement intriguer nos amis de l’Otan (dont la France restera membre de plein exercice, by the way).

D'accord, il y a bien les recrutements de profs ou le coup de pouce au Smic pour rappeler qu’une présidence normale est tout de même une présidence différente, mais c’est à dose tellement homéopathique que même Angela Merkel n’y trouverait rien à redire. Elle tiquerait sans doute sur les 75% de taxes sur les gros revenus, mais un conseiller au fait des pratiques gauloises la rencarderait bien vite sur l’usine à gaz fiscale qui compensera vraisemblablement ce joli chiffon rouge…

C’est à croire que la France est devenue un pays résolument moderne et européen, où l’alternance est juste une affaire de passage de relais entre sociaux-démocrates raisonnables et chrétiens-démocrates pragmatiques. On ne craint plus les chars Russes à Strasbourg quand le PS arrive aux affaires (OK, ils sont tous occupés en Syrie) et l’on ne s’attend plus à ce que les allocations familiales ou l’école publique soient supprimées quand c’est au tour de la droite.

«Les personnes susceptibles d’être éloignées ―et il y en aura…»  

L’interview accordée par Manuel Valls au Monde de mercredi 18 (daté jeudi) est d’ailleurs ce qui se fait de plus lumineux sur le ralliement de l’immense majorité de la classe politique au fameux «cercle de la raison» Alain Minc-ien (lequel a d’ailleurs commencé à gauche et fini à droite en disant exactement la même chose), le réel étant désormais universellement perçu comme tel. Car que dit le ministre de l’Intérieur lorsqu’on l’interroge sur l’immigration? Eh bien rien que n'ont pas déjà dit Eric Besson, Brice Hortefeux ou Claude Guéant avant lui. Mais sur un ton différent. Un ton plus... comment dire, gentil et gracieux.

Les régularisations de sans-papiers, octroyées au compte-gouttes et sur critères par la bande à Sarko? Elles resteront exactement au même niveau, soit 30.000 par an:

«Aujourd’hui, la situation économique ne permet pas d’accueillir et de régulariser autant que certains le voudraient. C’est ma responsabilité de ministre de l’Intérieur de le dire. Je l’assume

Les reconduites à la frontière avec objectif chiffré? Il y en aura autant (33.000). On comptera juste différemment:

«Les personnes susceptibles d’être éloignées ―et il y en aura―  doivent être traitées dignement et être en mesure de faire valoir leurs droits. (…) Je ne jugerai pas l’action des préfets sur la base du nombre de reconduites effectuées (…) Ça ne veut pas dire qu’il faut casser le thermomètre. Mais cela fera l’objet d’un travail d’évaluation dépassionné.»

Ça a le mérite d’être clair. Humain, gentil et gracieux, mais clair tout de même. Encore très à gauche de la nouvelle doctrine des travaillistes britanniques, qui trouvent que la Grande-Bretagne ne peut plus accueillir toute la misère du monde puisqu’elle en a déjà pris sa part, comme disait Michel Rocard, mais clair.

On pourra, parce qu’on est progressiste et pragmatique à la fois (mais oui!), lui reprocher d’être incapable de dire au pays que chercher des noises aux clandestins qui travaillent (s’ils travaillent, c’est qu’on a besoin d’eux) ou qui se rapprochent d’un parent, c’est absurde. Mais sur le reste, il est là pour faire le job, il le fait. Tout comme ses collègues de Bercy ou de la rue de Grenelle, d’ailleurs.

Et tant pis si ça gonfle les anti-UMPS (d’où qu’ils viennent).

Hugues Serraf

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