Économie

Rio+20: et revoilà la taxe Tobin

Le sommet de la Terre s’est soldé par un échec. Mais François Hollande s’y est déclaré déterminé à reprendre le projet de taxe sur les transactions financières, au moins à l’échelle européenne. Ça tombe bien: la Commission de Bruxelles travaille aussi dans cette direction.

Un Espagnol examine une pièce de 20 centimes d'euro. REUTERS/Sergio Perez
Un Espagnol examine une pièce de 20 centimes d'euro. REUTERS/Sergio Perez

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Le sommet de la Terre à Rio ne pouvait accoucher que d’une souris. L’échec de celui de Copenhague en 2009, torpillé par la crise qui faisait passer les objectifs environnementaux à la trappe, avait donné un coup d’arrêt à une mécanique vertueuse qui avait été déclenchée en 1992 par les altermondialistes, au premier sommet de Rio. Le gel des engagements dans la capitale danoise risquait d’enrayer toute reprise de l’action internationale pour l’environnement. 

A Rio+20, les craintes se sont confirmées: l’avenir de la planète ne mobilise plus alors que les objectifs n’ont pas été atteints. C’est l’échec, matérialisé par l’absence des dirigeants des grands pays qui ont ainsi manifesté soit leur désintérêt, soit leur impuissance; le résultat est le même.

Seul François Hollande parmi ces dirigeants a fait le voyage de Rio. Il a constaté, dans son allocution, que les résultats de Rio+20 étaient «en dessous de nos responsabilités et de nos attentes». Parmi les déceptions, l’une concerne les «financements innovants»; en l’occurrence, la création d’une taxe sur les transactions financières (TTF) affectée au développement écologique et à la réduction des inégalités entre pays riches et pays pauvres. Taxe qui, par ailleurs, fait partie des 60 propositions de François Hollande dans sa bataille pour l’Elysée.

Hollande reprend le projet de taxe sur les transactions financières

Mais c’est l’Arlésienne. Car si ce projet de taxe figura au menu des débats du G20 lorsque la France le présidait, les affres dans lesquels l’Europe se débat l’ont vite reléguée au second plan, et quasiment enterrée. Mais à Rio, François Hollande a repris le dossier que Nicolas Sarkozy avait porté. «La France reste déterminée à instituer avec les Etats qui le voudront, avec les Européens, avec d’autres, une taxe sur les transactions financières», a-t-il déclaré.

A ce stade, on ne peut parler de véritable avancée. Mais on pourrait ne pas en rester au domaine de l’incantatoire. L’ONG Oxam France, qui agit pour la solidarité internationale et contre la pauvreté, veut prendre François Hollande au mot pour entraîner les Etats européens:

«Alors que la crise économique se poursuit et que les pratiques de l’industrie financière n’ont pas véritablement changé, la finance doit plus que jamais payer ce minimum de solidarité internationale.»

L’Europe est favorable, d’abord pour elle-même

Or, le terrain est déjà balisé pour le président français. La Commission européenne s’est ainsi prononcée en septembre dernier en faveur d’une taxe sur les transactions financières confirmant la position affichée un an plus tôt.

Sa proposition, toutefois, s’éloigne du projet initial. Pour la Commission, il s’agit également de «créer une nouvelle source de recettes, avec pour objectif de remplacer progressivement les contributions nationales au budget de l'UE, allégeant ainsi la charge qui pèse sur les trésors nationaux». Priorité, donc, à la reconstruction des économies européennes et au renflouement des finances publiques.

Le projet de Bruxelles exclut par ailleurs un certain nombre de transactions financières du champ d'application de la TTF, ce qui limiterait son rendement. Toutefois, sur la base d’un taux de 0,1% pour l’échange d’actions et d’obligations et de 0,01% pour les contrats dérivés, les recettes pourraient s’élever à environ 57 milliards d’euros pas an.

Ce que confirment différentes études de l’ONU et de l’OCDE sur le sujet. Et a été approuvé par le Parlement européen en avril dernier, juste avant la publication de nouvelles notes explicatives de la Commission début mai.

La perspective d’une «coopération renforcée»

Pour autant, rien n’est acquis. Car à côté des six pays (Allemagne, France, Belgique, Autriche, Portugal et Slovénie) favorables à l’instauration de cette taxe et de quelques autres qui n’y sont pas opposés, certains comme le Royaume-Uni, les Pays-Bas et l’Irlande y sont farouchement opposés.

Mais si les 27 membres de l’Union européenne ne parvenaient pas à se mettre d‘accord, la capacité donnée à un certain nombre de pays de mettre en place une coopération renforcée –ce que prévoient les institutions européennes– pourrait être activée.

Ce ne serait pas la première du genre. L’euro, par exemple, est le fruit d’une coopération renforcée. Cette TTF pourrait en être une autre.

Ainsi la détermination affichée par François Hollande s’inscrit-elle dans une démarche déjà engagée, et qui pourrait franchir une nouvelle étape au Conseil européen de la fin juin, au moins au niveau du calendrier.

Un engagement jusqu’où?

Reste à savoir si les recettes de cette taxe iront, au moins pour partie, aux pays les plus pauvres. «Je prends l’engagement que si cette taxe est créée, une partie de ces revenus sera affectée au développement», a affirmé François Hollande à Rio pour rassurer les ONG et ne pas rester dans la tonalité de ce sommet de l’échec.

Cette volonté se justifierait d’autant plus que toute aide aux pays les plus pauvres contribue à fixer leurs populations sur place et à réduire l’immigration clandestine qui pose tant de problèmes aux pays les plus riches.

Mais tout dépend des sommes allouées à cette aide. Pour l’instant, la TTF dessinée par Bruxelles est avant tout destinée à l’Europe elle-même, ce qui reste bien éloigné des ambitions de Rio.

Gilles Bridier

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