France / Politique

A quoi sert le président de l'Assemblée nationale?

Claude Bartolone a gagné la course au perchoir. Si sa désignation a été très médiatisée, sait-on, au-delà de l'image de chef de la cour de récré, quels sont les rôles du président de l'Assemblée?

Claude Bartolone et Bruno Le Roux, le 21 juin à Paris. REUTERS/Philippe Wojazer.
Claude Bartolone et Bruno Le Roux, le 21 juin à Paris. REUTERS/Philippe Wojazer.

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Désigné candidat du PS jeudi 21 juin, Claude Bartolone devrait normalement être élu sans problème président de l’Assemblée nationale le 26 juin. A 60 ans, le député socialiste de Seine-Saint-Denis va devenir le treizième président de l’institution et le cinquième à venir de la gauche sous la Ve République. Mais au-delà de l’image de chef de cour de récré, quels sont les fonctions et le rôle de l’homme du Perchoir? Et pourquoi le poste attire-t-il autant?

La fonction, d’abord: c’est un titre très prestigieux. Le président est en effet le quatrième personnage de l’Etat, derrière le président de la République, le Premier ministre et le président du Sénat (dans cet ordre, même si c’est le président du Sénat qui remplace le président de la République en cas de vacance du pouvoir). Claude Bartolone sera payé 14.270 euros par mois, soit un peu plus de 1.000 euros de plus que le député normal. A cela s’ajoute un logement de fonction, situé à l’Hôtel de Lassay.

Un rôle d’arbitre prestigieux

Mais la fonction n’est pas qu’honorifique. Jean Garrigues, historien spécialisé en histoire politique et directeur de la revue Parlements, souligne que le président de l’Assemblée est presque un chef d’entreprise:

«Il dirige une administration qui compte plusieurs centaines de personne. Il dispose également presque d’une mini-armée, puisqu’il a à son service une partie de la garde républicaine.»

Le président nomme également, à égalité avec le président de la République et le président du Sénat, trois des neuf membres du Conseil constitutionnel et deux des six personnalités extérieures du Conseil supérieur de la magistrature. C’est également lui qui préside le Congrès quand il est réuni à Versailles. Il est consulté par le président de la République en cas de dissolution et peut saisir le Conseil constitutionnel.

Mais son rôle premier est celui d’arbitre au sein de l’Assemblée. Interviewé sur LCP, Henri Emmanuelli, ancien titulaire du Perchoir, le définissait ainsi:

«Le rôle du président de l’Assemblée nationale est assez ingrat. Il doit connaître la mécanique parlementaire et en même temps, il a spontanément un rôle de préservation de l’opposition, ce qui lui vaut en général d’être engueulé par ses propres amis plutôt que ses adversaires.»


 

Ainsi, dans la procédure législative, le président ouvre, ferme ou suspend la séance parlementaire, fait appliquer le règlement et anime les débats. Il détermine l'ordre des orateurs. Il veille à la discipline dans l'hémicycle et également au bon fonctionnement des commissions.

Un rôle de défense du Parlement

En plus de son rôle d’arbitre, le président est également garant du respect du Parlement en tant qu’institution, même si ces dernières années ont vu l’exécutif prendre de plus en plus de pouvoir. Pour Jean Garrigues, même Bernard Accoyer, qui a dû faire face à l’ultra-président Sarkozy, a rempli son rôle:

«On a eu deux choses contradictoires pendant le quinquennat de Nicolas Sarkozy: en 2008 on a une réforme qui donne plus d’autonomie et de pouvoir à l’Assemblée nationale et en même temps de façon paradoxale, on a eu un pouvoir qui a eu tendance à faire de l’entrisme dans le processus législatif. Pour autant, Accoyer n’a pas été un président au rabais, il a joué son rôle.»

François Hollande, lui, a promis durant la campagne qu’il entretiendrait un rapport différent avec le Parlement, dont il veut qu’il «remplisse à nouveau son rôle».

Une étape ou un couronnement

Ce rôle de défenseur et d’arbitre peut-il être un prélude à un rôle plus important: ministère prestigieux, voire Matignon ou l’Elysée?

Laurent Fabius, qui a présidé deux fois l’Assemblée (1988-1992 et 1997-2000) est aujourd’hui ministre des Affaires étrangères après s’être présenté pour l’investiture socialiste en 2006. Mais en 1988, il a accepté ce poste parce qu’il venait d’échouer à se faire élire à la tête du PS, et en 1997 il ne pouvait intégrer le gouvernement de son «ennemi» Lionel Jospin, qui avait écarté beaucoup d’«éléphants». 

Jacques Chaban-Delmas, qui a occupé trois fois le Perchoir –un record (1958-1969, 1978-1981, 1986-1988)–, est lui devenu Premier ministre, puis candidat à l’Elysée, après son premier mandat. Mais s’il y est arrivé relativement jeune, c’est aussi à cause du profond renouvellement de l’Assemblée nationale en 1958, année de sa première élection.

Pour tous les autres, la présidence de l’Assemblée a été le poste le plus élevé de leur carrière politique. Sans doute parce qu’il s’agit d’une fonction qui réclame une longue expérience (Claude Bartolone est député depuis trente ans) et une capacité de synthèse entre les différents courants politiques, comme le résume Jean Garrigues:

«Il faut d’abord avoir une bonne expérience de la vie parlementaire, souvent les présidents sont des anciens chefs de groupes politiques. Il faut également avoir un rayonnement sur la vie politique française, une aura positive et pas seulement sur son camp. Chaban-Delmas était par exemple très respecté par la gauche et Debré a fini par être reconnu par tous. Enfin il faut que ce soit quelqu’un qui soit un conciliateur, qui ne soit pas trop marqué politiquement. C’est un peu comme un arbitre de football, il se doit d’être impartial.»

Interviewé en même temps que Henri Emmanuelli sur LCP, Bernard Accoyer, le dernier président de l’Assemblée, ne dit pas autre chose:

«C’est mieux qu’il ait une grosse expérience parlementaire, qu’il ait eu des responsabilités parlementaires et qu’il connaisse bien les hommes et les femmes qui y siègent comme ceux qui travaillent dans cette grande institution.»

Fabien Jannic-Cherbonnel

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